Les ravages de l'obstination idéologique (Version imprimée)
par Jean-Louis Caccomo*
Le Québécois Libre, 15 septembre
2012, No 303
Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/12/120915-5.html


Les socialistes français restent fondamentalement prisonniers de leur subconscient marxiste et cette emprise est encore plus déterminante chez les écologistes et au front de gauche. Or l'analyse marxiste est totalement orientée vers l'objectif de destruction du capitalisme, inscrite selon eux dans les contradictions propres de l'économie capitaliste, mais que la dictature du prolétariat pourra considérablement accélérer.

Cet objectif conditionne les concepts, le vocabulaire et les méthodes de la pensée marxiste, interdisant une prise en compte objective des faits économiques au service d'une compréhension plus fine de la réalité économique. De là vient la méfiance quasi pathologique envers l'entreprise, le marché, les patrons, la bourse, les sponsors, l'argent voire la liberté individuelle assimilée à la jungle. La ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, ne s'est-elle pas déclarée choquée par l'irruption du sponsoring dans le financement de certaines manifestations culturelles?

Dans ces conditions, comment peut-on espérer que les socialistes au pouvoir puissent parvenir à relancer la croissance d'une économie qui reste, et restera, fondamentalement une économie de type capitaliste? Encore faut-il comprendre et accepter les mécanismes intimes de la création de richesse avant de pouvoir prétendre la redistribuer.

Parvenu au pouvoir, François Mitterrand s'était donné 100 jours pour « rompre avec le capitalisme ». Aujourd'hui, à défaut de renverser le capitalisme, le gouvernement français s'efforce d'accompagner la mise en place d'un capitalisme d'État, qui est une déviance du capitalisme fondé sur l'économie de marché, ou de multiplier les réglementations de tous les phénomènes économiques (prix, loyers, épargne, investissement, entreprises, travail, etc.). Comme les phénomènes économiques ne sont que les effets de nos comportements et de nos décisions, cette inflation réglementaire revient en fait à un encadrement de plus en plus serré de nos comportements qui limite toujours plus le champ de nos libertés individuelles, censées être protégées par l'État de droit.

Et comme l'économie repose sur la capacité de faire des choix et de prendre des décisions (la science économique n'est-elle pas la science du choix?), la réduction du champ de nos libertés et des incitations à prendre des décisions affecte nécessairement la dynamique économique. Aux choix individuels se substituent les choix collectifs prisonniers des calculs politiques, eux-mêmes soumis aux poids des lobbies et des corporatismes soucieux de préserver les rentes acquises.

Dans les années 1960-70, les pays « en voie de développement » tentaient d'explorer une voie alternative à l'économie de marché, largement encouragée par l'URSS, en mettant en place des politiques d'industrialisation fondées sur la substitution aux importations. Il s'agissait de se mettre en autarcie pour protéger les industries naissantes. Malgré les aides massives au développement versées par les pays riches, ces politiques ont abouti à une impasse. À partir des années 1980, et avec l'effondrement de l'URSS, ces pays ont radicalement changé de cap en s'ouvrant à l'économie mondiale et fondant leur industrialisation sur les exportations, ce qui donna naissance aux pays émergents. Ainsi s'explique la croissance vigoureuse de la Chine, la Corée du sud, l'Inde, le Brésil ou encore la Russie.

Mais les faits ont beau être têtus, les ornières idéologiques le sont tout autant. Et les gouvernements français se sont successivement fait élire, depuis trois décennies, sur la promesse de nous « protéger de la mondialisation capitaliste ». Même la droite française, profondément dominée par les schémas de pensée de la gauche, n'a jamais osé appliquer la politique du socialiste allemand Schröder qui a permis à l'Allemagne de retrouver la croissance fondée sur sa puissance exportatrice, après avoir digéré l'ex-RDA.

Mais pour bénéficier des leçons de l'histoire, encore faut-il avoir les prismes intellectuels les moins déformés.

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* Jean-Louis Caccomo est Maître de Conférences en Sciences Économiques à l'Université de Perpignan.