Syndicats abusifs et illégitimes (Version imprimée)
par Michel de Poncins*
Le Québécois Libre, 15 septembre
2010, No 281.
Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/10/100915-12.html

 
Un événement tout à fait considérable s'est passé récemment sur le front syndical et c'est l'occasion de découvrir des vérités cachées.

Monsieur Yvon Gattaz a écrit un article dans Le Figaro sous le titre: « La fin des syndicats et du patronat ». Il sait de quoi il parle, puisqu'il est fondateur de Raddial, firme familiale dont la prospérité est connue, ancien président du  Conseil national du patronat français (CNPF), aujourd'hui le Mouvement des entreprises de France (Medef), et qu'il anime un regroupement d'entreprises familiales dont il a montré que la bonne marche repose précisément sur le caractère familial.

L’article dans Le Figaro

Pour bien situer les problèmes, nous allons citer textuellement certains passages de l'article.

« Les performances des entreprises sont inversement proportionnelles à leur taux de syndicalisation ». Dénonçant l'invraisemblable sanctification des syndicats, il prône l'abandon du dialogue social trop organisé pour privilégier le dialogue humain et le dialogue personnalisé, ceci à la base au niveau de l'entreprise.

Il pense que « ce traitement de choc permettrait à la France de retrouver non seulement une certaine harmonie sociale, mais les performances économiques plus étroitement liées qu'on ne le croit au climat social des entreprises. Les meilleures entreprises françaises ont montré l'exemple. Elles ont supprimé ou réduit l'action des syndicats, mais elles l'ont remplacé obligatoirement par une politique humaine, individualisée, personnalisée, compréhensive, attentive aux besoins de salariés. » Il ajoute: « Il est curieux que les présidents du Medef soient tous tombés dans le piège syndical, au point de réserver la presque exclusivité de leurs actions aux problèmes syndicaux. […] Si le Medef se libérait de ces contraintes, il pourrait alors entièrement s'intéresser à l'entreprise en consacrant ses forces à de nombreux problèmes qui vont de la mondialisation à la recherche en passant par le financement ou le développement durable. »

Il est frappant de constater que ce texte – qui est un véritable brûlot – n'a pas eu l'écho qu'il aurait dû recevoir dans la presse et les médias. Cela en dit long sur le pouvoir incroyable des syndicats qui va jusqu'à jouer un rôle majeur dans l'élaboration de la Pensée Unique Totalitaire (PUT). Il est probable qu'on a dû penser en haut lieu qu'il valait mieux courber l'échine et laisser passer l'orage afin de ne pas attirer l'attention. L'objectif est atteint puisque l'article est pratiquement passé dans les oubliettes.

Mais le président Gattaz est loin d'avoir tout dit et il importe de compléter l'analyse.

L’analyse complète

D'abord, personne ne peut oublier que la représentativité syndicale est parfaitement illégitime puisque reposant encore en grande partie, malgré maints changements, sur la désignation arbitraire des syndicats représentatifs au sortir de la dernière guerre mondiale.

Il est aussi utile d'ajouter que ces syndicats disposent de sommes absolument fantastiques grâce en partie à des employés payés par la puissance publique ou par les entreprises. Que dire des multiples organismes où les chefs syndicalistes acquièrent richesse et gloire comme le Conseil économique, social et environnemental et ses succursales? Tout récemment, nous avons rappelé l'existence du 1% prélevé indûment sur le chiffre d'affaires d'Électricité de France (EDF) et qui permet à la Confédération générale du travail (CGT) d'organiser son pré carré en vue en fait de démolir l'économie française. L'immensité des sommes ainsi arrachées à l'économie équivaut à un impôt gigantesque pesant sur la compétitivité et chassant les entreprises hors de France.

Le pouvoir prépare hypocritement un coup de massue vis-à-vis des très petites entreprises (TPE). Il se discute actuellement au Parlement un projet de loi sur le dialogue social. Ce texte, qui doit compléter la loi du 20 août 2008, vise « à renforcer l'effectivité de la représentation collective du personnel dans les entreprises de moins de 11 salariés et à y mesurer l'audience des organisations syndicales ». Dans ce cadre, un scrutin serait organisé au niveau régional tous les quatre ans. Les TPE n'ont nul besoin que l'on s'occupe du dialogue social. Dans ce type d'entreprises, le dialogue avec la direction est naturel et s'exerce au quotidien sans besoin d'intermédiaires patentés. C'est encore plus typique que dans les grandes entreprises que cite Gattaz.

Pas question d'oublier la véritable guerre ouverte en permanence par les cheminots contre le peuple français. Depuis des décennies, la vie quotidienne de millions de Français, et en particulier de 10 millions de banlieusards, est empoisonnée par des grèves à répétition qui ont pour résultat que brusquement les usagers sont cloués sur le quai. Aux grèves à répétition, s'ajoutent les retards permanents, en particulier dans la banlieue où jamais personne n’est sûr de trouver son train à l’heure. Il est évident que si le droit de grève est abusivement inscrit dans la constitution, le droit de circuler librement est inscrit dans le droit des gens et devrait être très supérieur au droit de grève.

L’état de guerre, s’il se manifeste par ces grèves et ces retards, s'est opéré aussi sur des années par la charge imposée au peuple français sur le plan financier par la Société nationale des chemins de fer français (SNCF). Cette charge insupportable est due à la gestion désastreuse d'une entreprise nationale et en plus aux avantages inconsidérés accordés à ses agents, ainsi qu’à la richesse personnelle des chefs syndicalistes, véritables propriétaires de l’entreprise.

Le plus abominable est hélas la quasi-destruction de l'éducation nationale, qui est soumise à la dictature des syndicats. L'Évangile nous apprend l'importance des petits enfants. Les syndicats détestent les enfants pour avoir engagé des générations dans le drame de l'illettrisme dont ils gardent les traces toute leur vie.

Quant au Medef, bornons-nous à signaler que certains patrons sont aussi assis confortablement dans des sinécures syndicales.

Si l'on ajoute aux points légitimement signalés par Yvon Gattaz la liste impressionnante des dommages ci-dessus énumérés, on touche réellement aux racines du désastre français.

Que faire?

Il n'est pas possible de comprendre cette incroyable situation si on néglige le pouvoir quasi dictatorial qu'exercent les syndicats. En 2007 – et par deux fois! –, le nouveau pouvoir a donné publiquement les clés de la maison France à un quarteron de chefs syndicalistes. D'abord au pavillon de la lanterne et ensuite à l'Élysée. Ce faisant il se liait les mains et jetait les bases de la catastrophe économique et sociale qui suivit. C'est pour cela qu'ils ne se gênent pas pour déclencher des grèves, selon leur bon plaisir, comme on l’a vu le 7 septembre, même s'ils peinent à créer le succès.

Pour la même raison, et au sujet des retraites, ils arrivent à empêcher à eux seuls la création d'un système de capitalisation en remplacement de la répartition en faillite, le pouvoir s'agenouillant devant ce diktat pour se consacrer à un rapiéçage sans effet aucun. Ce comportement est quasi criminel.

Il n'est toutefois jamais trop tard pour bien faire.

Lors de son arrivée au pouvoir, Madame Thatcher s'est heurtée à des syndicats bien plus puissants que les nôtres. Avec une stratégie adaptée, elle les a vaincus. Peut-on espérer que quelqu'un un jour sauvera la France de la dictature syndicale avec une communication et une stratégie adaptées? Certes.

La petite fée espérance est toujours là.

----------------------------------------------------------------------------------------------------
* Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.