Montréal, 1er septembre 2001  /  No 87  
 
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Hervé Duray est étudiant à l'École Supérieure de Commerce de Grenoble et tient La Page libérale, un site dédié au commentaire des informations sous un angle libéral.
 
LA PAGE LIBÉRALE
 
CONTRE–ATTAC
 
par Hervé Duray
  
  
          L'Association pour une taxation des transactions financières pour l'aide au citoyen, plus connue sous son acronyme ATTAC, existe depuis quelques années déjà, mais l'ampleur qu'a pris cette association avec le décollage du mouvement antimondialisation en fait une vraie menace pour les Français. 
 
          Au départ composée de soixante-huitards, elle a su se diversifier et toucher une clientèle plus jeune. Pour preuve, la moyenne d'âge des 700 participants à son université d'été est de 35 ans. Toutes les populations y sont représentées. On peut donc y trouver: des profs (20% des effectifs d'ATTAC!!), des paysans, bref, un vaste panel (de gauche) de la société française. Tous les secteurs administrés, réglementés, étouffés, y sont. Manquent à l'appel les personnels des directions financières et les agences bancaires! Pas étonnant puisque nombre des membres parmi les plus extrêmes leur promettent le pilori... au sens propre du terme.
 
La confusion des termes 
 
          Plus surprenant pour une association « apolitique », un grand nombre d'hommes politiques y sont tout à fait régulièrement inscrits et invités. J'y reviendrai. Le tout est mené par Bernard Cassen, directeur général du fameux « Monde Diplo » (docus?), la Pravda à la française. 
 
          L'ennemi de ce rassemblement? La mondialisation, Grand Satan de ces nouveaux ayatollahs. Bernard Cassen a donné en juin dernier les grandes lignes de l'organisation, dans un texte relayé par de nombreux journaux, y compris le « Figarose ». 
 
          D'abord, il y a sa définition de la mondialisation: la « corporate-led globalization ». Notez au passage l'anglais, qui ici en France est la langue de l'ennemi nord-américain qui refuse nos fromages et notre vache folle. Que lui reproche-t-il donc? Et bien tout simplement d'être « impulsée par les transnationales et les marchés financiers, et à leur seul profit ». Au passage vous me direz si vous n'avez pas trouvé profit à avoir une [insérez votre marque de véhicule] dans votre garage plutôt qu'une marque locale. Si tant est qu'il existe une marque locale (je pense ici à nos amis québécois). Et vos Nike aux pieds? Je n'en dis pas plus, cette « globalization », nous la vivons tous très bien, et le profit est déjà partagé. 
 
          À noter aussi ce croustillant: « Les politiques néolibérales, promettant un avenir aussi "radieux" que celles menées autrefois par l'ex-"socialisme réel" ». Faut-il croire que le sort réservé aux peuples libérés ne fut pas si gai que cela? Bernard Cassen renierait-il certains de ses engagements passés? Sait-il qu'au sein d'ATTAC beaucoup sont aussi au Parti Communiste et à la Ligue Communiste Révolutionnaire? Ou alors peut-être croit-il que les « libéraux » dont il a si peur vont à leur tour construire des murs? Beaucoup d'interrogations sans réponses. Reste l'inversion des valeurs, l'assimilation du libéralisme à son contraire. 
 
          Et puis, comme d'habitude, dans le brouillard intellectuel l'amalgame est fait entre crise des systèmes étatiques et de marché libre: il confond la crise asiatique avec celle d'un marché. Comme si les prêts du FMI depuis des décennies avaient quoi que ce soit à voir avec un quelconque marché. La liberté d'échanger devient même une « liberté liberticide »! 
 
          Comme les futurs militants d'ATTAC ne sont pas tous motivés par l'amour indéfectible des pauvres, mais par leur propre enrichissement, voilà qu'il faut convaincre la clientèle possible d'ATTAC que l'échange n'est pas non plus profitable à nous autres. Difficile exercice car comme je le disais au-dessus, il suffit de regarder autour de soi pour voir le triomphe du libre-échange. Mais il y a là un piège différent: échanger permettrait à certains de s'enrichir plus que d'autres! Quel maheur, des I-N-É-G-A-L-I-T-É-S! 
 
