Montréal, 19 janvier 2002  /  No 96  
 
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Marc Grunert enseigne les sciences physiques dans un lycée de Strasbourg et anime le Cercle Hayek, consacré à la réflexion et à la diffusion du libéralisme.
 
CHRONIQUE DE RÉSISTANCE
 
MONDIALISATION DU VOL LÉGAL:
DURBAN, LA SUITE
 
par Marc Grunert
  
  
          Dans un article précédent, MONDIALISME ET DISCRIMINATION POSITIVE: RÉFLEXION SUR LA CONFÉRENCE DE DURBAN (le QL, no 88), j'avais déjà tenté de mettre en évidence le vaste marchandage auquel conduit la démocratie mondiale des États (ONU) sous le prétexte de la réparation de l'esclavagisme et du racisme.
 
          La coalition des États qui seraient les bénéficiaires d'une réparation d'une injustice historique n'est visiblement pas satisfaite de la conférence de Durban. « Ce devait être "une occasion rare pour l'humanité de prendre son avenir en main", selon la haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Mary Robinson. Ce fut, à maints égards, un rendez-vous manqué. Quatre mois après sa clôture officielle, la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance, qui s'est tenue du 31 août au 8 septembre 2001 à Durban, en Afrique du Sud, continue de diviser la communauté internationale. » (Le Monde.fr:, « L'ONU prise au piège de la conférence de Durban », 10 Janvier 2002.) 
  
          Ainsi « l'humanité » pourrait prendre son avenir en main. C'est avec des abstractions collectives de ce genre que les hommes de l'État mondial onusien, et les élites qui les soutiennent, tentent de mystifier l'opinion publique. Personne ne peut être mandaté pour décider de l'avenir de l'humanité au nom d'elle-même. On ne voit pas en quoi les chefs d'États, les fonctionnaires de l'ONU, les personnalités éminentes, pourraient s'arroger le Droit de prendre en charge le Bien de l'Humanité. Ils se prennent pour Dieu ou quoi?  
  
Au nom de qui? 
  
          L'article du Monde souligne que « déjà, les travaux préparatoires avaient laissé apparaître au grand jour de profondes divergences sur des questions aussi épineuses que le Proche-Orient et la demande de réparations, avancée par des pays africains, pour l'époque de l'esclavage et de la colonisation, sans négliger la situation des peuples autochtones, toujours privés de leurs droits les plus élémentaires dans les Amériques et ailleurs, ou encore le sort des travailleurs migrants et des réfugiés. » 
  
          Il serait utile de revenir sur la question de l'esclavage, de la colonisation et des réparations éventuelles. L'esclavage est une atteinte manifeste au Droit de propriété de chacun sur sa propre personne. Qui peut réclamer une réparation? Les victimes ou leurs ayants droit, s'ils existent. Qui doit payer? les agresseurs ou ceux qui détiennent les titres de propriété illégitimes. Or nous sommes dans une situation où des États réclament des réparations à d'autres États. Cette prétention est totalement illégitime. D'une part les individus ne sont pas responsables des actes commis par les hommes de l'État. D'autre part, la notion de dette historique d'un État envers un autre n'a pas de sens.  
  
     « Ce ne sont pas des États qui ont été victimes de l'esclavage ou de racisme, mais des êtres humains, qui sont, d'ailleurs, tous morts. La seule manière de réparer l'injustice de l'esclavage est de conduire une multitude d'enquêtes pour savoir si des individus spoliés possèdent encore des droits de propriété légitimes. »
 
