Montréal, 15 juin 2010 • No 279

 

Xavier Collet est professeur d'économie et responsable du site de l'ADEL.

 

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Travailleurs sociaux, une profession à risque … pour les familles

 

par Xavier Collet

 

          Tels des policiers davantage occupés à verbaliser qu'à coincer les gros trafiquants, les travailleurs sociaux de l'enfance ignorent le cadre restreint de ce que devraient être leurs prérogatives. En conséquence, les bavures des services de l'aide sociale à l'enfance se multiplient: bambins martyrs non protégés d'un côté, placements abusifs de l'autre.

 

          En dépit d'un certain nombre de cas d'abus sexuel sur mineur, la profession n'a pourtant pas encore la mauvaise presse qu'elle mérite en France. Elle continue de susciter des vocations dans les couches d'une population éprise de transformation sociale et ignorant à peu près tout du fonctionnement normal des familles. Les travailleurs sociaux des associations, les fonctionnaires de l'ASE (Aide sociale à l'enfance), les enquêteurs de la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse), les assistantes sociales, les divers psychologues et autres auxiliaires de l'enfance se situent en effet dans une relation ambiguë avec les parents. Censés leur apporter un soutien, ces intervenants prennent souvent en charge des cas sociaux dont ils tentent de suppléer les insuffisances, maniant la récompense de l'aide financière et le bâton des mesures de placement.

          Si une partie d'entre eux réalisent leur mission avec probité et sans a priori, cette partie n'est que trop minoritaire. L'autre, soit ultra-syndiquée à l'extrême-gauche, soit bêtement complice des premiers, impose sa vison éducationnelle à des parents parfois maltraitants ou démissionnaires face à des situations de délinquance. Faute d'implication des parents, il faut bien que les enfants soient éduqués, même si en l'occurrence les préceptes dispensés sont fort douteux.

          Il en va très différemment quand de plus en plus de parents mis sur la sellette ne sont pas les « familles à problèmes » ordinaires. Les maltraitances imputées les privant d'exercer leur rôle naturel découlent alors régulièrement de principes éducatifs très différents de ceux professés dans les séminaires d'associations de la protection de l'enfance.

          Seront incriminés des faits de privation de sortie ou de chat sur MSN, des systèmes non dégradants de punitions ou récompenses sur résultats scolaires, la surveillance des fréquentation, l'utilisation d'un vocabulaire un peu trop étendu des parents, … chaque élément étant, selon eux, constitutif de pressions scolaires inadmissibles engendrant un stress et un anticonformisme élitiste qu'il convient de réprimer. Seront également abordées les positions à tenir lors de conflits entre parents divorcés dont un est visiblement « plus cool » et « progressiste » que l'autre.

          On abordera aussi les risques dans les traitements de dénonciations calomnieuses: qui a tort, qui a raison et est-ce vraiment important face à une situation de stress scolaire (par exemple) jugée alarmante par l'enquêteur social? La question ne se pose pas vraiment, ce qui compte c'est de s'immiscer dans le fonctionnement des familles.

          La galaxie des travailleurs sociaux n'est donc pas infaillible et quand elle apparaît dans des milieux peu habitués à leur contact, deux attitudes les accueillent. Soit les parents, forts de leur conscience tranquille, ne se préparent pas à ce qui va leur arriver, ignorants du fait que tels les polyvalents les enquêteurs sociaux repartent rarement sans effectuer de redressement. Soit les parents s'adonnent à cet exercice dans la peur et la culpabilité.

          Les insouciants finiront d'ailleurs rapidement par adopter cette seconde attitude car pour une famille qui n'a rien à se reprocher dans ses pratiques, l'irruption du travailleur social qui juge selon ses propres critères psycho-bourdieusiens, c'est un peu la garde à vue. L'épreuve ne se terminera pas sans que l'on ait à lâcher quelques aveux et à procéder à une autocritique en règle. Après tout, qui n'a absolument rien à se reprocher, quel couple parental est exemplaire, ne se chamaille jamais, n'élève jamais la voix? Faute de concéder quelques erreurs, les parents seront non coopérants, voire fous dangereux et le cas de leurs enfants sera rapidement réglé.
 

« Qui a tort, qui a raison et est-ce vraiment important face à une situation de stress scolaire (par exemple) jugée alarmante par l'enquêteur social? La question ne se pose pas vraiment, ce qui compte c'est de s'immiscer dans le fonctionnement des familles. »


          Cette menace va vite planer d'ailleurs et donc les parents non défaillants qui subissent ce genre d'épreuve sont souvent amenés à coopérer en pensant ainsi limiter les dégâts. Coopérer sans arrière-pensée n'est pourtant pas la meilleure solution, car il existe des associations, des groupes de parents qui peuvent aider en indiquant les erreurs à ne pas faire et les moyens de mettre en échec les petits Torquemada du social.

