Libres! 100 auteurs, 100 idées* (Version imprimée)
par La main invisible**
Le Québécois Libre
, 15 septembre
2012, No 303
Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/12/120915-2.html


« Libres! » voilà ce qu'ont déclaré les 100 auteurs regroupés autour de cet ouvrage dans un même élan de liberté, faisant fi de leurs origines diverses, leurs formations ou leurs parcours de vie. Des universitaires, des artisans, des ouvriers, des médecins, des avocats, des étudiants unis par cette liberté chérie.

La liberté, voilà la réponse trouvée à la crise que traverse notre société. Déclin du système de santé, d'éducation et de retraite, incertitudes face à l'avenir, l'immigration, l'environnement, misère qui guette de plus en plus l'individu. Autant de problèmes auxquels chaque auteur s'attelle avec encore et toujours la même réponse: La liberté.

Qu'est-ce que la liberté, où en sont les limites, comment peut-elle nous permettre de vivre mieux? C'est justement ce que les auteurs sollicités dans cet ouvrage, texte après texte, ont tenté d'expliquer le plus simplement possible dans 100 sujets, car c'est ensemble et maintenant, la tête haute, que nous changerons le monde de demain, en hommes et femmes « Libres! »

Il existe un grand nombre d'ouvrages majeurs dans la pensée libérale, rédigés par des esprits brillants de par les siècles. Ce livre n'a pas pour ambition de faire mieux, mais tout simplement de créer une porte d'entrée sur le libéralisme, un accès pour ceux qui pensent que le libéralisme, ce sont les grandes banques associées aux grandes fortunes de ce monde faisant pression sur les hommes politiques, n'ayant comme seul but que celui de l'asservissement des peuples. Ce livre est l'ouvrage que tout libéral rêvait d'avoir pour expliquer le libéralisme aux syndicalistes indécrottables, à son patron, à ses amis qui ne voient le changement possible uniquement qu'entre la droite et la gauche. Ce livre pourrait être: « Le libéralisme expliqué à ma grand-mère ».

Vous avez des amis avec qui vous aimeriez faire partager vos ambitions de liberté? Ce livre est pour vous! Vous ne connaissez rien au libéralisme car vous nagez en social-démocratie depuis des décennies mais vous vous rendez bien compte que ça ne peut plus durer? Ce livre est pour vous! Vous savez très bien que l'avenir ne sera pas rose, et que nous prenons la route qui mène à la servitude? Ce livre est pour vous, et pour tous ceux que vous voudriez sauver de cette route toute tracée!

Le QL publie ces extraits avec l'aimable permission du collectif La main invisible.

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Extraits de l'introduction
par Damien Theillier, président de l'Institut Coppet

L'ambition de ce livre grand public n'est pas d'initier le lecteur aux arcanes de la philosophie libérale, ni même aux subtilités de l'économie politique. Son ambition est plutôt d'offrir une diversité d'aperçus individuels sur le monde contemporain et la société française en particulier. Le libéralisme n'est pas un corps de principes unifiés, fixé une fois pour toute dans on ne sait quel texte fondateur. Il y a une grande diversité de sources du libéralisme et ce livre en témoigne par la pluralité de ses approches.

Toutefois, il n'est pas inutile de rappeler quelques principes communs, partagés par l'ensemble des libéraux. Car ce sont ces principes de philosophie du marché et de philosophie de la liberté que la plupart des gens ignorent. Et c'est précisément cette ignorance qui est la raison fondamentale du rejet de la liberté dans ce pays. Tous ceux qui sont passés par l'Éducation nationale, soit 99% de la population, puisqu'il s'agit d'un monopole, ont appris que l'échange est un jeu à somme nulle où les gains des uns impliqueraient les pertes des autres, que la propriété est un vol, que poursuivre son intérêt est un vice, etc. Les intellectuels n'aiment pas le libéralisme et le philosophe de Harvard, Robert Nozick, explique ce phénomène comme un effet du ressentiment. Les intellectuels sont hostiles au libéralisme, selon lui, parce que les sociétés où règne le marché ne rémunèrent pas suffisamment leurs investissements en années d'étude. C'est pourquoi les intellectuels adhèrent systématiquement au socialisme et imposent une culpabilité imméritée à ceux qui poursuivent leur propre intérêt.

