Le libéralisme est-il un trouble psychiatrique? | Version imprimée
par Xavier Collet*
Le Québécois Libre, 15 février 2015, no 329
Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/15/150215-9.html


Depuis 18 ans, Jean-Louis Caccomo est maître de conférences en sciences économiques à l’Université de Perpignan.

C’est un enseignant qui, comme nous, n’est pas un de ces adorateurs inconditionnels de l’État. Il n’est pas de ces propagandistes labellisés professeurs qui nous ont fait croire que toute intervention publique se faisait dans l’intérêt général. Il n’a jamais administré ce venin qui fait que la plupart des familles détruites par l’État ont cru pouvoir compter sur l’aide et l’honnêteté de fonctionnaires du social.

Non, Jean-Louis a écrit et milité pour les libertés individuelles. Il a mis en cause l’étatiquement-politiquement correct démontrant dans ses recherches le caractère nuisible de l’interventionnisme d’État, dénonçant l’aliénation par l’État-providence. Il a rejoint le Comité élargi de défense de l’individu et des familles (CEDIF) dans sa défense immodérée de la famille à travers le principe de subsidiarité.

Agit-prop totalitaire

De telles positions lui ont valu de nombreuses inimitiés et, à rebours, toute notre amitié et notre soutien.

Bien placés pour l’agrégation des universités de 2004, Jean-Louis et d’autres enseignants aussi bien inspirés que lui avaient fait l’objet d’une campagne de dénonciation organisée par d’autres enseignants. Ainsi, une lettre ouverte de François Legendre et Yannick L’Horty appelait à pétitionner contre des candidats dont la pensée serait vraiment trop insoutenable, pétition signée par de multiples enseignants et qui précisait:

Quatre [des membres du jury] sur sept appartiennent à la société du Mont Pèlerin, fondée par Friedrich Hayek, dont les membres trouvent « dangereux l’expansion des gouvernements, et pas seulement dans le domaine de la protection sociale ».

Des économistes qui trouvent « dangereux l’expansion des gouvernements » ne seraient donc pas dignes de détenir une agrégation des universités? Pourtant, dans notre combat au nom des familles, nous démontrons par des exemples multiples les destructions organisées par les services sociaux. Cette dénonciation serait donc blâmable, indigne d’universitaires, le résultat de cerveaux déséquilibrés?

Plus loin, il est dénoncé le fait que:

Trois membres sur sept ont participé à la conférence pour le 200e anniversaire de la naissance de Frédéric Bastiat, organisée par les cercles Frédéric Bastiat, créés par l’ALEPS [l’Association pour la liberté économique et le progrès social].

Frédéric Bastiat, précisons-le, est l’un des plus grands économistes français. Il a démystifié le rôle de l’État et démontré que les fonctionnaires recherchent d’abord leur propre intérêt sous couvert de prétendre servir l’intérêt de leurs administrés. Nous ne cessons au CEDIF d’ouvrir les yeux des familles sur les véritables motifs d’intervention de l'aide sociale à l'enfance (ASE): multiplier les budgets et créer des postes au prix de placements injustifiés. Sommes-nous pour cela de ces cerveaux dérangés?

Thinkcrime

Quant au dossier « à charge » de Jean-Louis Caccomo, il est mis à la disposition de ceux qui veulent bien le démolir. Pourtant, il ne se trouve rien dans ce dossier dont il aurait à pâlir:

Jean-Louis Caccomo: MCF à l’Université de Perpignan. Plusieurs publications dans des revues reconnues. Intervient avec P. Salin sur le site anti-pensée unique Conscience politique.org et publie de nombreux pamphlets dans Action libérale.org et dans Le Québécois Libre.

Des extraits d’articles publiés en anglais par Jean-Louis Caccomo sont exposés pour critique. Prenons la peine de traduire:

La tendance à confondre la rhétorique du racisme et de l’exclusion avec celle du marché libre constitue un signe dérangeant d’une profonde régression intellectuelle et d’une manipulation mentale. La morale et la philosophie du marché n’a rien à voir avec le culte d’un égoïsme aveugle, au contraire la morale du marché s’interdit de juger chaque individu en fonction de la couleur de sa peau, de son origine ethnique, de son milieu social ou de son sexe. Une société basée sur l’individualisme considère qu’avant d’être un homme ou une femme, un paysan ou un professeur, un noir ou un blanc, un col bleu ou un col blanc, nous sommes des individus à part entière.

