Il serait aussi utile de rappeler que beaucoup d'enseignants, si ce n'est la
vaste majorité, ne seraient pas intéressés à travailler armés, ce qui pourrait
potentiellement réduire l'efficacité de la mesure. Mais c'est surtout pour des
raisons professionnelles et sociales que l'on ne peut envisager cette idée
présentement. L'enseignant par ses actions véhicule l'image de la société à
bâtir, et il me semble que l'école n'est pas un lieu qui doit faire la promotion
du port d'arme. Il s'agit d'une décision éminemment personnelle de la part d'un
individu qui doit se questionner sur ses valeurs et sur ses convictions les plus
profondes. Qu'il le fasse en tant qu'adulte, soit, mais une institution
d'enseignement étatique n'a pas selon moi à lui indiquer quelle position il doit
adopter en la matière. De plus, jamais la population n'accepterait cette idée
présentement. Doit-on rappeler qu'on refuse d'armer les contrôleurs routiers? Ou
encore la difficulté qu'ont eue les douaniers avant qu'on ne leur accorde ce
droit? Bien que le débat soit intéressant au niveau idéologique, il ne serait
pas pertinent de le faire présentement.
Comme autres solutions envisageables, beaucoup d'écoles peuvent compter sur un
policier à temps partiel, ce qui peut aider en cas d'attaque. Toutefois, on en
revient à la stratégie de l'espoir car on souhaite qu'une éventuelle fusillade
se déroule pendant la demi-journée où le policier est présent. Certains États
américains ont engagés des policiers supplémentaires pour les affecter de façon
permanente aux écoles, mais le rôle de la police n'étant pas au Québec d'assurer
la sécurité continuelle d'un bâtiment, cette solution ne me semble pas
applicable ici. D'autres écoles engagent un agent de sécurité, mais nous
conviendrons que cette mesure est complètement inefficace en cas de fusillade,
surtout parce que l'agent n'est pas armé et pas formé pour réagir à ce genre
d'événement.
Il me semble qu'on oublie de mettre à contribution un agent de l'État qui serait
pourtant le plus approprié dans les circonstances: le constable spécial.
Pourquoi limiter sa présence aux édifices gouvernementaux et aux Palais de
justice? Il serait parfait pour remplacer les policiers-école et il serait plus
efficace qu'eux dans la mesure où il serait affecté de façon permanente à une
école. Le constable spécial permettrait aussi de lutter contre la criminalité
juvénile que l'on retrouve de plus en plus dans tous les milieux, notamment pour
ce qui est du commerce de la drogue, qui circule en abondance même dans les
meilleures écoles. Il serait aussi utile pour lutter contre l'intimidation,
forme de violence contre laquelle on lutte de plus en plus. Et surtout, c'est un
agent de la paix armé qui est apte à réagir en cas de fusillade. On pourrait en
avoir deux pour les écoles secondaires de bonne taille, et un par école
primaire.
On objectera à cette proposition que c'est une mesure qui coûterait cher, mais
il faut considérer que c'est un service ainsi qu'une mesure de sécurité que l'on
ajoute à notre système d'éducation. Tous les intervenants d'une école coûtent
cher, que l'on parle de l'enseignant, du conseiller en orientation, de
l'animateur de vie spirituelle et communautaire, du travailleur social ou du
bibliothécaire. Ces coûts ne nous empêchent pas de considérer que ces services
doivent être donnés aux élèves. Pourquoi en serait-il autrement lorsqu'on parle
de la sécurité de nos élèves? Les plus libertariens d'entre nous me diront que
c'est contre notre philosophie de faire intervenir l'État pour régler ce genre
de problème, mais il nous faut tenir compte du contexte québécois. Et il me
semble que c'est la mesure qui serait présentement la plus acceptable pour la
majorité de la population.
On a voulu que l'enseignement soit l'affaire de l'État, c'est ce même État qui
doit assurer la sécurité des élèves qu'on lui confie ‒ devoir auquel il manque
cruellement en ce moment. Attendrons-nous un Sandy Hook québécois pour agir?
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