Montréal, 1er février 2003  /  No 118  
 
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Marc Grunert enseigne les sciences physiques dans un lycée de Strasbourg et anime le Cercle Hayek, consacré à la réflexion et à la diffusion du libéralisme. Il est également éditeur adjoint du QL pour la section européenne.
 
CHRONIQUE DE RÉSISTANCE
 
LULA À DAVOS
 
par Marc Grunert
  
 
          « Sociologue et collaborateur du Monde diplomatique, Emir Sader s'est ainsi récemment fait, dans une lettre ouverte, le porte-parole de leur désarroi. "Lula ne doit pas aller à ce banquet des responsables de la misère du monde; il ne doit pas apporter son prestige à cette fête de banquiers responsables de politiques qui engendrent la faim en Afrique et en Asie, en Amérique latine et ici même au Brésil. Lula, clame-t-il, ne peut se trouver de l'autre côté de la barricade." »(1)
 
Leçon de politique appliquée 
  
          Ignacio Lula da Silva écoutera-t-il la vulgate marxiste du Monde diplomatique ou bien apparaîtra-t-il sous les traits d’un homme d’État socialiste, goûtant au faste et aux honneurs qu’ouvre l’admission à la confrérie des hommes de l’État? Les hommes de l’État forment une classe caractérisée par un intérêt commun: le pouvoir et l’exploitation des autres. Bien entendu, des conflits d’intérêt peuvent surgir lorsqu’il s’agit de se redistribuer le gâteau, mais, allez!, les hommes de l’État qui, de Davos à Porto Alegre, gèrent notre vie depuis notre appartement jusqu’à la planète entière, ces hommes sauront toujours marchander entre eux de quoi vivre richement en exploitant leurs citoyens. 
  
          Eh bien la loi de la classe politique s’est appliquée, vérifiant ainsi mes propos. Lula est allé à Davos. Il est allé tenir sa place auprès des prédateurs et, prédateur lui-même, a réclamé des subventions et des droits spéciaux. « À ce sujet, reprenant la croisade contre la misère qu'il a lancée dans son pays sous l'appellation de "faim zéro", Lula a suggéré à Davos la création d'un Fonds international contre la faim et la pauvreté qui serait alimenté par les pays riches du G8 et par des investisseurs internationaux. »(2) Un Fonds international est un des rouages que les marxistes utilisent pour réaliser et propager l’idée du socialisme planétaire. 
  
Un autre club de rencontres d’été 
  
          Pendant ce temps, en autre lieu, une autre fête « sociale » battait son plein. Le Forum pseudo-social de Porto Alegre est le lieu où flirtent les marxistes de l’anti-mondialisation et les politiciens à l’esprit toujours ouvert (la conservation du pouvoir est une occupation à plein temps). De gauche, de droite, ils accourent pour participer à la fête médiatique.  
  
     « Lula est allé à Davos. Il est allé tenir sa place auprès des prédateurs et, prédateur lui-même, a réclamé des subventions et des droits spéciaux. »
 
          Ce flirt contre-nature entre des militants gauchistes et ceux qui les combattent a pour but inconscient de trouver des moyens de s’associer pour dévaliser les nations. Car finalement, ces deux faux-ennemis sont déjà d’accord sur la taxe Tobin (voir l'analyse de Jacques Garello sur les nouveaux droits de l'homme). Et nombre de politiciens français n’attendent que l’occasion de l’instaurer pour que la France rayonnent les feux de la justice universelle (traduire: pour étendre notre pouvoir de gérer la vie des gens). 
  
Un kantien au royaume des partageux 
  
          Le gouvernement français devait bien entendu envoyer un émissaire de marque. Stratégiquement, qui choisir de mieux que Luc Ferry(3), ministre de l’Éducation nationale mais d’abord philosophe kantien renommé, hostile au gauchisme, qui a décortiqué et critiqué La pensée 68 (livre du même nom), qui a écrit des pages admirables pour nous montrer les dangers de l’écologie profonde? (Le nouvel ordre écologique, Grasset, Paris, 1992) 
  
          Luc Ferry reviendra à Paris en disant à son patron: l’individu est une fin en soi, le prochain ne doit pas être utilisé comme moyen, donc trouvons une maxime qui puisse être érigée en principe universel et qui rende à tous les hommes leur dignité. 
  
          La taxe Tobin peut-elle faire l’objet d’une telle maxime? Luc Ferry suivra-t-il Chirac qui vise à devenir le pape de la solidarité universelle forcée ou bien découvrira-t-il que toute maxime qui contredit celle-ci, « chacun à le droit de faire ce qu’il veut avec sa propriété et rien qu’avec sa propriété », ne peut pas être érigée en principe universel? 
  
  
1. Jean-Jacques Sévilla, « Le président brésilien veut faire entendre sa voix à Davos », Le Monde, 26 janvier 2003. >>
2. Serge Marti, « À Davos, le président brésilien préconise "des solutions pacifiques sous l'égide de l'ONU" », Le Monde, 28 janvier 2003. >>
3. Jean-Baptiste de Montvalon, « Luc Ferry, envoyé spécial de Jacques Chirac en terrain miné », Le Monde, 24 janvier 2003. >>
 
 
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