Montréal, le 11 septembre 1999
Numéro 45
 
  (page 9) 
 
 
page précédente 
           Vos commentaires         
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
COLLABORATION
  
DIAGNOSTIC POUR
NOTRE LADA COLLECTIVE
 
 
par Claire Joly
  
            Dans La Presse du samedi 4 septembre, le chroniqueur économique Claude Picher, animé d’une saine indignation, dénonçait cette situation grotesque que beaucoup d’entre nous au Québec avions déjà constatée: il est beaucoup plus facile de prendre rendez-vous chez un vétérinaire que d’obtenir des soins pour ses vieux parents… Il soulignait également que la solution à la crise du système de santé ne passait surtout pas par un accroissement des dépenses gouvernementales. 
 
 
          M. Picher terminait sa chronique en souhaitant l’avènement d’un système de santé privé d’appoint qui viendrait « colmater les brèches que le régime public n'est manifestement plus capable de contrôler ». Diagnostic juste, mais traitement inapproprié. Cette solution ne s’attaque pas à la véritable racine du mal, et j’ai nommé le monopole de la Régie de l’assurance-maladie du Québec sur les services qu’elle assure, à l’hôpital ou ailleurs (voir LE PLUS ODIEUX DES MONOPOLES, le QL no 44). Tant que subsistera l’impossibilité pour les individus de s’assurer auprès d’organismes privés, ou encore de se constituer un « régime d’épargne santé » à l’abri de l’impôt, la demande pour les soins de santé privés restera anémique. De même pour le développement d’établissements de soins privés. 
  
Réanimer le système de santé 
  
          Signe des temps, plusieurs médecins ont profité de ce que la presse écrite leur ouvre sa tribune pour discourir, eux aussi, sur la manière de ranimer le cadavre public en état de décomposition avancé. Ils ont parfois tenu des propos mystiques. Ainsi, un urgentologue de l’hôpital Notre-Dame déclarait son opposition à un rôle accru du privé afin que la santé n’entre pas dans « l’ère du consumérisme »: « depuis quarante ans, toutes les études sérieuses sur la question ont montré que la façon la plus coûteuse et le plus inefficace de gérer les soins de santé est de les confier à l’entreprise privée », avance-t-il sans autre précision! (Le Devoir, 24 août 1999). 
  
          Le Dr Michel Brazeau, directeur général du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, signait quelques jours plus tard un article intitulé « Revoir le système de santé: le défi de l’opération » (Le Devoir, 1er septembre 1999). Il y affirme pompeusement que « la profession médicale peut donner un deuxième souffle au système de santé canadien » et ce, tout en évitant de remettre en question la nature fondamentale du régime public. L’auteur pose également quatre conditions pour y arriver, la dernière étant de « s’engager, comme toujours, à mettre les patients en premier ». 
  
  
  
« En ce moment, le patient n'est que l'otage
d'un système qui le sert mal, mais dont
il est atrocement dépendant. »
 
 
 
          Ah! Les patients – dans le sens fort du terme – avaient presque été oubliés dans cet affairement. S’est-on même intéressés à ce qu’ils ont à dire? Les malades n’ont que faire des voeux pieux de médecins se complaisant dans leur rôle de fonctionnaires de l’État et de dignitaires du régime. Le meilleur service que les médecins peuvent leur rendre est de dénoncer cet abominable système dans lequel il est devenu normal que l’État-fournisseur, dispensateur de toutes les grâces, dicte les conditions auxquelles les services vont être rendus à des clients qui n’en sont pas. La meilleure façon de respecter les malades, actuels et éventuels, est de militer pour l’abolition du monopole de la RAMQ – à l’instar du docteur Chaoulli qui adressera bientôt sa demande aux tribunaux. On redonnerait alors au malade les moyens d’exprimer ses préférences et de se faire entendre de la manière la plus efficace qui soit: en devenant celui qui règle la facture.  
  
          En dépensant son argent là où il le veut (par exemple, en consultant un médecin de famille se déplaçant à la maison plutôt qu'un autre qui reçoit des patients à son cabinet), chaque malade aurait son mot à dire à propos des soins qui lui sont prodigués. En ce moment, il n'est que l'otage d'un système qui le sert mal, mais dont il est atrocement dépendant; pensons notamment aux personnes âgées en centre d'accueil et à leurs familles. 
  
          D’autres faiseurs d’opinion, inspirés par le hoquet chronique du système, nous ont également proposé des retouches à la peinture de notre Lada des soins de santé, notre Lada sociale et collective. De toute évidence, nous avons plutôt besoin de changer de voiture, et vite!   
  
 
 
Articles précédents de Claire Joly
 
 
 
sommaire
PRÉSENT NUMÉRO 
page suivante