Montréal, 28 avril 2001  /  No 82
 
 
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Martin Masse est directeur du QL. La page du directeur.
 
ÉDITORIAL
  
ÉLIMINONS L'AIDE AUX PAYS PAUVRES
 
par Martin Masse
  
  
          Il est toujours de bon ton chez les adeptes de la gauche caviar de se montrer préoccupés du sort des pauvres de ce monde qui n'ont pas la chance de vivre dans notre beau pays social-démocrate. Sur le Plateau Mont-Royal, les paumés/branchés débutent la journée en sirotant un café « équitable » dans l'un des innombrables établissements cossus de la rue St-Denis ou de l'avenue Mont-Royal, question d'aider un pauvre paysan guatémaltèque à survivre en luttant contre le méchant cartel des multinationales du café. On se donne ainsi bonne conscience avant de passer à des affaires moins typiques de cet esprit de solidarité, comme par exemple téter une subvention au Conseil des arts et lettres. Il faut bien vivre et la vie dans le quartier le plus branché en Amérique du Nord n'est pas donnée!
          Pour ces illettrés économiques, la solution à la pauvreté dans le Tiers-Monde passe par toute une série de mesures qui reflètent à l'échelle internationale le programme socialiste conventionnel: empêcher le commerce libre, empêcher les investissements étrangers, empêcher les multinationales de faire des affaires où elles veulent et d'embaucher qui elles veulent, imposer une réglementation stricte sur les questions de « droit » du travail et de « protection » de l'environnement, etc. Et il y a bien sûr le pendant des programmes sociaux et de la redistribution de la richesse, l'aide internationale.  
  
          L'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE)(1) nous apprenait justement ces derniers jours que le Canada ne fait pas très bonne figure dans la liste des pays donateurs, malgré la réputation qu'il s'est forgé au fil des ans. 
  
          C'est en effet l'ex-premier ministre canadien Lester B. Pearson, alors ambassadeur à l'ONU, qui avait présidé une fameuse commission ayant appelé tous les États à consacrer au minimum 0,7 % de leur Produit National Brut à la coopération internationale en 1969. Malgré cela, les montants distribués par le gouvernement canadien ne totalisent que 0,25% de notre PIB (presque 2 milliards $ par année), alors que les gentils Danois donnent 1,06%, les Néerlandais, Suédois et Norvégiens environ 0,8%. Sur 22 pays, nous serions passé du 6e rang en 1995 au 12e en 1999 et au 17e aujourd'hui. Enfin, une chose qui s'améliore au Canada! 
  
Microbe redistributionniste 
  
          Le microbe du redistributionnisme à l'échelle mondiale aime manifestement le froid en Europe, mais n'a heureusement pas réussi à traverser l'Atlantique. Et c'est tant mieux. Tout comme les programmes de redistribution de la richesse à l'intérieur d'un pays, l'aide internationale ne contribue en rien à lutter contre la pauvreté, mais permet au contraire de bourrer les poches d'une fournée de bureaucrates et de parasites qui s'approprient ces fonds.  
  
          Une bonne partie de cette prétendue « aide » est en fait constituée de subventions indirectes pour nos propres entreprises. On donne des montants à un gouvernement étranger dans la mesure où il offrira un contrat à une entreprise canadienne pour construire un barrage ou mettre en place un réseau téléphonique. 
  
          Une autre partie s'en va dans les coffres des fameuses ONG, ou Organisations non gouvernementales, un euphémisme pour désigner des organisations financées par le gouvernement mais qui ne sont pas techniquement une branche du gouvernement et peuvent donc prétendre représenter la « société civile ». Ces repaires de socialistes gèrent de multiples programmes dans les pays pauvres et permettent à de jeunes idéalistes de faire de beaux voyages tout en s'imaginant faire quelque chose pour le bien de l'humanité. 
  
          Nos gouvernements sont incapables de gérer, ici même, un système scolaire ou un système de santé efficaces. Et pourtant, l'Agence canadienne de développement international finance des dizaines de projets pour développer l'éducation et la santé dans des pays pauvres. Imaginez le résultat!  
  
  
     « Ceux qui veulent donner aux pauvres du Tiers-Monde et croient que cela peut faire une différence peuvent le faire en contribuant aux oeuvres des multiples organismes de charité qui se spécialisent dans ce domaine. » 
 
 
          Non seulement cette prétendue aide n'apporte-t-elle strictement rien qui contribue au développement économique réel de ces pays, comme tous les types de redistribution de la richesse, elle est immorale (voir REDISTRIBUER LA RICHESSE EST IMMORAL, le QL, no 80). Quelle est donc la logique politique qui justifie que le gouvernement canadien distribue des ressources à des non-Canadiens? Nous l'élisons pour qu'il défende nos intérêts. En quoi s'acquitte-t-il de cette responsabilité lorsqu'il nous dérobe deux milliards de dollars pour le distribuer à l'étranger?  
  