Quel crime d’avoir dit une chose pareille? Nous sommes des hommes, plus exactement des individus, nous sommes une fin en nous-mêmes et non pas des moyens au service des intérêts de quelques-uns. Nos enfants ne sont pas des moyens aux fins de promotion sociale ou de création d’emplois pour travailleurs sociaux.

Il faudra bien que certains nous dénoncent aussi pour oser le dire, pour réaffirmer ainsi tout ce qui est dans notre manifeste.

Le déshonneur de toute une profession

Jean-Louis Caccomo sera particulièrement affecté par ces attaques dont il prendra connaissance deux jours avant de passer l’examen de leçon d’économie générale. Il était alors prêt à tout abandonner sachant que la chasse aux candidats de sa sensibilité était lancée, mais il ne pouvait pas répondre aux attaques et aux provocations, puisque tenu à la réserve en tant que candidat. Il ne savait pas encore jusqu’à quel point les attaques allaient prospérer. Mais déjà les médias mainstream, Le Monde, Libération et… Charlie Hebdo participent à la curée.

Les défenseurs de l’infaillibilité de l’État et de la vertu du sévice public ont alors triomphé, ils ont pu déstabiliser un jury qui n’était pas acquis à ses thèses. Jean-Louis Caccomo ne sera pas reçu à l’agrégation des universités en dépit du fait que ses compétences sont bien au-delà de nombres d’économistes reçus. Enfin, « économistes », on se comprend, considérant les thèses étatistes propagées…

Nous sommes en 2004, Jean-Louis Caccomo restera donc maître de conférences et ne sera jamais professeur des universités françaises (et c’est tout à son honneur), en dépit de ses nombreuses initiatives et responsabilités auprès d’universités étrangères moins sectaires.

Oubliez-moi!

Le concours passé, il ne se privera tout de même pas d’écrire aux pétitionnaires:

[…] Quel fut mon crime en me présentant à ce concours? De ne pas avoir les mêmes convictions que les vôtres?

C’est vrai que la diversité et la liberté de penser est néfaste à l’avancée de la recherche dans le secteur public. Je vous suggère de faire exécuter tous les individus qui osent avoir une opinion personnelle. D’ailleurs, telle n’est pas votre fonction dans les instances universitaires?

Maintenant que vous avez contribué à détruire ma carrière, je vous suggère de m’oublier.

Seulement voilà, Jean-Louis Caccomo enseigne toujours à l’Université de Perpignan et ses ennemis n’ont pas l’intention de l’oublier. Ils ne sont pas loin, ils sont tout près, et la moindre de ses faiblesses sera exploitée. Pensez-vous: un enseignant qui ne voue pas un culte à l’État qui le paie!

L’odeur du sang dans le marigot

Il leur faudra attendre un nouveau drame personnel pour Jean-Louis. Une séparation, un divorce difficile avec des enfants. Sa famille est touchée, il a du mal à se relever, il entre en dépression. Il est admis au centre hospitalier de Thuir.

Une hospitalisation pour dépression, voilà qui fait jaser, mais Jean-Louis Caccomo réintègre ses fonctions, se remet. Qu’à cela ne tienne, on ne l’oublie pas. Il a fait montre d’un signe de faiblesse, l’odeur du sang dans le marigot attire les crocodiles.

Le 14 février 2013, le président de l’Université de Perpignan, employeur de Jean-Louis Caccomo, demande l’internement psychiatrique selon la procédure d’urgence sur la foi d’un seul certificat médical établi en dehors de la présence de l’intéressé et rédigé par un médecin exerçant dans l’établissement d’internement. On ne s’embarrasse donc pas du code de la santé publique pour se débarrasser d’un « gêneur ».

Une nouvelle traversée du désert attend Jean-Louis. Celle-ci va durer jusqu’en avril 2014, soit 15 mois durant lesquels il sera drogué, perdra une grande partie de sa dentition, tous ses ongles, sombrera dans un état d’abrutissement à coup de psychotropes, sera menacé d’électrochocs, avec pour corolaire un syndrome de fatigue chronique.

