Montréal, 16 septembre 2000  /  No 67
 
 
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David MacRae is a software consultant who works out of his home in St. Laurent, Quebec.
 
THE CONTRARIAN
  
UN SYSTÈME D'ÉDUCATION
QUI NE CONVIENT À AUCUN ÉLÈVE
(seconde partie)
 
par David MacRae
  
 
          Nous avons vu dans la chronique précédente comment le système public d'éducation ne répond pas aux besoins des parents qui veulent une éducation laïque pour leurs enfants. Il est temps de regarder ce système froidement et d'essayer d'imaginer la sorte de système qui existerait si l'éducation était complètement privatisée.
 
Et si on privatisait... 
  
          Comme nous avons déjà vu, lorsqu'un système est monopolisé par l'État il devient monolithique. Il n'y a qu'un seul modèle qui est offert pour tout le monde. En conséquence, nous avons de la difficulté à voir les lacunes du système et nous ne pouvons pas imaginer quelque chose qui puisse le remplacer. Le fait est que le système d'éducation actuel est véritablement bizarre. 
  
          Regardez-le bien.  
  
          On sépare les enfants, pas par aptitude, pas par intérêt, pas par sexe, pas par besoin éducationnel, mais par groupe d'âge. Les jeunes ne peuvent pas apprendre des expériences des plus âgés. Personne n'apprend jamais de leçons de leadership. 
  
          Lorsque les enfants atteignent l'âge de cinq ou six ans, on les envoie tous, quartier par quartier, dans d'énormes édifices qui ressemblent curieusement à des prisons. Ce n'est pas par accident qu'on utilise le même mot, institution, pour décrire ces deux endroits. En fait une institution est une place où nous déposons une partie de notre population – les criminels, les vieux, les malades mentaux, les enfants – contre leur volonté. 
  
          Une fois institutionnalisés, nos enfants commencent à apprendre à lire, tous ensemble, à 9h15 chaque matin. À 10h30, ce sont les maths. Ceux qui vont trop lentement sont laissés derrière. On les fait passer quand même pour ne pas nuire à leur ego. Ceux qui vont plus vite sont obligés de ralentir. Honnêtement, est-ce qu'il y a un seul enfant – un seul – qui est bien servi par ce système? 
  
          C'est un miracle qu'il y en ait qui sortent de ce milieu malsain avec une bonne éducation. 
  
          Ce système d'éducation a été conçu par les Prussiens et il était basé sur les méthodes utilisées pour dresser les soldats de ce peuple excessivement militariste. En fait, la mentalité militaire et la mentalité bureaucratique se ressemblent énormément (existe-t-il une institution plus bureaucratique que l'armée?), ce qui explique la ferveur avec laquelle les fonctionnaires l'ont adopté.  
  
          Il est important de comprendre jusqu'à quel point ce système est fondamentalement anti-humain. Il ne ressemble pas du tout à la manière naturelle d'apprendre pour les enfants. Si on regarde les sociétés primitives, on voit que les enfants ont essentiellement deux stratégies pour apprendre: 1) ils font des jeux dans lesquels ils imitent les adultes et 2) ils font des apprentissages avec un adulte (ou peut-être un autre enfant) qui connaît déjà l'habileté voulue. 
  
          C'est difficile de trouver un lien entre notre système d'éducation et l'une ou l'autre de ces stratégies. Essentiellement, notre système est basé sur la notion qu'il faut prêcher une idée à un enfant, le driller pour s'assurer qu'elle est bien rentrée et le tester pour vérifier qu'elle est bien retenue. Une fois l'examen passé, l'idée n'est plus importante. L'élève peut maintenant l'oublier. 
  
          Bien entendu, les matières que nous apprenons dans les écoles (écriture, lecture, maths) ne sont pas très naturelles pour l'enfant. Je suis quand même certain qu'il existe une meilleure façon de les enseigner à nos enfants. 
  
          Il y a une différence fondamentale entre l'approche libertarienne et celle des bureaucrates qui gèrent le système actuel. Le libertarien ne prétend pas connaître cette façon supérieure d'éduquer un enfant (ou plutôt ces façons supérieures). Il offre plutôt un truc qui aide à découvrir des techniques d'enseignement supérieures et de choisir entre les options éducationnelles. 
  
          Ce truc s'appelle le marché libre des idées. 
  
La prétendue solution 
  
          Supposons que les fonctionnaires aient réellement les intérêts des enfants à coeur. Supposons qu'ils cherchent honnêtement ce qui est le mieux pour les enfants. Il y en a certainement qui essaient, peut-être même la majorité. Le problème, c'est que les bonnes intentions ne suffisent pas. L'idée qu'il soit possible de rassembler un groupe d'experts, de les asseoir dans une pièce, et d'imaginer qu'ils vont trouver La Bonne Solution est fausse. F.A. Hayek a donné un nom à cette fausse conception. Il l'appelle « la prétention fatale » (The Fatal Conceit). 
  
          Le monde est beaucoup trop complexe pour qu'une personne assise à son bureau puisse trouver la bonne approche à quelque chose d'aussi complexe que l'éducation d'un enfant. La seule chose que nous puissions faire, c'est d'avancer des idées et de faire des expériences basées sur celles-ci. 
  
