Montréal, 7 juillet 2001  /  No 85  
 
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LE 
DÉFERLEMENT 
DE L'ÉTAT 
 
Les dépenses publiques au Canada, en pourcentage du PIB:
  
1926        15% 

1948       21% 

1966      30% 

1996    46% 

(Source: Statistique Canada)

MOT POUR MOT
 
LA LIBERTÉ RELIGIEUSE MENACÉE
EN FRANCE
 
 
          Les mouvement religieux minoritaires pullulent en Amérique du Nord. Aux États-Unis, les sectes font partie du décor depuis l'arrivée des puritains et autres dissidents protestants dans les colonies. Même le Québec est un terroir pour plusieurs nouvelles religions depuis l'effondrement de l'hégénomie catholique dans les années 1960. Qui ne connaît pas quelqu'un qui a joint les témoins de Jéhovah, les mormons, les scientologues, l'Église d'Emmanuel ou encore les raëliens? Malgré les tragédies reliées au Temple solaire il y a quelques années, peu de gens considèrent cette multiplication des mouvements religieux minoritaires comme une menace et aucune pression ne se fait sentir pour limiter leur influence. 
  
          Ce n'est pas le cas en Europe, particulièrement en Allemagne et en France, où les gouvernements multiplient ces dernières années les attaques légales contre des mouvements jugés dangereux et extrémistes. On croyait que la liberté religieuse était un acquis dans les sociétés démocratiques occidentales et qu'il revenait aux individus de décider eux-mêmes de la direction de leur développement spirituel; eh bien non, politiciens et bureaucrates se donnent encore le droit de décider qui est un mouvement religieux légitime, et qui est une secte qui doit être persécutée et abolie. L'État dans ces pays redoute-t-il une perte de contrôle sur les esprits? 
  
          Notre collaborateur Olivier Golinvaux avait déjà discuté de la dérive vers une chasse aux socières en France (voir LES SECTES: LA CHASSE AUX SORCIÈRES EST OUVERTE, le QL, no 57). Cette dérive s'est concrétisée récemment avec l'adoption d'une loi qui fera pendre une épée de Damoclès sur la tête des mouvements religieux, la loi About-Picard. On entend des échos de la Révocation de l'Édit de Nantes (1685)... 
  
          Un regroupement s'est constitué pour combattre cette nouvelle loi et défendre la liberté de conscience dans l'Hexagone: CAP, pour Coordination des associations et particuliers pour la liberté de conscience. L'article qui suit est reproduit de leur Lettre d'information n° 3. On peut également signer leur pétition directement sur internet à: http://www.petitiononline.com/CAP01/petition.html
 
 
 
LES SPIRITUALITÉS HORS-LA-LOI
 
Lettre d'information n° 3
Coordination des associations et particuliers
pour la liberté de conscience
 
 
          Une loi d'exception extrêmement liberticide, qui limite la liberté de toutes les associations (son chapitre 2 s'applique à toutes les personnes morales), vient d'être votée définitivement dans l'indifférence quasi générale de nos élus. Un des articles de cette loi permet de rendre criminelle toute pratique intense basée sur la foi, qualifiable « d'état de sujétion ». Les représentants des grandes religions ne s'y sont pas trompés. Certes la presse française et internationale a mal accueilli ce vote mais elle a réagi un peu tard. Comment en est-on arrivé là? 
  
          Depuis une vingtaine d'années, quelques tenants d'une laïcité de combat visant à exclure du champ public tout ce qui peut de près ou de loin se rapporter à une religion, s'acharnent à détruire la réputation d'une multitude de groupes spirituels et religieux minoritaires, en les qualifiant abusivement de « sectes » après avoir cristallisé toutes les haines autour de cette notion par la technique bien connue de l'amalgame. S'attaquer aux grandes religions est encore politiquement incorrect. Ces véritables inquisiteurs s'acharnent donc d'abord sur des groupes plus petits. Une véritable machine de propagande a été créée: 
  • Des associations « anti-sectes » militantes et partisanes, financées quasiment exclusivement par les pouvoirs publics, s'emploient à rendre tous les groupes étiquetés comme sectes responsables des quelques déviances relevées ici ou là et à créer ainsi un immense danger qui, en fait, n'existe pas. Par les généralités qu'elles fabriquent, elles sont devenues de véritables machines à colporter les rumeurs [...]. Ces associations bénéficient d'un traitement complaisant de la part des médias, toujours avides de titres racoleurs.