Pendant tout ce temps, il ne pourra assumer ses obligations de père, exposant son ex-femme à une situation difficile. Son fils Tom subira de plein fouet la situation de son père. Il décroche, rate son bac et se fait suivre par un pédopsychiatre. Il en faut à peine plus pour que les sévices sociaux s’en mêlent.

Il paraît que l’on ne doit pas attenter à la dignité du patient, enfin c’est ce que dit encore le code de la santé publique. Il paraît même que l’on doit l’associer aux décisions qui le concernent, et pour le moins lui notifier les maintiens en internement ainsi que ses droits. Les textes sont si beaux qu’ils nous en feraient oublier l’arbitraire des pratiques.

Comme le premier François Hollande venu…

Et pourtant, un mois après son internement, Jean-Louis avait un bon rapport pour un économiste dissident:

On ne note pas de préoccupation délirante, de fuite des idées, de versatilité de l’humeur, de débordement instinctuel. Son humeur est syntone, son comportement adapté, sans composante ludique ou trouble du sommeil signalé. Son autocritique est de bonne qualité: le trouble à l’origine de l’hospitalisation ne semble plus être présent. Le patient est à même de soutenir un échange verbal de bonne qualité.

Bon, le problème quand même c’est que Jean-Louis s’est ouvert sincèrement comme le premier François Hollande venu qui prétendrait être président de la République:

[…] il serait en train d’écrire un livre et il s’était engagé à être présent à trois congrès. Il dit avoir été nommé aux relations internationales et avoir passé des conventions avec des universités au Maroc, [en] Thaïlande et [au] Mexique.

Le juge des libertés considèrera donc qu’il « présente toujours, au sens de l’article L3212-1 du Code de la santé publique, des troubles mentaux qui rendent impossible un consentement authentique et suffisant de sa part aux soins immédiats ».

Revoilà donc Jean-Louis maintenu en internement, sauf qu’il était bien invité à des congrès savant, qu’il a bien depuis sorti un nouveau livre et qu’il enseigne aussi auprès d’universités étrangères!

Il ne réussira à s’en sortir, enfin le croit-il, que par un transfert de l’hôpital de Thuir à une clinique spécialisée de Montpellier qui parviendra à le remettre sur pieds en moins de trois mois, le rendant à la liberté le 20 juin 2014. Mais si la clinique a travaillé correctement, il faut aussi noter qu’elle ne l’a pas fait dans le cadre de l’internement psychiatrique. En effet, Jean-Louis n’avait jamais été informé que l’acceptation du transfert n’était que la conséquence de la levée de l’internement. Pendant presque trois mois, il s’est donc cru interné alors qu’il ne l’était plus!

Le partage des dépouilles

Jean-Louis Caccomo attaque ensuite les responsables de sa situation. D’abord l’hôpital, en mettant en avant le fait que la décision d’hospitalisation était absente de son dossier médical, et que le président de l’université n’avait pas qualité à demander un internement psychiatrique puisqu’il ne saurait prétendre agir dans l’intérêt de son personnel. D’ailleurs cet internement a été justifié par le président de l’université au nom d’un principe de précaution! Allez comprendre…

À moins qu’il ne s’agisse de prémunir de futurs étudiants d’une crise de lucidité face à la réalité économique et sociale que nous ne cessons de décrire?

Il est vrai qu’en son absence, les responsabilités exercées par Jean-Louis ont été réattribuées. Ainsi, il perd la responsabilité pédagogique du Master Finance qu’il avait créé, et celle de responsable des relations internationales de l’Institut d’administration des entreprises.

Lorsqu’il réclamera que ses responsabilités lui soient rendues, il retrouvera de bon matin au pas de sa porte les infirmiers prêts à l’interner à nouveau...


Complément de lecture: Jean-Louis Caccomo: « J’ai été interné de force pendant 2 ans en toute illégalité » (Entrevue vidéo avec Jean Robin, du site Enquête et Débat).

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* Xavier Collet est président du Comité élargi de défense de l'individu et des familles (CEDIF).