L’échec souverainiste, une conséquence de l’étatisme (Version imprimée)
par Shawn Mac Farlane*
Le Québécois Libre, 15 août
2011, No 291.
Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/11/110815-4.html


 J'ai longtemps cru que j'étais fédéraliste... Lorsque je voyais agir et que j'écoutais discourir autour de moi les gens qui se prétendaient souverainistes, je ne m'y reconnaissais pas du tout. Alors je devais forcément être fédéraliste! Ce n'est que quelques années plus tard que j'ai compris qu'on peut être souverainiste sans partager les vues des bibittes que sont les souverainistes québécois.

Les souverainistes québécois sont trempés en un moule pratiquement unique, ils sont gauchistes, étatistes et souvent anticapitalistes. Et ils détestent profondément le Canada. Or, pour moi me considérais à l'époque comme étant de droite, car je ne savais pas que j'étais à ce moment beaucoup plus libertarien que droitiste, ces gens étaient étranges et inquiétants. J'ai tôt fait de remarquer que les souverainistes n'accordaient par exemple que peu d'importance à l'économie, et je me disais donc qu'un pays fondé et dirigé par ces gens serait rapidement acculé à la ruine et que ses habitants souffriraient beaucoup sous leur égide. La « cause » est importante, mais j'aurais aimé que les souverainistes n'oublient jamais que le pays doit d'abord servir les gens, et non le contraire.

J'ai aussi remarqué rapidement le peu de respect pour la liberté humaine qui est généralement l'apanage des souverainistes. Leur étatisme fait en sorte qu'ils n'hésitent jamais à brimer une liberté humaine au nom de ce qu'ils aiment appeler « le bien commun ». René Lévesque disait: « Le plus fort d'entre nous c'est l'État », et depuis 40 ans on voit cet État québécois devenu monstrueusement obèse s'ingérer dans tous les aspects de la vie des habitants. Nous en sommes maintenant à un point où le citoyen ne peut plus rien faire sans demander au Dieu-État une permission. Tout au plus peut-il choisir la couleur de son automobile sans demander un permis, mais le jour n'est malheureusement pas loin où l'on surtaxera certaines couleurs en disant qu’elles contribuent à l'effet de serre. On le fait déjà pour les moteurs de plus de 4 litres de cylindrée, alors il n'y a qu'un pas à franchir...

Certains prétendront que l'État fut un instrument de développement utile depuis la Révolution tranquille. Il n'a pourtant rien fait que l'industrie privée ou des associations de citoyens n'auraient pu faire. Et pour ce qui est de la richesse collective qu'il a amené, je vous répondrai que nos infrastructures en ruine et une dette publique évaluée à 238 milliards à l'heure actuelle ne me font pas sentir très riche.

Ce n'est que plus tard dans ma vie que j'ai commencé à me demander si le Québec, nonobstant le fait que ses souverainistes sont des gens avec qui je ne voudrais pas faire la souveraineté, devrait être souverain. En analysant ses caractéristiques, je ne peux répondre que oui à cette question. Il est assez unique en matière de culture et il possède des richesses naturelles qui pourraient assurer sa pérennité, pour peu qu'on cesse de le gérer comme un État du tiers-monde comme on le fait présentement. Mais alors, si l'on convient que le Québec a tout ce qu'il faut pour être souverain, comment se fait-il qu'il ne le soit pas encore? Comment se peut-il que ses citoyens aient refusé à deux reprises de prendre en main leur destinée lors de référendums pacifiques, alors que d'autres peuples ont dû prendre l’AK-47 pour obtenir cette même indépendance? La réponse est malheureusement claire. Les souverainistes québécois sont ironiquement les premiers responsables de l'échec de leur idéal. Pourquoi me demanderez-vous? Leur étatisme dangereux vous répondrai-je.

Depuis la Révolution tranquille, mais surtout depuis l'élection du PQ en 1976, les étatistes ont graduellement enlevés aux citoyens tout pouvoir sur leurs actions. L'argument principal des étatistes est que cette approche permet d'offrir davantage de sécurité au citoyen. Vos soins de santé, on s'en occupe. Votre sécurité routière, on s'en occupe. L'éducation de vos enfants, de la garderie à l'université, on s'en occupe. Vendre votre alcool, on s'en occupe. La gestion des transports, qu'on parle de vos bateaux de plaisance où de votre permis de conduire, on s'en occupe. La sécurité publique, on s'en occupe et on vous rend criminels si jamais vous vous en occupez. Vous comprenez le principe, l'État québécois s'occupe de tout, de votre naissance à votre mort. Le seul prix qu'on vous a facturé pour toute cette merveilleuse sécurité est d'abandonner votre liberté.

