Montréal, 21 décembre 2002  /  No 116  
 
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André Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à Montréal.
 
ÉTHIQUE LIBERTARIENNE
 
SANTÉ ET PROSPÉRITÉ,
GRACIEUSETÉ DE L'ÉTAT
 
par André Dorais
  
  
          Combien de fois n'avez-vous pas entendu dire que le système public canadien de santé est l'essence même de ce qui nous distingue des Américains? Ce qui est sous-entendu, c'est que les Canadiens sont d'une plus grande générosité, car leur système de santé couvre tout le monde.
 
          Or, la générosité est la vertu du don et celui-ci n'est possible qu'avec le consentement du donneur. Qualifier les Canadiens de généreux car ils s'offrent un système public de santé n'a aucun sens. Les payeurs de taxes n'ont pas donné leur argent, le gouvernement leur a pris. Pour mieux dire, certains payeurs de taxes ont donné leur consentement au gouvernement pour que celui-ci puisse soutirer l'argent de ceux qui ne voudraient pas donner. Les premiers contribuent, tandis que les seconds sont volés. 
 
Donner vs se faire prendre 
 
          Vous ne pouvez pas dire que puisque ces derniers ont consenti à jouer le jeu de la démocratie, ils doivent être bons joueurs et accepter la défaite. Je vous accorde que l'apprentissage de la défaite est plus riche d'enseignement que l'apprentissage de la victoire, mais la démocratie n'est pas un jeu. Il y a des valeurs qui sont à ce point importantes qu'elles ne doivent pas être soumises à un vote, telles « ne pas agresser » et « ne pas voler » autrui. Alors pourquoi qualifier de généreux celui qui distribue des cadeaux avec l'argent des autres? 
 
          Si vous dites que l'on doit se conformer aux désirs de la majorité car la démocratie le veut ainsi, c'est que vous placez la démocratie au-dessus de la morale. Lorsque vous dites qu'il en est bien ainsi puisque avec cet argent vous pouvez vous offrir un système de santé, vous faites de votre propre intérêt celui de tous. Or, cela n'est pas de la générosité, mais de l'égoïsme. Avec le temps nous avons fini par considérer la démocratie comme étant un jeu où la majorité avait droit à tous les bonbons qu'elle revendiquait. Le problème, c'est que nous ne nous sommes jamais entendus sur la mise. 
 
          Ce qui caractérise un parti politique dit progressiste est la ponction plus grande de nos revenus qu'il nous soutire. Toutefois, tous les partis sont progressistes (sociaux-démocrates), car ils appliquent tous la même logique collectiviste. Tous nous taxent pour ce qu'ils considèrent, eux, comme étant notre Bien. Seule une question de degré les différencie. Or, nous soutirer 70% de nos revenus plutôt que 20% ne fait pas de nous des êtres plus généreux. 
 
          Pour reprendre les mots de Christian Michel, les sociaux-démocrates promettent une société généreuse comme la prostituée promet l'amour. C'est à partir de ces mots percutants que je me suis posé la question suivante: comment en sommes-nous arrivés là? C'est que nous avons élevé au rang de dogme la démocratie. Or, celle-ci peut certes être utile à la prise de décision qui ne concerne pas la propriété d'autrui, mais dès qu'elle franchit ce seuil elle dépasse ses bornes. Lorsque, dans un jeu, on dit qu'il faut s'entendre sur la mise, cela signifie que le montant en jeu est clair pour tous. Or, en social-démocratie on ne s'entend pas du tout sur la mise, car ce n'est pas d'elle dont on parle. On met plutôt en jeu ce qui pourrait être acheté par son recours. Ainsi sont mis en jeu les systèmes de santé et d'éducation, les subventions et tous les biens collectifs qui composent la social-démocratie. 
 
          Malgré la prétention contraire des hommes de l'État, on ne connaît pas les coûts de la mise en application de tous ces programmes (biens communs), car ils impliquent beaucoup trop de monde et beaucoup trop de temps. Pourtant on s'acharne à les mettre en application. Au Québec, par exemple, plus de 40% des revenus de l'État sont consacrés au seul système de santé. On se dit que cela fait quelques décennies qu'on agit ainsi et que l'on peut donc continuer sans problème. À mon avis, on va frapper un mur. 
 