1° Qu'est-ce que la main invisible?

L'expression « main invisible » provient de La Richesse des Nations (1776), le célèbre livre d'Adam Smith. Selon ce dernier, l'entrepreneur qui cherche à faire du profit est conduit à rendre service à des gens bien plus nombreux que s'il avait pour but d'en faire à des gens connus de lui. Il produit des biens de plus en plus utiles et abordables par la division du travail et la concurrence. Le message de Smith est que la volonté de chacun d'améliorer son sort est un élément central du développement économique, qui profite à tous. En 1958, l'écrivain américain Leonard Read (créateur de la Foundation for Economic Education) publie dans la revue The Freeman un petit essai devenu très célèbre: I, pencil (« Moi le crayon »). Ce texte est une magnifique illustration de la métaphore de la main invisible. Il commence ainsi: « Je suis un crayon à mine, un crayon ordinaire en bois, familier à tous les garçons et les filles et les adultes qui savent lire et écrire. Il est l'un des objets les plus simples dans la civilisation humaine. Et pourtant pas une seule personne sur cette terre ne sait comment me produire. » Milton Friedman (prix Nobel d'économie en 1976), s'est souvent servi de cette histoire pour expliquer le « miracle » de la coopération humaine dans une économie de marché (notamment dans un épisode de sa série télévisée Free to Choose). Des milliers de personnes qui ne se connaissent pas, qui n'ont pas la même religion ni les mêmes coutumes, réussissent pourtant à se coordonner pour produire cet objet. Leonard Read écrit: « Il y a quelque chose d'encore plus étonnant: c'est l'absence d'un esprit supérieur, de quelqu'un qui dicte ou dirige énergiquement les innombrables actions qui conduisent à son existence. On ne peut pas trouver trace d'une telle personne. A la place, nous trouvons le travail de la Main Invisible. » Et l'auteur de conclure: « La leçon que je veux enseigner est la suivante: laissez libres toutes les énergies créatrices. Organisez juste la société pour qu'elle agisse en harmonie avec cette leçon. Que l'appareil légal de la société élimine tous les obstacles du mieux qu'il le peut. Permettez à tous ces savoirs créateurs de se répandre librement. Ayez foi dans les hommes et les femmes libres qui répondent à la main invisible. »

(…) Bien entendu, l'harmonie des intérêts, réalisée par la concurrence et le mécanisme des prix, n'est possible que sur la base du respect des contrats et des droits de propriété. Il n'y a pas d'ordre auto-organisé sans règles du jeu. D'où cette définition de l'État par Frédéric Bastiat au XIXe siècle: « l'État, ce n'est ou ce ne devrait être autre chose que la force commune instituée, non pour être entre tous les citoyens un instrument d'oppression et de spoliation réciproque, mais, au contraire, pour garantir à chacun le sien, et faire régner la justice et la sécurité. » (…)

2° Le libéralisme est un humanisme

La liberté économique est perçue par une majorité de nos contemporains, conservateurs ou socialistes, comme étant radicalement immorale. Elle révolte et scandalise. On s'indigne de la spéculation, du profit et des salaires des patrons, du « règne de l'argent ». Le libéralisme serait affranchi de toute considération de justice et guidé par des mécanismes impersonnels et inhumains.

(…) La liberté grandit les hommes car elle implique d'assumer la responsabilité de ses choix, d'accepter les règles du jeu et de refuser d'obtenir un profit par la force. C'est par le service d'autrui que je peux me servir moi-même.

Toutefois, les conservateurs prétendent que le libéralisme est une belle doctrine mais une doctrine qui ne peut pas fonctionner, car les hommes ne sont pas vertueux. Pour eux, le plus grand bien social n'est pas la liberté sans réserve, mais un comportement décent, ou la liberté ordonnée par la vertu. Cette culture de la liberté dans la vertu ne s'acquiert pas spontanément. Il faut le renforcement et la médiation des institutions, voire du gouvernement lui-même.