          Cependant, les parents n'ont pas forcément la volonté de se retourner car leur mise en cause occasionne un véritable état de choc qui les amène à douter d'eux-mêmes et à croire, profonde erreur, en l'expertise éducationnelle de leurs inquisiteurs. Une fois le pied dans l'engrenage de la confiance, ils peuvent s'accabler et donner ainsi le moyen de mettre en place une mesure dispensatrice de financements pour les travailleurs sociaux. Le jackpot, c'est le placement à 6 000 euros par mois et par tête de pipe. Pourtant, un placement sur deux est abusif selon l'association Le fil d'Ariane. Qu'importe, cela permet de faire vivre de nombreux éducateurs et travailleurs sociaux avec la complicité de magistrats qui entérinent les demandes de placements et accréditent des dossiers à charge.

          Les dommages psychologiques pour les parents et les enfants sont irréversibles. Mais qu'importe puisque des postes de travailleurs sociaux sont générés et que le casernement des progénitures permet d'écarter les parents en tant que référents. Les enfants sont alors difficilement récupérables et peuvent être extirpés de « milieux bourgeois » pour devenir beaucoup plus malléables aux conceptions aberrantes des éducateurs.

          La déstructuration de la famille sera aussi dénoncée par les parents responsables, mais la plupart du temps de façon maladroite, permettant ainsi au travailleur social de faire admettre que l'intention de l'intervention est toujours bonne même si ses effets sont (exceptionnellement) désastreux.

          Parmi de nombreux exemple, je peux citer une psychologue qui met en cause la maladresse d'une épouse pour s'être confiée à une oreille indiscrète. La dénonciatrice, très active dans les milieux associatifs dits solidaires, devient, selon la psychologue qui s'exprime, le produit d'une société qui a changé depuis la réaction de George Bush aux attentats du 11 septembre et les lois Sarkozy sur la rétention de sûreté. Autant d'éléments, selon elle, qui vont dans le sens de la répression des parents. Les travailleurs sociaux partiaux deviennent alors les victimes du manque de moyens et d'une politique de réduction des crédits.

          Cette explication a posteriori me paraît particulièrement porteuse d'enseignements sur la façon dont les parents sont traités et considérés. Un double bouc-émissaire apparaît ici: l'autre parent, histoire de casser le couple; et le gouvernement, histoire d'établir une complicité de nature politique avec le parent qui a bien besoin d'une main tendue quelle qu'elle soit.

          Avec un minimum de recul, les « circonstances atténuantes » des travailleurs sociaux sont ineptes. Ils n'ont pas attendu un pseudo climat sécuritaire autour d'une nouvelle dangerosité, se contentant de mettre en application un « principe de précaution » à leur sauce contre l'influence de l'institution familiale bourgeoise. Ils s'inquiètent moins du vécu des enfants que de la condition sociale et culturelle des familles. Les parents coupables de « pressions scolaires » ne sont ainsi pas moins dangereux que les déments qui finissent par couler leur progéniture dans le béton. Ils vont donc dénoncer ce procès en dangerosité qui est pourtant – et il faut le dire clairement – leur seule raison légitime d'agir, une raison objective et incontournable dans toute société civilisée.

          Les parents victimes ne sont pas innocents pour les travailleurs sociaux, puisque leur mode éducatif non déviant ne serait pas suffisamment épanouissant selon leur vision de l'enfant libre dans la pouponnière collective. Ces principes ne sont cependant pas trop mis en avant car ils pourraient choquer. Or, il faut aussi s'attirer la compréhension des parents, quitte à se répartir les rôles entre travailleurs sociaux flagellateurs et consolants. Il faut dire en effet qu'une famille déstructurée devient un allié potentiel.

          Quelques bourreaux se lamenteront hypocritement sur la procédure trop expéditive d'autres bourreaux qui ne faisaient qu'obéir, et voilà les parents incités à manifester leur mécontentement voire leur désobéissance vis-à-vis du gouvernement. Les criminels savent s'y prendre pour rejeter la responsabilité de leurs crimes sur ceux-là même qui sont censés les contrôler. Ils agissent là comme des activateurs d'un syndrome de Stockholm en réorientant la colère des familles victimes non contre leurs coteries, mais contre un exécutif censé mettre fin à des pratiques d'enlèvements à visées politiques.

          Chapeau les salauds, car on a pu voir des parents exemplaires sous tout point de vue, dont les enfants pour leur malheur ont été reformatés en futurs assujettis par l'aide sociale, manifester pour que des moyens supplémentaires soient offerts aux travailleurs sociaux. Des parents dont on ne saurait rien reprocher et contre lesquels aucune procédure en correctionnelle ne saurait aboutir, se sont retrouvés coude à coude avec ceux qui les ont calomniés pour que le gouvernement leur prenne davantage en tant que contribuables afin de pérenniser l'inquisition qu'ils subissent! Et je dis bien pérenniser, car soutenus de la sorte, les petits Torquemada font même peur au gouvernement, qui n'ose même plus remettre en cause la mafia de l'aide sociale, de peur de voir les parents victimes s'interposer entre la justice et leur bourreau!
 

 

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