     « Cessez d'avoir peur du capitalisme, car bien que le terme ne soit pas des plus heureux, il ne signifie rien d'autre que la liberté d'échanger. Cette liberté nous a permis de nous enrichir et son manque nous appauvrit. »
 
          Si l'on n'agit pas légitimement, c'est-à-dire que si l'on a de cesse de justifier le vol par la démocratie, non seulement fait-on preuve d'immoralité, mais on s'appauvrit. Conserver la santé est important, mais se nourrir l'est encore plus. Or, le processus de production et d'échange de la nourriture dans un système capitaliste fonctionne à merveille, alors que dans un système communiste vous faites la queue pour vous la procurer. Plus le système se socialise, plus il se dégrade. Il en est ainsi dans nos social-démocraties avec la distribution des logements et des soins de santé. Libéralisez-les et ils deviendront aussi accessibles que vos céréales. Cessez d'avoir peur du capitalisme, car bien que le terme ne soit pas des plus heureux, il ne signifie rien d'autre que la liberté d'échanger. Cette liberté nous a permis de nous enrichir et son manque nous appauvrit. 
 
Les cadeaux du très honorable 
 
          À la veille du dernier Noël où il aura encore une certaine influence, le très honorable premier ministre du Canada veut démontrer combien il est généreux en vous offrant un système de santé amélioré. C'est sa façon à lui de vous souhaiter la santé et la prospérité. 
 
          Établir un Bien nouveau ou amélioré chaque année depuis près d'un siècle ne rend pas le geste légitime pour autant. Quelle est la source de ces cadeaux? Voilà la question que l'on doit se poser. Pourquoi devrait-on se réjouir de cadeaux payés par l'argent qu'on nous soutire? À force de se faire voler, arrivera un jour où on ne pourra plus financer le système de santé. Trop longtemps de cette médecine et ce n'est pas seulement le système que vous perdrez, mais la santé également. 
 
          Puis-je vous rappeler comment sont payés les politiciens et fonctionnaires qui vous préparent ces cadeaux? Ils sont payés entièrement de l'argent qu'ils vous soutirent. Ce sont des taxes sur deux pattes. Plus il y en a, plus vous avez de chance de vous appauvrir. De plus, étant donné qu'ils s'engagent eux-mêmes pour les administrer, vous n'avez pas fini de payer. Dans l'ex-URSS pratiquement tout le monde était employé de l'État. On connaît le résultat! 
 
          Il est temps que vous vous interrogiez à savoir si les politiciens et fonctionnaires vous rendent service ou, au contraire, ce n'est pas plutôt vous qui leur rendez service. À l'exception du bénévolat, un service est rendu contre rémunération volontairement. Toutefois, au gouvernement, on vous prend d'abord votre argent pour vous rendre service ensuite. Dès lors, les services gouvernementaux ont plus en commun avec le racket qu'avec la serviabilité. Ce qui amène Christian Michel à dire: « Ce n'est pas combien vous gagnez, mais comment vous le gagnez qui qualifie l'exploitation. Faites-vous votre argent par des moyens politiques ou économiques? Est-il gagné ou extorqué? »(1) 
 
          À ceux qui veulent maintenir le système public de santé, je réponds que ce n'est pas le système qui est important mais la santé. Si vous voulez la conserver, il vous faudra cesser d'injecter votre épargne dans ce système, car c'est un gouffre. Et vous aurez beau continuer à forcer les autres, par l'entremise de la social-démocratie, à y mettre la leur, cela n'y changera rien. 
 
          Le seul système juste est celui qui est libre des contraintes gouvernementales. L'État comme l'Église n'ont aucune légitimité à vous imposer le Bien. Vous l'avez compris avec l'Église, il vous reste à appliquer la même compréhension à l'État. C'est-à-dire le privatiser. Si vous en êtes incapable, c'est que vous considérez que votre morale est supérieure et qu'elle doit être imposée à tous. Cette pseudo morale qu'est la social-démocratie est notre réalité, mais elle est le résultat de la dictature de quelques-uns. C'est très désagréable et je ne peux que me réjouir du départ de l'un d'entre eux. Toutefois, il me serait encore plus agréable que celui-ci ne soit jamais remplacé, car de leurs cadeaux je m'en passerais. 
 
          Un vrai libéral n'a que faire de l'État, du politique et de la démocratie. La liberté lui suffit. Le Droit lui rend justice et l'Éthique l'épanouit. Homme de paix, tout ce qu'il exige est la non-agression de sa propriété.  
  
 
1. Il s'agit d'une traduction libre d'un extrait de The Class Struggle is not Over: Why Libertarians should read Marx and Engels. Cet article est disponible sur le site de la Libertarian Alliance>>
 
 
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