Montréal, le 20 juin 1998
Numéro 14
 
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QL no 12, p. 7 
 
 
 
 

 
 
LA CORRESPONDANCE
VIRTUELLE 
DU MINISTRE 
PIERRE BÉLANGER
  
           Notre chroniqueur Pierre Lemieux attend toujours une réponse à sa lettre du 13 janvier 1998 adressée au ministre Pierre Bélanger. Il lui demandait alors de quel droit les policiers ont pu forcer des gens à quitter leur demeure pendant la tempête de verglas. 
          Entre-temps, dans un effort pour comprendre la psychologie étatiste, il nous offre un échantillon des réponses possibles du ministre.   
  

  
 

    Gouvernement du Québec 
    Le Ministre de la Sécurité publique 
    pierre.belanger/depute/pq@assnat.qc.ca
    

  
  
Québec, le 18 juin 1998 
  
Monsieur Pierre Lemieux 
C.P. 725, Tour de la Bourse 
Montréal, Qué. 
H4Z 1J9 
  
 
  
Mon cher enfant, 
  
          Je n’avais absolument pas l’intention de répondre à votre lettre du 13 janvier me demandant en vertu de quels textes nous prétendons que la police a le droit de forcer les gens à quitter leur demeure dans les cas de sinistre. Mais un des mes sous-fifres – celui qui sait ce qu’est une « souris » – m’a montré la lettre virtuelle que vous m’avez fait écrire dans Le Québécois libre. Ce n’est pas du tout gentil de me faire ça, et je me sens maintenant obligé de vous répondre. 
  
          Sachez donc que les décisions que ma police et moi prenons dans votre intérêt ne concernent que Nous. Je vais vous donner un petit exemple. Quand vous allez en forêt, vous n’êtes pas armé, n’est-ce pas? Évidemment pas, puisque mes complices fédéraux et moi faisons tout pour que vous ne soyez pas en mesure de jouer avec ces jouets dangereux et de vous faire un bobo. D’autre part, mon sous-fifre-qui-connaît-les-souris a trouvé votre article de Liberty Magazine, « The Right to Sleep and Bear Arms », mais je suis certain que ce n’est qu’une rodomontade de jeune énervé. Moi, bien sûr, je suis toujours accompagné par un garde du corps armé, mais c’est parce qu’il faut bien protéger vos protecteurs. 
  
          Revenons à nos moutons et à mon exemple. Que faites-vous si vous rencontrez un ours méchant? Vous ne le savez pas, hein? Hé! bien, allez voir sur le site Web de mon Ministère (à http://www.secpub.gouv.qc.ca/francais/alerte/sinistre/reagir.htm); on vous dit exactement quoi faire:  
« Si jamais vous rencontrez un ours, immobilisez-vous. Parlez sur un ton doux, calme et monocorde. Si l’ours refuse de bouger, continuez de parler calmement et reculez lentement en évitant tout mouvement brusque. S’il arrive que l’ours fonce sur vous, faites le mort; couchez-vous face au sol tout en vous protégeant la tête et le cou. Si vous portez un sac, gardez-le accroché à votre dos. Cela aidera à vous protéger. Si la chance vous sourit, l’ours ne tardera pas à se désintéresser de vous. » 
          Ah! mon Dieu, combien de morts auraient été évitées si nos ancêtres coureurs des bois avaient eu mon Ministère pour que la chance leur sourie.  

          Eh! bien, c’est exactement la même chose que vous devez faire quand un de mes flics veut votre bien: immobilisez-vous, parlez sur un ton doux, calme et monocorde, reculez lentement en évitant tout mouvement brusque, faites le mort, couchez-vous face au sol tout en vous protégeant la tête et le cou et, si la chance vous sourit, personne ne vous fera de mal. C’est la recette universelle du bonheur, qui a si bien servi notre peuple jusqu’à maintenant, de saint Jean Baptiste à Pierre-Elliot Trudeau en passant par Lionel Groulx. 
  
          En comptant que vous serez gentil et n’hésiterez plus à faire appel à notre protection, je vous prie, mon cher enfant, de croire à l’expression collective de mes sentiments maternels. 

  

  
Le Ministre de la Sécurité publique
Pierre Bélanger
 
 
 
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