          Ce sont bien sûr d'abord et avant tout nos politiciens eux-mêmes qui retirent des bénéfices de ces programmes, en termes de prestige, de léchage de botte par les businessmen parasitiques, de clientélisme électoralement rentables chez les do-gooders des ONG, de petits voyages aux frais de la reine pour aller jouer au sauveur dans les républiques de banane. 
  
          Il faudrait non pas simplement diminuer l'aide internationale du Canada, mais l'éliminer entièrement. Ceux qui veulent donner aux pauvres du Tiers-Monde et croient que cela peut faire une différence peuvent le faire en contribuant aux oeuvres des multiples organismes de charité qui se spécialisent dans ce domaine.  
  
          Il reste toutefois une façon encore plus efficace d'aider les pauvres du Tiers-Monde comme ceux de chez nous: propager la compréhension du libéralisme économique et inciter les gens de partout à adopter des solutions de marché.  
  
Liberté économique = richesse 
  
          Encore une fois cette année, l'Institut Cato de Washington et l'Institut Fraser de Vancouver ont publié il y a quelques jours leur rapport annuel sur la liberté économique dans le monde (voir Economic Freedom of the World Annual Report 2001), qui donne des preuves absolument irréfutables sur les avantages de la liberté économique comme facteur d'enrichissement. Rien dans tout le babillage des gauchistes de salon ne fait le poids si on compare avec la pertinence empirique d'une telle étude.  
  
          Les auteurs, James Gwartney et Robert Lawson (voir notre entrevue avec ce dernier lors de son passage à Montréal l'année dernière, BIG GOVERNMENT MEANS SLOWER GROWTH, le QL, no 57) ont utilisé 21 critères pour déterminer le degré de liberté économique de 123 pays en ce qui a trait à la taille du gouvernement, la protection des droits de propriété, la liberté de commerce, la politique monétaire, etc. 
  
          Leurs conclusions peuvent difficilement être plus claires. Si l'on divise ces pays en cinq quintiles (i.e., cinq groupes qui contiennent chacun 20% du total), les pays qui se retrouvent dans le quintile des nations les plus libres économiquement ont un PIB moyen par habitant de 19 846 $ US; ceux qui se retrouvent dans le quintile des moins libres n'ont qu'un PIB moyen par habitant de 2 210 $. Entre ces deux extrêmes, et par ordre décroissant, les chiffres sont de 9 607 $, 7 286 $ et 3 984 $ 

          Les habitants des pays qui jouissent d'une plus grande liberté économique sont bien sûr non seulement plus riches, mais ils sont également mieux nourris, mieux éduqués, mieux soignés, vivent beaucoup plus longtemps, vivent dans un environnement moins pollué et jouissent de tout le confort et les prodiges de la civilisation moderne. 
  
          Au lieu de palabrer sur les horreurs économiques du néolibéralisme et de manifester contre le libre-échange, les gauchistes qui ont vraiment à coeur le sort des pauvres du Tiers-Monde devraient financer l'achat et la distribution dans ces pays des brillants essais d'économistes libertariens tels que Menger, Mises, Hayek, Kirzner, Shand, Rothbard, et bien d'autres. Si les élites corrompues des républiques de banane pouvaient renoncer à leurs illusions socialistes et approfondir plutôt leur compréhension des fondements du capitalisme, les politiques libérales nécessairement au développement économique auraient sans doute plus de chance d'être adoptées.  
  
          Parce qu'il propage la philosophie libertarienne et aide à répandre les idées et les solutions qui ont permis le développement de la civilisation, le QL fait à lui seul bien plus que toutes les bureaucraties, toutes les ONG et toutes les entreprises parasitiques impliquées dans les programmes canadiens d'aide internationale. Les deux milliards $ que le Canada dépense chaque année pour le socialisme mondial appauvrissent les Canadiens sans enrichir les présumés-bénéficiaires de cette aide. Nous, nous créons une véritable plus-value philosophique et intellectuelle. 
  
  
1. Tout comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, l'OCDE est souvent dénoncée par les gauchistes comme l'un des agents du capitalisme mondial qui défend les intérêts des pays riches et tente d'imposer un ordre économique libéral aux pays pauvres. En réalité, toutes ces bureaucraties internationales sont, comme leurs consoeurs nationales, des machins qui visent à propager le socialisme. La BM et le FMI distribuent et gaspille depuis des décennies l'argent des contribuables du Nord en faisant des expériences d'ingénierie économique dans les républiques de banane du Sud, alors que l'OCDE est partie en campagne récemment pour éliminer les paradis fiscaux (dans les îles des Caraïbes par exemple) qui accueillent les fonds de contribuables surtaxés et font ainsi perdre des revenus aux pauvres États qui financent l'organisme.  >>
  
  
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Le Québec libre des nationalo-étatistes  
L'ÉTAT, NOTRE BERGER?
  
        « Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »    

Alexis de Tocqueville   
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE (1840) 

 
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