  •   
  • Une commission parlementaire a publié en 1996 une liste noire de 172 groupes spirituels et religieux étiquetés comme sectes après avoir collecté des informations douteuses venant des Renseignements Généraux (doit-on rappeler que ce service a été créé sous Vichy?) et après avoir procédé à une vingtaine d'heures d'audition, une durée bien mince pour juger 172 mouvements! Les groupes ainsi étiquetés n'ont eu droit à aucun débat contradictoire.

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  • Les experts en sociologie ou en histoire des religions qui étudient le phénomène avec une démarche méthodologique rigoureuse ne sont pas entendus par les élus chargés d'enquêter sur le même sujet et ont très rarement les honneurs de la presse. Car leurs conclusions sont très souvent à l'opposé des idées toutes faites véhiculées par les inquisiteurs. Lorsqu'ils montrent par exemple que le turnover (le nombre de départs) est très important dans les groupes étiquetés comme sectes, ils cassent l'idée reçue qu'on sort difficilement de ces mouvements.

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  • Comme si tous ces travers, tous ces biais empêchant une information honnête des citoyens ne suffisaient pas, le gouvernement a décidé de créer une mission interministérielle de lutte contre les sectes. Cette « mission » s'attache à colporter des généralités abusives auprès des agents de l'État, amplifiant le phénomène d'hystérie collective et de panique morale et lui donnant un crédit officiel.

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  • Un concept pseudo-scientifique de manipulation mentale, rebaptisé hâtivement mise en état de sujétion devant l'opposition des grandes religions, a été créé par les inquisiteurs, sans la moindre étude clinique à l'appui. Que le seul régime à avoir osé créer un délit de mise en état de sujétion soit le régime mussolinien (pour combattre la propagande communiste!) ne semble pas gêner outre mesure les inquisiteurs.
          Le résultat de cette campagne d'hystérie est qu'une véritable chasse aux sorcières s'est installée en France. Chaque jour, des citoyens accusés de faire partie d'un mouvement jugé sectaire perdent un emploi, un contrat, leur droit de garde des enfants dans une affaire de divorce, se voient refuser un prêt bancaire, deviennent en quelque sorte des sous-citoyens. 
  
     « Alors autant dire que ce sont la liberté d'association, la liberté de conscience et la liberté de religion que nos élus ont jetées à la poubelle le 30 mai dernier. »
 
          Les Renseignements Généraux fichent en toute impunité l'appartenance de nombreux citoyens à ces groupes considérés comme hors normes. Qui contrôle la circulation de ces fiches? Les associations anti-sectes se vantent de collaborer avec les Renseignements Généraux, devenus ainsi une nouvelle police de contrôle des déviances. 
  
          L'aboutissement logique de cette hystérie, et le but visé dès l'origine, est la création d'une loi d'exception, la loi About-Picard. 
  
          Cette loi permettra à la justice de dissoudre très facilement tout groupe qui aura une vague réputation de « groupe sectaire ». Tout groupe pratiquant une forme intense du religieux ou de la spiritualité est en fait visé. Il suffira de deux délits mineurs commis au sein de ce groupe pour que le juge prononce sa dissolution après une procédure judiciaire accélérée. C'est exactement comme si on menaçait de la peine de mort toute personne qui aurait commis deux excès de vitesse, et en plus, suite à un procès expéditif! 
  
          Il y a eu quelques drames bien réels et loin de nous l'idée de les nier. Les dérives peuvent exister dans tous les groupes. Mais l'arsenal législatif existant permet de punir les responsables de ces dérives. 
  
          Aucune association, pour peu qu'elle soit dans le collimateur de la justice ne pourra résister à la loi About-Picard. Alors autant dire que ce sont la liberté d'association, la liberté de conscience et la liberté de religion que nos élus ont jetées à la poubelle le 30 mai dernier. 
  
          La loi mentionne explicitement que l'exercice illégal de la médecine et l'exercice illégal de la pharmacie pourront être pris en compte pour la dissolution. Ainsi, non seulement pourront être visés tous les groupes qui pratiquent une recherche religieuse ou spirituelle mais aussi tous les groupes qui prônent le recours aux médecines alternatives. 
  
          Sous la charge des inquisiteurs se profile la venue d'une société matérialiste, aseptisée, débarrassée de toute référence à la religion ou à la spiritualité et dans laquelle les seuls remèdes proposés au mal-être seront des remèdes chimiques.  
  
          Les minorités spirituelles se battent, parce qu'elles sont sur le front, au coeur de la bataille de la liberté individuelle qui commence par la liberté de croyance et d'opinion. Mais ce n'est pas seulement leur combat. C'est le vieux combat de la démocratie et de la liberté, une nouvelle fois menacée par une loi d'exception. 
 
 
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