Montréal, le 21 novembre 1998
Numéro 25
 
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            Vos réactions         
 
 
 
 
 
 
 
     « Si un peuple a les  seuls gouvernements  qu'il mérite, quand  mériterons-nous de n'en avoir pas? »
 
Jean-Paul Toulet
 
 
 
 
 
 
 BILLET
  
CAMPAGNE ÉLECTORALE:
ZZZzzzzzzzz
  
par Brigitte Pellerin
   
  
          Je vous avertis tout de suite: Je ne veux pas vous entendre brailler le 1er décembre. Je serai A-B-S-O-L-U-M-E-N-T intraitable. Aux premiers signes de pleurnichage, je cogne. Si, si.    
  
          Parce que peu importe le résultat de l'élection, ce sera votre faute. Ne regardez pas ailleurs; les coupables c'est vous, c'est moi, c'est nous tous. Parenthèse: marquez bien la date sur le calendrier, c'est rare en titi que je cause en termes de « collectivité ». Pour une fois, je fais partie de la majorité silencieuse et surtout apathique. C'est tout. Fin de la parenthèse.    
  
          N'empêche, c'est-tu assez ennuyant à votre goût, la campagne électorale? Beurk et ouache. Plate, mais plate! C'est pas des blagues, j'en suis rendue à lire le Lundi tellement j'en ai marre des journaux qui radotent les mêmes litanies à longueur de semaine.
Le vide 
  
          Au secours! Un peu de stimulation intellectuelle, SVP! Le pire, c'est qu'on est tellement pogné dans nos niaiseries locales que personne ici ne réalise que le monde est encore tout près d'une bonne vieille guerre avec Saddam. Du pur nombrilisme bien québécois. 
  
          Et ne parlons pas des pancartes. D'abord, on ne reconnaît plus Jean Charest sur l'autoroute 20 entre Québec et Montréal. Vous avez vu ça? Des petits comiques se sont amusés à passer sa bouille à la chain-saw, pensant sans doute être bien spirituels. 
  
          C'est drôle quand même qu'ils n'aient pas pris la peine d'écouter le professeur Tournesol; il y a quelques pancartes aussi, un peu plus à l'ouest. Sans doute un quelconque blocage linguistique. Ou peut-être que les anglos sont moins endormis que les francos et qu'ils ne laisseraient pas passer une telle bande de merdouilleurs sans leur filer une bonne taloche. 
  
          Ensuite, les affiches du PQ sont décidément trop moches pour qu'on prenne la peine de les étudier attentivement. Mignons petits bébés – qui poursuivront certainement leurs parents dans 15 ans pour les avoir exposés à un tel ridicule –, grands-pères à la barbe bien trimée, madames aux jolies boucles d'oreilles, tous ont un point en commun: ils sourient à pleines dents, et ils ont confiance. La vraie, la grande et admirable foi en Lui, le Sauveur. 
  
          Cute, cute. Mais comme le faisait remarquer un gars de Québec l'autre jour à la radio, il n'y a pas une maudite affiche qui nous montre un COUPLE avec un enfant. Je ne me suis pas amusée à y chercher de signification profonde, mais je vous refile le tuyau, à tout hasard. Tout d'un coup que vous vous sentiez l'âme d'un philosophe. N'empêche, il reste que ça fait un peu bizarre quand même. Enfin. 
  
          Quant à Mario, tout ce qu'il a trouvé à faire pour qu'on le remarque un peu plus, c'est d'accoler son nom à son parti. Je ne peux pas dire que ça m'empêche de dormir, mais je ne vois pas tellement le rapport. Il a également fait lever plusieurs poils de jambe avec son histoire de couper drastiquement dans la fonction publique (dommage, c'était une bonne idée), mais comme tout le monde sait que son parti a autant de chances de former la majorité que moi de rire en écoutant La Petite Vie... c'est retombé assez vite, merci. 
  
Une paire de fesses 
  
          Ah oui tiens, tandis qu'on y est, parlons un peu des plates-formes électorales. 
  
          ... 
  
          C'est tout. Ça résume assez bien l'idée. 
  
          Qu'avez-vous retenu, à date, de la campagne? Ce sont les médecins qui ont définitivement remporté la palme. C'est d'eux qu'on reparlera dans quelques mois, quand le nouveau-ancien-ça-ne-fait-rien-sont-tous-pareils gouvernement leur coupera les vivres. Parce qu'il ne faudrait pas rêver en couleurs: on est habitué aux cadeaux d'avant élection-référendum qui disparaissent rétroactivement quelques mois plus tard. Parlez-en aux fonctionnaires si vous en croisez un; ils en ont gros sur le coeur. 
  
          Alors pour faire une histoire courte, disons que c'est une bonne chose que la campagne ne dure que 33 jours. Autrement, il ne nous resterait qu'à courir toute la gang jusqu'au bout du monde, et à sauter en bas. Comme soporifique de masse, j'ai rarement vu mieux. 
  
          Oui, mais alors quoi? demandez-vous. Qu'est-ce qu'on peut faire, seul chacun dans notre petit coin? C'est simple comme bonjour, on fera ce qu'on a toujours fait bien scrupuleusement: voter contre le parti qu'on refuse de voir au pouvoir. Comme personne n'arrive à se faire une idée claire, et puisque les deux partis se ressemblent comme une paire de fesses, ça risque d'être plutôt chaud. 
  
          Je sais, c'est épouvantable. Et le pire, c'est que tout le monde – et je m'inclus dans la photo de famille – s'en fout éperdument. Je ne sais pas plus que vous par quel bout prendre le problème; dans la mesure où on considère que l'écoeurite aigüe de la chose politique est un problème. 
  
          Mais il y a une chose que je sais: on a les gouvernements qu'on mérite. 
 
 
 
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