Montréal, 31 août 2002  /  No 108  
 
<< page précédente 
  
  
 
 
François Guillaumat est docteur en sciences économiques (thèse passée sous la direction de Pascal Salin, non encore publiée). C'est un intellectuel libéral français proche de Hans-Hermann Hoppe et de l'école autrichienne d'économie. On peut trouver quelque-unes de ses réflexions sur cette page.
 
OPINION
 
À QUOI SERT LE « PRINCIPE DE PRÉCAUTION »?
 
par François Guillaumat
  
  
          Ce qui a fait naître l'idée que le prétendu « principe de précaution » serait « scientifique », c'est le rêve incohérent d'une « science » qui devrait tout savoir. Lorsque certains événements supposés désagréables risquent de se produire, mais sans que les savants puissent nous dire avec quelles chances, les adeptes du prétendu « principe de précaution » nous invitent en fait à traiter ces événements comme s'ils étaient certains. 
  
          Ce qui implique de méconnaître au moins le risque qu'ils ne se produisent pas, de sorte qu'on aura pris force précautions coûteuses pour rien. En d'autres termes, face à une alternative entre deux choix, l'un et l'autre, comme tout choix, nécessairement risqués, ils nous invitent à ne tenir compte des risques que d'un seul des deux choix: difficile de faire passer cette attitude pour « raisonnable »; et comme cela nous invite à méconnaître systématiquement certains risques, c'est seulement par antiphrase que l'on peut appeler cela de la « précaution ».
 
Les vraies raisons du « principe de précaution » 
  
          Qui peut entretenir une utopie aussi absurde de la « science », et comment a-t-elle pu servir de prétexte pour balancer par-dessus bord les principes immémoriaux de la prudence au profit d'une espèce de panique institutionnalisée? La clé se trouve dans le monde où vivent les sectateurs de cette démentielle falsification: 
  • Le « principe de précaution » est né de l'irresponsabilité institutionnelle.
          À vrai dire il fallait un socialisme déjà bien avancé pour qu'une telle absurdité se développe.  
  
          L'irresponsabilité institutionnelle n'étant jamais totale, elle n'est pas la même pour tous les types de décisions. En conséquence l'homme de l'État confronté à un choix, c'est-à-dire à une alternative entre deux actions, perçoit bien que s'il choisit l'un des termes de cette alternative, il échappera à ses conséquences, tandis que s'il choisit l'autre et que les risques y afférents se réalisent, on pourra lui faire grief d'avoir « pris trop de risque ». 
  
     « On attribuera à une "insuffisance de précautions" toutes ces catastrophes effroyables qui sont en réalité dues à l'usurpation du pouvoir de décider par des gens qui peuvent forcer les autres à en subir les conséquences à leur place. »
 
          Il prendra donc la décision, nécessairement porteuse de risques comme toute décision, dont il pense que ses risques ne retomberont pas sur lui. Cependant, dans ce contexte d'irresponsabilité, il n'a même pas besoin de se demander quels risques comportent une décision dont il ne s'attend pas à jamais subir les conséquences: de sorte qu'il peut très bien ne plus se rendre compte des risques que comportait cette décision-là, et qu'il force les autres à subir. Donc, en évitant que les risques qui peuvent retomber sur lui, il perd la conscience de ceux qu'il impose aux autres. D'où son illusion de toujours « prendre le moins de risques possibles » et la dénomination du prétendu « principe de précaution », qui désigne en réalité le choix de: 
  • ne prendre que les décisions dont on pourra forcer les autres à subir tous les risques.
          Ce qui se traduit par le critère pratique suivant: 
  • ne prendre que les risques dont la conscience échappe à l'opinion publique.
La loi des calamités 
  
          Alors, bien sûr, l'irresponsable institutionnelle peut se tromper. Il arrive que ses choix qu'il croyait irresponsables passent le seuil du scandale public, de sorte que la décision qu'il croyait non risquée pour lui se révèle trop désastreuse pour qu'il échappe à ses conséquences comme il s'y attendait. C'est ce qui est arrivé pour le sang contaminé, pour la vache folle, etc. 
  
          Cependant, comme on ne se rend toujours pas compte que c'est l'irresponsabilité institutionnelle qui a faussé la prise de risques, et que si le décideur irresponsable a fait comme si sa décision n'était pas risquée, c'est parce qu'il s'attendait bien à le demeurer, irresponsable, on attribuera à une « insuffisance de précautions » toutes ces catastrophes effroyables qui sont en réalité dues à l'usurpation du pouvoir de décider par des gens qui peuvent forcer les autres à en subir les conséquences à leur place (définition de la décision étatique). 
  
          Il ne s'agit d'ailleurs là que d'une simple application à la décision risquée de la loi des calamités décrite par von Mises et nommée par Michel de Poncins: toute calamité due à l'usurpation étatique sert de prétexte à de nouvelles usurpations criminelles... et garantit que de nouvelles catastrophes se produiront. 
 
 
 
<< retour au sommaire
 PRÉSENT NUMÉRO