Le prétendu modèle allemand (Version imprimée)
par Michel de Poncins*
Le Québécois Libre, 15 mai
2012, No 300.
Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/12/120515-3.html


Les comparaisons vont bon train avec le prétendu modèle allemand. Un hebdomadaire connu a établi des fiches à propos de personnes équivalentes de part et d'autre du Rhin; professeurs, ouvriers, cadres, retraités. Sauf erreur, toujours possible dans l'enchevêtrement des faits et des lois, il semble bien que les Allemands soient plus gâtés que les Français. Tous impôts et charges payées, il leur reste davantage dans leurs poches. Indépendamment de calculs arbitraires, le signe le plus clair est le nombre d'Alsaciens qui vont travailler dans le pays voisin.

L'avance se traduit aussi dans la médecine. Les hôpitaux allemands sont régulièrement mieux équipés que les français. Ainsi en fut-il pour les IRM à leur début et sur d'autres appareils à présent.

Un peu d'analyse

Comment expliquer ces apparences d'une meilleure prospérité?

Ces jours-ci sortent des comparaisons utiles sur le coût du travail. Elles sont nettement en faveur de l'Allemagne en particulier à cause des charges sociales. Les défenseurs du modèle français s'en tirent en affirmant que la productivité serait plus forte en France. L'excuse est habile mais ce sont des calculs arbitraires et cela ne se voit guère sur les marchés d'exportation. Le chômage en France ne cesse de progresser même si le pouvoir se console par un ralentissement de la hausse. En Allemagne, le chômage régresse et depuis 2007 il a diminué de 50 %. Quant au PIB, malgré la fragilité des calculs, il n'est pas aussi plat qu'en France.

La structure fédérale n'est pas pour rien. En Allemagne, les Landers disposent d'une large autonomie avec leurs propres constitution et leurs propres contrôles. Ils échappent donc plus que d'autres à la voracité des politiques: toute centralisation libère la tendance naturelle de ces politiques à multiplier les dépenses abusives souvent dans leur intérêt. Au surplus, les politiques allemands sont moins avides que les nôtres: en témoigne le train de vie modeste de la chancelière elle-même.

Un autre facteur est la moindre culture de la grève qu'ailleurs. La grève est fortement encadrée et, notamment, les grèves politiques ne sont pas autorisées. Les fonctionnaires n'ont pas le droit de grève. En France, la « gréviculture » est une habitude et détruit chaque année une part importante de la richesse nationale. En 2008, un million huit cent mille journées de travail ont été perdues, soit trente fois plus qu'en Allemagne. L'effet de ruine se traduit d'abord par la richesse manquante. Il se rajoute la conséquence sur les investissements nationaux, les entrepreneurs étant freinés dans leur élan. Bien sur l'effet est encore plus fort sur les investisseurs internationaux qui cherchent sans complexe des terres plus accueillantes.

Ajoutons l'existence d'un tissu important de firmes familiales qui réagissent vite aux indications du marché.

Les défauts de la statue

L'Allemagne est-elle réellement un modèle? La statue n'est pas sans défauts.

Elle a un gros problème de population. Il est si grave que la population allemande pourrait disparaître à long terme. Les médias clament qu'il y aurait besoin de 200 000 immigrés de plus par an pour faire face à la prospérité. Pour remplir les postes en souffrance, la seule parade officielle est d'encourager le travail des femmes. C'est évidemment le contraire d'une véritable politique familiale, seule solution au problème. Les idéologies à la mode dont le multiculturalisme, la parité « hommes-femmes » et la culture de mort se manifestent ici. Angela Merkel, sans doute aussi contaminée, commet une faute historique en les suivant.

Pour des raisons électoralistes la « Reine de Prusse » a décidé de freiner le nucléaire. C'est grave pour l'équilibre énergétique de tout le continent européen. Elle se lance de ce fait dans l'énergie éolienne et ses multiples mensonges. S'il existe un tribunal de l'histoire, la Prussienne devra répondre d'un double crime dû aux éoliennes: la destruction de magnifiques paysages de son pays, ainsi que de ses sols, où des milliers de tonnes de béton resteront enfouis pour toujours!

Les erreurs doctrinales

Sur le plan doctrinal, la Prussienne dérape également. Pour sortir de la crise, elle demande plus d'Europe. Plus d'Europe, cela veut dire des parlottes pendant des lustres et la ruine par un flot torrentiel de directives reflétant un socialisme destructeur, avec, en sus, une incertitude juridique cancéreuse. Quant à la richesse des eurocrates, elle s'étale dans tous les journaux. L'enrichissement personnel indu (EPI) de ces eurocrates est au coeur de la ruine générale.

Elle se rallie aux remèdes imposés par la « communauté internationale » qui se fracassent sur de mauvais raisonnements.

Il est, certes, nécessaire de chercher la croissance pour arranger bien des problèmes. L'erreur majeure est de penser à des incitations officielles à cette croissance par des politiques publiques. Comme toute politique économique officielle, elles ne pourraient que se retourner contre leurs propres objectifs. À l'échelle européenne, le drame ne peut que se multiplier.

En fait, on promet aux peuples abasourdis de la sueur et des larmes. Les plans d'austérité se succèdent avec à l'évidence aucun succès et le Portugal entre autres en souffre de plus en plus.

La seule façon connue de retrouver la croissance est de libérer le capital et le travail; le entrepreneurs recommenceront à embaucher et à investir dans un cercle vertueux. Ce sera la richesse pour tous.

Last, but not least: Angela Merkel a imaginé, le 30 mars, de renforcer le MES (ou Mécanisme européen de stabilité) en le dotant de milliards en plus. En programmant ainsi un flot de monnaie créé ex nihilo, elle oublie allègrement le souvenir cuisant de l'hyperinflation allemande au siècle dernier. Il est vrai que l'OCDE s'y met aussi en évoquant un pare-feu de mille milliards!

Vers un SMIC

La dernière nouvelle est son ralliement à l'idée d'un salaire minimum défendu par ses partenaires sociaux-démocrates. Or l'absence de salaire minimum était l'une des causes du « miracle » allemand. La preuve a été apportée mille fois de la nocivité de ce système et de son effet négatif sur le chômage.

Devons-nous en tant que concurrent de l'Allemagne nous réjouir de ce nouveau dérapage? Ce n'est pas sûr: la prospérité de nos voisins nous est favorable car elle permet de supporter les effets délétères des politiques que nous subissons et qu'à vue humaine, nous allons continuer à subir!

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* Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.