Des débats faussés 
 
          Faut-il croire qu'ATTAC renonce à ramener la prospérité à la population? Tout de même pas: quelques statistiques hâtivement interprétées, comme par exemple celle des 2 millions de personnes en prison aux É.-U., reflet de l'efficacité de la police américaine à appliquer des lois prohibitionnistes sur les drogues, qui se transforme en « chômage camouflé ». Mais même ainsi modifié, le taux de chômage des États-Unis resterait toujours bien en dessous de la moyenne européenne (9%). Voilà de quoi convaincre les crédules que la liberté économique n'est pas le chemin à prendre pour assurer la prospérité. 
 
          Plus on lit les documents d'ATTAC, plus on est certain que Le Grand Fléau va tous nous précipiter dans l'abîme. ATTAC ne veut pas redonner à l'économie un « visage humain », comme autrefois on a pu entendre le « socialisme à visage humain ». ATTAC veut aller plus loin. Pour cela une entreprise de « changement des esprits, cette désintoxication nécessaire » est en marche, et leur université d'été en est le point d'orgue. 
 
          Au menu de cette « université », sise dans la Chambre de commerce d'Arles: « De la monnaie à la Bourse et à l'emprise financière », « De l'emprise financière aux licenciements de convenance », « De l'emprise internationale du capital à la condition féminine dans le monde », ou encore « l'économie solidaire: illusion ou voie d'avenir », « Le clonage ou la marchandisation du vivant », « La criminalité financière et les paradis fiscaux ». 
 
     « ATTAC ne veut pas redonner à l'économie un "visage humain", comme autrefois on a pu entendre le "socialisme à visage humain". ATTAC veut aller plus loin. »
 
          Les interrogations des militants sont le reflet de ces débats faussés, où toute considération envers la liberté est définitivement abandonnée: « Avec l'appropriation des médias par les grands monopoles, comment préserver ses enfants des méfaits de la pensée unique? » La personne qui a écrit ceci doit ignorer les abonnements qui font vivre Le Monde, Le Figaro, et toutes les publicités des Conseils Régionaux dans les journaux locaux. Et puis quid des 3 chaînes publiques sur 6 chaînes hertziennes? Pire encore: « Quand je pousse mon Caddy dans un hyper, quels moyens ai-je de peser sur les pratiques néfastes de la grande distribution? » 
  
          Mais personne ne vous force. C'est un choix que d'aller dans un supermarché plutôt que dans des magasins « solidaires » ou « bios ». Car ils existent! C'est un de ces « miracles » de l'écologie économique que de pourvoir à toutes les niches possibles et imaginables. Pourquoi ATTAC ne cherche-t-elle pas à ouvrir des magasins de ce type? Peut-être tout simplement parce que de la même façon qu'il existe une loi de la gravité, il existe un certain nombre de lois économiques: il faut des capitaux, des clients, des patrons, des employés, des comptables, etc., pour faire un business indépendant de subventions. 
 
          Déjà qu'ATTAC veut interdire les licenciements dès lors qu'une entreprise fait un peu de profit, on imagine que tout le monde sera obligé de sombrer dans l'économie solidaire (entendez: économie de troc et de pénurie). Quant au rapport entre condition féminine et la finance... je reste songeur. J'avoue ne voir aucun lien entre les deux! En tout cas, eux l'ont trouvé, et certainement de nouveaux prétextes d'interdictions ou d'obligations diverses avec! Le point focal de toutes les batailles d'ATTAC reste la taxe Tobin, symbole de la « lutte » contre la finance. À peine 0.5% sur toute transaction internationale! Pour les pays du Tiers Monde, cela signifierait la fin de l'accès au marché des capitaux, un repli qui contrasterait sévèrement avec la volonté affichée d'ATTAC d'aider le Tiers Monde, quand bien même le montant de la taxe serait reversé à ces pays. Et qui s'occuperait donc de cette taxe? L'ONU bien sûr... 
 
Droite gauchisée 
  
          Si les conférences de l'université ATTAC ont de quoi faire sourire, le mouvement revendique tout de même 30 000 adhérents (loin des 100 000 de Contribuables Associés!) et pas moins de 100 députés se sont associés dans un groupe ATTAC à l'Assemblée. Le contenu des discussions est donc on ne peut plus sérieux, et dès lors on perçoit nettement les menaces sur la liberté qu'elles font peser. La résonance politique d'ATTAC risque fort de peser sur la campagne présidentielle. Mais ce ne sont plus des hypothèses désormais. Nous en avons eu la confirmation de toutes parts. 
 
