L'aide sociale et l'assurance-emploi ne sont pas des modes de vie | Version imprimée
par Gilles Guénette*
Le Québécois Libre, 15 mars 2013, No 309
Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/13/130315-10.html


« Je suis assez insultée comme parlementaire! Je l'prends pas! » Voilà comment la députée de Gouin pour Québec solidaire, Françoise David, a accueilli l'annonce par Québec de coupures dans les prestations d'aide sociale des personnes de 55 à 58 ans, des familles avec enfants de moins de 5 ans et des bénéficiaires de services en toxicomanie.

Celle qui milite depuis 25 ans « pour le soutien à ce groupe de la société trop souvent sans porte-voix », nous dit-on, se demande pourquoi la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Agnès Maltais, n'en a pas parlé à l'étude des crédits, comme il est coutume de le faire: « Quelle attitude cavalière d'avoir fait publier cela dans la Gazette officielle sans autre signal! »

Même son de cloche de la part du Front commun des personnes assistées sociales du Québec, qui, malgré des échanges récents avec le cabinet de la ministre, n'a pas non plus eu vent de ces coupes imprévues. Imaginez, des coupures sans consultation. « On va couper des gens pour les retourner à l'allocation de base [604 $ par mois] en présumant qu'ils vont se trouver un emploi, dixit la porte-parole, Amélie Châteauneuf. Mais dans le fond, on va les affamer. »

Mme Châteauneuf, qui dit « être désespérée » pour ces gens, en veut pour preuve la crise qui sévit dans les banques alimentaires de certaines régions, en raison de l'affluence extraordinaire. « Quel gouvernement épris de justice sociale! Et après, Mme Maltais ose accuser le gouvernement Harper de mal gérer sa réforme d'assurance-emploi? C'est un peu hypocrite comme attitude. »

Cette annonce tombe effectivement bien mal puisque depuis quelques semaines, la ministre Maltais fait des pieds et des mains pour dénoncer une réforme de l'assurance-emploi entreprise par sa vis-à-vis fédérale, Diane Finley. En effet, Ottawa a changé les critères d'admissibilité à l'assurance-emploi en janvier dernier.

Les travailleurs saisonniers sont particulièrement touchés par les nouvelles mesures, puisqu'ils seront désormais contraints d'accepter du travail dans un rayon de 100 km autour de leur résidence, soit une heure de route, et qui offre 70 % du salaire de leur emploi précédent. Les chômeurs qui refuseraient de se soumettre à ces nouvelles conditions perdraient leurs prestations d'assurance-emploi.

Depuis cette annonce, il ne se passe pas une semaine sans qu'on entende parler de manifestations ou de prises de position contre « la réforme d'Harper ». Même les centrales syndicales ont pigés dans le fonds de cotisations de leurs membres pour entreprendre d'importantes campagnes visant à dénoncer la réforme ‒ et cela, même si la très grande majorité des travailleurs touchés par cette dernière ne sont pas syndiqués.

Sur le front de la réforme de l'aide sociale, la ministre Maltais multiplie les rencontres avec les groupes de défense des assistés sociaux pour tenter de les rassurer. Elle a affirmé que chaque bénéficiaire touché par la réforme serait rencontré individuellement, dans le cadre d'un « programme structuré très fort » d'accompagnement (ça ne s'invente pas!), « pour voir les contraintes à l'emploi ». « Je veux que là-dedans, on soit rigoureux et précis », a-t-elle dit.

Mais rien n'y fait et les groupes de pression annoncent l'apocalypse. Par exemple, le directeur général de l'Association des centres de traitement des dépendances du Québec, Vincent Marcoux, affirme que 19 centres à la dépendance qui offrent des traitements de cinq mois ou plus sont directement menacés par la réforme et pourraient fermer. « [L]a clientèle sur l'aide sociale [...] représente 80% de nos usagers », affirme M. Marcoux. (Mais comment les assistés peuvent-ils se payer de quoi dépendre?!)

Les visées de ces deux réformes sont pourtant louables: briser le cycle des habitudes et remettre les bénéficiaires sur le chemin de l'emploi. Après tout, l'aide sociale et l'assurance-emploi ne sont pas des modes de vie ‒ en tout cas, ils ne devraient pas l'être. Ce sont des assurances qui ne devraient être utilisées qu'en dernier recours.

Pourquoi devrait-on payer un travailleur six mois par année pour qu'ils puissent conserver un emploi saisonnier? La semaine de quatre jours et la sécurité d'emploi sont de la petite bière à côté d'un tel privilège! Pensez-y, on trouve que les Français exagèrent avec leurs six semaines ou plus de vacances par année!

De même, pourquoi devrait-on payer une personne apte au travail à ne rien faire durant des années sous prétexte qu'elle n'aime pas ses boulots, qu'elle ne trouve rien qui la stimule pleinement, ou je ne sais trop quoi?! Qu'est-ce que cette personne a de plus que vous et moi qui devons travailler 5 jours/semaine ‒ parfois même plus ‒ pour réussir à arriver?

Mystère.

Pour l'instant, tous ceux qui s'opposent à ces réformes sont perçus comme des Mères Teresa de bonté, alors que ceux qui les applaudissent, de sales néolibéraux. Qu'on paie des gens aptes au travail à ne rien faire alors qu'on importe de la main-d'oeuvre de l'étranger est tout de même aberrant. Sans compter que l'on ne rend service à personne ‒ pas même aux bénéficiaires ‒ en entretenant la dépendance. Un travail, aussi modeste soit-il, est plus valorisant que n'importe quel programme gouvernemental.

Bien sûr, si ces assurances étaient privées, on n'aurait rien à redire ‒ et il y aurait moins de cas de bénéficiaires récurrents et aucun bénéficiaire permanent. Mais ce n'est pas le cas. Espérons que le gouvernement Harper ne cèdera pas aux chants des sirènes et que le gouvernement Marois ne reculera pas une nouvelle fois...

----------------------------------------------------------------------------------------------------
* Gilles Guénette est titulaire d'un baccalauréat en communications et éditeur du Québécois Libre.