Montréal, le 7 mars 1998
Numéro 1 - Lancement officiel
 
 

Un regard libertarien
sur l'actualité québécoise et nord-américaine
  
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  Publié tous les samedis 
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SOMMAIRE 

SOMMET AGRICOLE 
Le corporatisme, toujours l'idéologie officielle au Québec  

Page 2 

ÉDITORIAL 
Qu'est-ce que le libertarianisme? 

Page 3 

NOUVELLES BRÈVES 
Daniel Johnson part; budget Martin; squeegees taxés; urgences bondées; raids policiers 

COURRIER 
DES LECTEURS 
Réactions au lancement du Québécois Libre 
  
Page 4 
 
LE MARCHÉ LIBRE 
Déréglementer n'est qu'une première étape pour vaincre la pollution 

SLOGAN BIDONNANT 
« Être la capitale, c'est payant! »  

Page 5 

LEMIEUX EN LIBERTÉ 
La théorie des deux oreilles  

Page 6 

LES PRIX BÉQUILLE 
Aux lobbys agricoles; aux travailleurs canadiens de l'automobile; et à Michel Gauthier 

VIVE LES 
QUÉBÉCOIS LIBRES 
Les gens d'affaires 
du Quartier chinois 
 
MOT POUR MOT 
Le lait déréglementé 
 
 
 
 
 

 
SOMMET AGRICOLE
 
LE CORPORATISME, 
TOUJOURS  
L'IDÉOLOGIE OFFICIELLE  
AU QUÉBEC
  
          Le corporatisme est une philosophie qui définit la société comme un tout organique composé d'abord, non pas d'individus, mais de membres collectifs. Ces « corporations » que sont les associations, syndicats, institutions et groupes d'intérêt divers, doivent, dans l'optique corporatiste, coordonner leurs actions pour que règne l'harmonie à l'intérieur du corps social national. Les dirigeants des groupes corporatifs négocient entre eux pour prendre les décisions qui affecteront l'ensemble de la société, chacun défendant théoriquement l'intérêt de ses membres. Les individus n'ont alors qu'à se conformer pour ne pas nuire à l'intérêt national. 
 
          Cette philosophie a connu une grande vogue dans les années 1930, alors que Mussolini, Franco et Salazar la présentaient comme le remède pour sortir de la crise et ressouder des sociétés divisées. Le corporatisme étayait la vision économique et sociale du fascisme. C'était aussi l'idéologie préférée de l'Église catholique à l'époque. Au Québec, le corporatisme était défendu par Le Devoir, le chanoine Groulx, et d'autres illuminés qui constituaient l'élite de l'époque.  

Le corporatisme toujours vivant 

          Le corporatisme n'est plus une idéologie vivante, me direz-vous, en cette ère où triomphe le « néolibéralisme ». Détrompez-vous! C'est, soixante ans plus tard, plus que jamais l'idéologie officielle du Québec. La seule différence fondamentale est que le membre ecclésiastique n'est plus aussi éminent au sein du corps social harmonisé. L'Église pouvait prétendre constituer la tête du temps où les curés contrôlaient nos paroisses d'une main de fer. On la retrouve aujourd'hui quelque part dans les parties inférieures, parmi d'autres chialeux sans grande influence. 
 
          Les « sommets » divers que le Québec connaît depuis des décennies (le grand Sommet socio-économique d'il y a deux ans étant le dernier en date) constituent la quintessence de la gestion corporatiste. L'État s'entoure des « partenaires sociaux » qu'il considère important, on fait des déclarations grandiloquentes sur l'intérêt collectif pendant quelques jours, et on négocie ferme dans les couloirs sur la portion du gâteau – payé par les taxes du citoyen – que chacun obtiendra. Lorsque les enjeux deviennent vraiment importants, on fait même des sessions à huis clos et on envoie le citoyen-téléspectateur se coucher.  
 