          Ce ne sont pas des États qui ont été victimes de l'esclavage ou de racisme, mais des êtres humains, qui sont, d'ailleurs, tous morts. La seule manière de réparer l'injustice de l'esclavage est de conduire une multitude d'enquêtes pour savoir si des individus spoliés possèdent encore des droits de propriété légitimes. Mais le fait d'avoir eu, dans son ascendance, un esclave comme parent, donne-t-il un droit quelconque à faire valoir devant les descendants des agresseurs? À mon avis, c'est en ces termes qu'il faudrait poser le problème de la réparation. Seuls les individus spoliés ou agressés peuvent réclamer une réparation, pas un État. Les faits historiques justifient que les populations africaines devraient commencer par rétablir la justice d'abord chez eux. En effet, comme le rappelle Lord Bauer: 
              Le commerce des esclaves entre l'Afrique et le Moyen-Orient a précédé de plusieurs siècles la traite atlantique, et a duré beaucoup plus tard. L'esclavage était endémique dans presque toute l'Afrique bien avant l'apparition de la traite des Noirs vers le Nouveau Monde, et ce sont les Occidentaux qui l'ont finalement réprimé. Arabes et Africains ne semblent pas se sentir coupables à propos de l'esclavage et du trafic des esclaves; mais les Européens et les Américains ont souvent du remords à ce sujet, et l'on veille à ce qu'ils en aient. Pourtant, c'est à leurs efforts qu'est dû le fait que ces pratiques aient été en grande partie éliminées. Le complexe de culpabilité est une prérogative des Occidentaux. (Peter Bauer, « Mirage égalitaire et Tiers-Monde »)
          En ce qui concerne la colonisation, elle fut un crime. C'est évident. Les Droits des indigènes ont été piétinés et les considérations utilitaristes, du style « on leur a apporté la civilisation » ne justifient pas la violation du Droit. Mais, là encore, les États sont bien mal placés pour réclamer une réparation. D'autant plus que leur argumentation se fonde sur le fait erroné que les pays africains colonisés auraient été exploités et appauvris par la colonisation. Or c'est tout le contraire. Ce sont les États colonisateurs qui se sont appauvris par cette croisade civilisationnelle. Et les Occidentaux ont apporté la prospérité à des régions pauvres. Les exemples de contre-vérités sont multiples. En voici un, donné par Peter Bauer: 
              « Nous avons pris le caoutchouc à la Malaisie, le thé à l'Inde, les matières premières à toutes les parties du monde, et nous ne leur avons pratiquement rien donné en retour. » [dixit un procureur tiers mondiste]. 
      
              C'est sans doute là le maximum de contre-vérité qu'il soit possible de trouver. Les Britanniques ont apporté le caoutchouc à la Malaisie, et le thé à l'Inde. Il n'y avait pas d'hévéas en Malaisie, ni nulle part en Asie (ce qu'indique le nom botanique: Hevea braziliensis) jusqu'à ce que les Britanniques, il y a environ cent ans, aient importé les premières semences de la jungle amazonienne. C'est de là qu'a surgi l'énorme industrie du caoutchouc – aujourd'hui largement propriété d'Asiatiques. Les plants de thé furent importés aux Indes par les Anglais un peu avant; leur origine est indiquée par le nom botanique Camilla sinensis de même que par l'expression « all the tea in China ». (Peter Bauer, « Mirage égalitaire et Tiers-Monde »)
Une notion philosophique 
  
          Les exigences de réparation de l'esclavagisme s'appuient maintenant sur la notion de « crime contre l'humanité » au nom de laquelle un État pourrait prétendre représenter les victimes ou se considérer lui-même comme victime. Selon l'article du Monde, « La déclaration reconnaît que la traite et l'esclavage "constituent un crime contre l'humanité", ce qui laisse entrevoir un encouragement à l'aide au développement sans pour autant impliquer nécessairement des réparations. » 
  
          Bref, tous les moyens sont bons pour réclamer de l'argent. Un crime contre l'humanité est à la rigueur une notion philosophique, mais elle n'a aucun sens du point de vue du Droit. Les hommes sont par nature des êtres séparés et les victimes ne le sont pas plus ou moins selon l'idéologie qui a « justifié » leur massacre, ou selon la quantité de gens massacrés. Si je suis assassiné par un jeune banlieusard, victime, comme chacun le sait, des inégalités engendrées par le capitalisme « à tout crin », ou par un nazi mu par une idéologie raciste, le résultat est le même. Seuls les individus peuvent être des victimes. D'ailleurs, nous voyons bien que cet argument ultime de « crime contre l'humanité » n'est qu'un moyen pour forcer une redistribution des richesses au niveau international.  
  
          Les égalitaristes et les prédateurs ont des objectifs qui leur sont propres. Les moyens employés doivent simplement avoir l'apparence de la justice pour créer l'illusion que leur cause est légitime. Le « cas Durban » est un cas d'école. 
 
 
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