Or, de quoi est-ce que vous avez besoin pour construire un pays? D'une soif profonde de liberté, d'une volonté telle d'être indépendant que vous êtes prêt à sacrifier votre confort ou votre vie pour avoir le privilège de ne pas avoir de maître autre que vous-même. C'est ce qui a motivé des peuples à prendre la mitraillette lorsqu'ils en ont eu assez d'entendre le son des bottes dans leurs rues. Mais cette volonté collective de liberté n'est possible que si les individus qui composent cette collectivité sont eux-mêmes autonomes et libres. Comment espérez-vous pouvoir vouloir collectivement quelque chose que vous ne connaissez pas dans cotre vie personnelle? Un groupe n'est après tous qu'un regroupement de volontés individuelles! C'est l'aspect que le souverainiste québécois n'a jamais su envisager, et c'est ce qui fera que je ne connaîtrai pas la souveraineté de mon vivant, le peuple québécois étant maintenant ce chien gras des fables de Lafontaine, regardant de haut le maigre loup libre, habitué qu'il est au confort de la sécurité étatique et ne sentant plus le poids de la chaîne qu'il a au cou.

Établissons tout de suite que la liberté est inconfortable, elle nous laisse seul face à nos problèmes, elle nous rend maître de prendre les meilleures décisions pour les régler et elle nous laisse assumer les conséquences desdites décisions. Elle favorise, contrairement à ce qu'affirment les gauchistes, le communautarisme car l'Homme libre comprends rapidement qu'il a intérêt à se regrouper pour vaincre les difficultés plutôt que des les affronter seul. L'étatisme québécois a tué tout sens de communauté dans notre peuple, car on appelle maintenant un fonctionnaire aussitôt qu'on a un problème plutôt que d'aller voir son voisin.

Vous avez là une autre raison pourquoi les souverainistes ont tué le rêve. Lorsque vous construisez un pays, vous ne le faites pas pour vous-même. Vous le faites parce que vous croyez que vous, votre voisin, votre communauté et votre descendance seront beaucoup plus heureux s'ils sont libres. C'est un cadeau collectif que l'on se fait en devenant indépendant. On accepte de souffrir, voire même de raccourcir nos jours maintenant, en sachant que nous plus tard et éventuellement ceux qui nous succèderont bénéficieront de notre combat.

Mais comment voulez-vous vous battre ensemble dans une société aussi individualiste où toute communauté a été remplacée par l'État? Où vous n'avez jamais besoin de votre voisin parce que vous pouvez appeler un fonctionnaire pour de l'aide? Où vous n'avez pas à défendre la vie de l'humain qui se fait battre par des voleurs derrière le comptoir de dépanneur parce que vous pouvez vous cacher derrière votre téléphone cellulaire et appeler la police, que vous pourrez d'ailleurs blâmer en disant qu'elle n'est pas arrivée assez vite pour vous déculpabiliser de n'avoir rien fait?

Je suis un souverainiste libertarien. J'en veux au mouvement souverainiste québécois de m'avoir endetté et mal géré et donc de m'avoir enlevé ma liberté économique; de m'avoir enlevé ma liberté citoyenne pour la remplacer par une sécurité illusoire offerte par un État dont la puissance ferait rêver l'Église catholique dont on s'est débarrassée en 1960 parce qu'elle était supposément trop contrôlante. Je lui en veux surtout d'avoir, par ses politiques étatistes, enlevé à mes concitoyens l'autonomie et la volonté de liberté qui caractérisaient nos ancêtres d'avant la Révolution tranquille, qui eux n'attendaient rien du gouvernement et qui voyaient avec suspicion la police et le contrôle. Cette autonomie individuelle, et par conséquent collective, était la condition essentielle pour qu'on puisse un jour dire que le Québec est un pays.

Merci au mouvement souverainiste gauchiste d'avoir fait en sorte qu'au Québec, nous en sommes maintenant réduits à croire qu'être libre, c'est pouvoir choisir sa marque de bière et sa couleur de voiture. Vous nous léguez une belle société. Merci, vraiment.

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* Shawn L. Mac Farlane est bachelier en droit.