La Table des décideurs 
 
          La Conférence sur l'agriculture et l'agroalimentaire québécois qui était réunie cette semaine à St-Hyacinthe donne un bel exemple de cette attribution de positions de pouvoir selon un modèle corporatiste. Voici quelques extraits du communiqué de presse qui annonçait la composition de la « Table des décideurs » présidée par Lucien Bouchard (ceci n'est pas une blague): 
 
          « La Table des décideurs est représentative, dans des proportions équivalentes, des quatre grands blocs suivants: l'agriculture, l'agroalimentaire comprenant la transformation et la distribution, les acteurs socio-économiques, de même que les participants gouvernementaux et parlementaires. Au total, quelque 50 sièges sont répartis entre les participants et les participantes en fonction des regroupements suivants: 

 
      LE BLOC DE L'AGRICULTURE: 14 SIÈGES 
  
          Les producteurs et les productrices agricoles disposent de 10 sièges. Il seront représentés par des membres de l'Union des producteurs agricoles (UPA) et par des représentants des fédérations spécialisées et des fédérations régionales. 
 
          Le milieu des intrants à la production dispose de 4 sièges. Deux sièges sont attribués à l'Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière (AQINAC). Les deux autres sièges sont attribués à la Coopérative fédérée, division meuneries et approvisionnement à la ferme.  
 
     LE BLOC DE L'AGROALIMENTAIRE: 15 SIÈGES 
  
          Le secteur de la transformation dispose de 8 sièges. Un siège est attribué à l'Association des manufacturiers de produits alimentaires du Québec (AMPAQ). Un siège est attribué à chacune des entreprises suivantes membres de l'AMPAQ: A. Lassonde inc. et Aliments Carrière inc. Le Conseil de l'industrie laitière du Québec dispose d'un siège. Agropur, coopérative alimentaire dispose d'un siège. Le Conseil des viandes du Canada, section Québec et l'Association des abattoirs avicoles du Québec disposeront d'un siège en rotation. Quant à la Coopérative fédérée, secteur de la transformation, elle dispose de 2 sièges, dont un est attribué à Lactel. 
  
          Etc. etc. 

L'harmonie du membre agricole 

          On peut imaginer toutes les tractations de coulisse, les tordages de bras, les renvois d'ascenseur, les menaces et les promesses, qui ont eu cours simplement pour négocier l'obtention d'un siège en rotation. Les groupes qui ont par le passé fait preuve de trop d'indépendance d'esprit et ont brisé l'harmonie collective risquent toutefois de se faire exclure, comme c'est arrivé à l'Ordre des agronomes du Québec. En entrevue, sa présidente Josée de Grandmont confirme que l'OAQ a peut-être trop souvent défendu des points de vue qui allaient à l'encontre de ceux du Ministère de l'Agriculture et de l'Union des producteurs agricoles. Elle dénonce le fait qu'on ait donné un siège « à un monseigneur de Rimouski » (l'archevêque de Rimouski qui représente, selon le communiqué cité plus haut, « le milieu régional, social et communautaire », whatever that means) mais pas à des professionnels du secteur agricole. C'est, semble-t-il, ce qui arrive lorsqu'on commet un tel crime impardonnable dans le racket de l'agriculture québécoise, où rien ne se fait sans l'approbation des bureaucrates du MAPAQ et de l'UPA. 
 
          On peut toutefois parier qu'au bout de l'exercice, presque chaque petit nerf, os, muscle et tissu du membre agricole aura finalement retrouvé sa place pour faire sa part dans l'avancement corporatif. Chacun aura obtenu sa subvention, sa réglementation particulière, son quota, sa fixation de prix, sa mesure protectionniste, dans un marchandage qui se fait toujours sur le dos du consommateur et du payeur de taxes. Et notre Tête dirigeante à Québec pourra dorénavant se servir de cette harmonie apparente dans le membre agricole pour convaincre d'autres membres plus réfractaires de rentrer dans le rang. 
  
  M.M. 
  

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