          Curieusement, c'est à droite d'abord que ce sont élevées des voix pour faire choeur avec celle d'ATTAC. Christine Boutin d'abord, après les affaires Danone, LU et autres, s'était rendue à la réunion organisée par le groupe ATTAC de l'Assemblée nationale. Et qu'y a-t-elle dit? « Le travail est une richesse ». Et moi qui croyait que le travail n'était pas une fin en soi, je me trompais. Voilà bien une inversion de toute logique que seuls des marxistes forcenés peuvent affirmer. Après tout, ils en vivent. Si les loisirs venaient à être trop importants, comment pourraient-ils crier à la lutte des classes?  
  
          D'après Mme Boutin, « on ne peut tolérer les licenciements pour des raisons financières ou boursières ». Elle ne doit à peu près rien connaître à la finance, mais elle l'affirme sans broncher. Elle espérait combien de voix pour cette déclaration? Peut-être était-elle en service commandé, sur ordre de Chirac? On ne le saura probablement jamais. Toujours est-il que la droite se gauchise nettement. 
 
          Bon, vous allez me dire, Christine Boutin, passe encore. Elle tient lieu d'épouvantail dans la « droite » française, tenant des positions très conservatrices sur nombre de points. Mais j'ai bien mieux que ça comme citation: Chirac lui-même a proféré ceci: « la spéculation frénétique est le sida de nos sociétés ». C'était en 1995!! Non, décidemment, cet homme a gardé ses convictions des premiers âges: c'est un communiste! 
 
Gauche droitière 
 
          À gauche par contre, les socialistes sont méfiants. L'extrême gauche prend de plus d'ampleur et finalement pourrait devenir le « Front National » de Jospin. Ainsi pris en tenaille entre la droite qui reprend presque mot à mot les déclarations d'ATTAC, en adoptant tout y compris le vocabulaire (les médias aussi), et la gauche qui est à l'origine de ce chahut, le PS ne sait plus où se mettre. Alors pour l'instant, c'est le silence radio. Nul doute que Jospin devrait ressortir ses discours brésiliens, où il parlait de la nécessaire communion des peuples, du partage de la richesse et autres régulations nécessaires pour mettre tout le monde au pas. Quid de la création de richesse? Quid de la liberté nécessaire pour cette création et que beaucoup de pays du Sud réclament face au protectionnisme du Nord (ce fut l'un des thèmes de l'anti-Davos à Porto Alegre!)? 
 
          Les résultats les plus tangibles à court terme de cette agit-prop bien organisée, c'est qu'une partie de la campagne électorale va se jouer sur ces sujets. Exit le chômage toujours proche de 10% (taux d'activité: 50% de la population de 16-75 ans, contre 75% aux États-Unis), les retraites (qui ne seront pas versées car pas capitalisées), de la criminalité (notez l'évolution par rapport au 1er semestre 2000. Vols à main armée = Seine St-Denis: 65% / Yvelines: 68% / Hauts de Seine: 51%; en Seine St-Denis, 30% des auteurs interpellés sont des mineurs. Vols avec violence = Seine St-Denis: 39% / Paris: 42% / Hauts de Seine: 35%. En Seine St-Denis, 61% des auteurs interpellés sont des mineurs). Au fait: +7% d'augmentation sur 10 ans signifie un doublement. +60% pendant 10 ans ça donne quoi? 
 
          Cela n'aurait aucune importance en fait si les médias n'étaient pas dirigés eux-mêmes par les anciens camarades de lutte de Cassen et Krivine, car les élucubrations d'ATTAC n'auraient alors aucun écho. Mais le fait est que les médias ont adopté sans ciller le discours d'ATTAC, jusque dans les expressions « licenciements de convenance » ou du « capitalisme actionnarial » (contraire du capitalisme d'État sans doute?). Et l'éducation finit par payer. Selon Le Monde: « Les Français souhaitent un contrôle plus étroit sur les multinationales et les marchés financiers ». Comme ça, les politiciens sont « légitimés »! 
 
          Mais le pire dans toute cette bouillie, c'est tout de même ce chiffre de 20% de professeurs dans les rangs d'ATTAC, soit pas loin de 8000 profs. Imaginez donc un peu les élèves quand une prof d'histoire géo déclare: « Je vais relater sur internet le contenu des conférences ». Ajoute cette enseignante en histoire-géographie: « l'université va me servir pour mes cours, puisqu'on étudie la mondialisation et l'internationalisation des échanges en 3ième, 1ère et terminale depuis 1998! » 
 
          Vous êtes prévenus: ne laissez pas traîner vos enfants n'importe où! 
  
  
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