Les libéraux répondent: le conservatisme est une utopie car l'État finit toujours par devenir un Léviathan incontrôlable. « Si l'on rejette le laissez-faire à cause de la faillibilité de l'homme et de sa faiblesse morale, il faut aussi, pour les mêmes raisons, rejeter toute espèce d'action du gouvernement », écrit Ludwig von Mises. Par ailleurs, ajoutent les libéraux, une communauté ne peut pas forcer un homme à être vertueux. Il n'y a d'actions morales que de volontaires et choisies. Dès lors qu'une action est forcée, elle perd sa dimension éthique et ne peut être celle d'un homme vertueux. Nous sommes moralement bons, responsables et dignes de respect dans la mesure où nos actes découlent de notre propre volonté, et non de contraintes extérieures. Le capitalisme est garant de cet espace moral et de l'autonomie individuelle car il est fondé sur le droit de propriété. (…)

3° Une autre vision de la politique

L'un des reproches souvent fait au libéralisme par les conservateurs de tout bord, c'est la dépolitisation de la cité. On accuse le libéralisme économique de nier le politique, c'est-à-dire le vivre ensemble, au profit d'un individualisme débridé.

Mais pour les libéraux, la dépolitisation n'est pas un mal, bien au contraire. Encore faut-il préciser de quelle politique on parle, car il existe une forme pervertie de la politique, celle que nous observons tous les jours et qui consiste à conserver, ou bien à augmenter la violence légale, c'est-à-dire la violation des droits des individus. Distinguons deux sens du mot politique:

1° La politique comme une lutte entre les individus pour obtenir un maximum de faveurs du gouvernement par le détournement de la loi ou la création de faux droits. Il s'agit d'une guerre civile institutionnalisée par l'État pour la conquête de privilèges et d'avantages sociaux. C'est le règne des groupes de pression qui n'ont en vue que le détournement de la loi au profit de leurs intérêts particuliers. C'est un jeu à somme nulle. Ce que les uns gagnent, les autres le perdent. C'est la lutte des classes, le refus de la concurrence, le règne de la « spoliation légale » comme le disait Bastiat. En effet, lorsque le gouvernement se met à distribuer des privilèges, à la suite de pressions politiques, on voit se développer des conflits entre groupes et s'exacerber la lutte des classes. Le grand moyen de s'enrichir, dans un monde dominé par la politique, est de profiter des privilèges permis par la fiscalité, les prestations sociales et autres combinaisons artificiellement instaurées par le législateur. La richesse est jalousée et la spoliation d'autrui approuvée. (…)

2° Mais il existe une autre forme de politique, compatible avec la liberté, c'est la politique comme protection des droits naturels et individuels. Il s'agit alors de l'ensemble des institutions qui émergent des libres contrats passés entre les individus permettant la coopération et la coordination des activités économiques et sociales. La communauté n'est pas opposée à la liberté si elle est fondée sur l'échange des services et la coopération volontaire entre tous les acteurs de la société. Les libéraux croient à l'existence d'une harmonie naturelle des intérêts parmi les membres pacifiques et producteurs d'une société équitable. La politique ainsi comprise, nous dit Bastiat au sujet de la loi, n'a pas pour but de faire régner la justice mais d'empêcher l'injustice de régner.

Cependant, dans La Loi (1848), Bastiat a aussi montré que lorsqu'un gouvernement outrepasse sa fonction de protection des personnes et des biens, cela incite des groupes d'intérêt à rechercher des privilèges et à influer sur le gouvernement pour obtenir des avantages au détriment des contribuables et des consommateurs. Autrement dit, lorsque la loi, au nom d'une fausse philanthropie, cesse d'être négative pour devenir positive, elle devient l'enjeu d'une lutte pour s'assurer un maximum de profits immérités: subventions, crédits, retraites, salaires minimum etc. Les revenus et les richesses sont redistribués et les ressources gaspillées. Le sentiment d'inégalité et d'injustice ne peut alors que s'accroître et générer des conflits. « Vous ouvrez la porte à une série sans fin de plaintes, de haines, de troubles et de révolutions », écrit encore Bastiat. Si la loi promet de répondre à toutes les attentes, il est probable qu'elle échoue et qu'au bout de chaque déception, il y ait une révolution. (…)

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