  
     « Essentiellement, notre système est basé sur la notion qu'il faut prêcher une idée à un enfant, le driller pour s'assurer qu'elle est bien rentrée et le tester pour vérifier qu'elle est bien retenue. Une fois l'examen passé, l'idée n'est plus importante. L'élève peut maintenant l'oublier. » 
 
  
          Il faut tester les idées dans le marché et trouver celles qui fonctionnent et celles qui ne fonctionnent pas. Il faut faire une lutte entre les idées et regarder la manière qu'elles aboutissent dans le monde actuel.  
  
          Et voici la deuxième raison, sûrement la plus importante, pour laquelle l'éducation bureaucratique sera inévitablement inférieure à une éducation privée. L'outil que le bureaucrate offre pour choisir entre deux options est le comité. « Conçu par un comité » est une insulte, et pour cause. Les solutions obtenues par un comité sont influencées par le désir d'obtenir un consensus. En conséquence, elles sont toujours trop complexes et trop chères. Elles reflètent les préjugés des membres du comité et sa dynamique politique. Après l'effet de toutes ces distorsions, c'est une pure coïncidence si la solution finale a un lien avec le problème original.  
  
          Dans l'éducation privée, la méthode utilisée pour choisir une approche d'enseignement est différente: seules les méthodes acceptées par les clients, les élèves et les parents, vont persister. Si le client n'est pas satisfait du service offert, il ne payera pas pour le service. Le fournisseur aura le choix entre deux options très claires: changer le service offert ou faire faillite. Ainsi les mauvaises idées sont écartées par le marché et seule les bonnes persistent. 
  
          Malheureusement, le système scolaire privé actuel est un mauvais exemple des possibilités offertes par le marché des idées. Presque toutes les écoles privées prennent la même approche prussienne que les écoles publiques. 
  
          L'État se mêle quasiment autant dans le quotidien des écoles nominalement privées que dans celui des écoles publiques. À cause de leur réglementation par le ministère de l'Éducation, elles offrent le même système régimentaire et le même curriculum. La même dominance par les syndicats de professeurs. La même idée bizarre que tous les enfants de huit ans du Québec doivent faire exactement la même chose au même moment. 
  
          Parce que les écoles privées actuelles sont déjà dominées par l'État, il faut regarder plus loin pour voir les possibilités qui seront offertes par un vrai marché privé. 
  
Un apprentissage flexible 
  
          L'éducation privée pour adulte est basée sur le concept des séminaires intensifs sur un sujet quelconque, comment utiliser un ordinateur par exemple. Ces séminaires sont donnés seulement à ceux qui en ont besoin au moment où ils sentent ce besoin.  
  
          Une telle approche est possible pour l'éducation des enfants aussi. Au lieu d'envoyer tous les enfants du même âge étudier l'histoire québécoise, on pourra l'offrir aux enfants qui sont intéressés au moment où ils découvrent cet intérêt. Peut-être exigera-t-on que les enfants prennent un cours d'histoire québécoise avant de terminer leurs études mais c'est sûrement mieux de les laisser choisir le moment où ils désirent le suivre plutôt que de laisser ce choix au système. 
  
          Un autre exemple d'éducation alternative est le « home schooling » ou éducation à la maison. Après vingt ans d'expérience, on peut dire définitivement que les élèves instruits chez eux apprennent plus que les élèves dans le système public. De plus, ils mettent moins d'effort dans leur apprentissage (pour ceux que ça intéresse, AN A FOR HOME SCHOOLING est un bon article sur cette révolution). 
  
          En fait, le « home schooling » est un excellent exemple du marché des idées en action. Les parents qui enseignent à leurs enfants à la maison ne travaillent pas dans l'isolement. Ils se lient les uns avec les autres pour se passer des méthodes d'enseignement, des matériaux et des idées. 
  
          Lorsqu'un d'entre eux trouve ce qu'il pense être une meilleure approche, il la transmet à travers ces réseaux. Les meilleures idées se répandent entre les parents et les mauvaises disparaissent. 
  
          L'étatiste a un avantage sur le partisan d'un système privé: il peut montrer un système qui fonctionne. Le libertarien est obligé de répondre qu'il ne connaît pas l'alternative au système actuel. Il peut donner des exemples comme ceux qu'on voit ci-haut et il peut offrir sa théorie qui démontre que le système éventuel sera supérieur au système actuel. 
  
          Un vrai système privé s'adaptera mieux aux besoins individuels. Le marché des automobiles offre des sedans, des fourgonnettes et des voitures sport. Ce sera pareil dans un système d'éducation privé. Il y aura des écoles pour les croyants et les non-croyants, pour les doués et les handicapés, pour ceux qui s'intéressent aux arts et ceux qui s'intéressent aux sports, pour ceux qui prévoient travailler avec leurs mains et pour ceux qui sont plus intellectuels, pour les garçons et pour les filles. Présentement, il n'existe qu'une forme d'éducation pour tout le monde.  
  
          Chez les Soviétiques, il y avait des Lada pour tout le monde. Une voiture mal faite, qui ne correspondait aux besoins de personne, qui utilisait des technologies en retard de vingt ans. Les Soviétiques n'étaient même pas capables de gérer la vielle technologie; la Lada avait un design de Fiat. Dans un marché libre, il existe toutes sortes de voitures. Et même les voitures bas de gamme offrent un niveau de qualité infiniment supérieur à celui de la Lada. 
  
          Notre système d'éducation utilise la même approche que le système de production soviétique: une gestion par le petit fonctionnaire de l'État. Vous choisirez sûrement la Geo, la Camry, la Miata ou la Voyager au lieu de la Lada ou de la Trabant. Faites la même chose dans un choix infiniment plus important – celui de l'éducation de votre enfant. 
 
 
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