Montréal, 1er mars 2003  /  No 120  
 
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François-René Rideau est informaticien et vit à Paris. Il anime le site Bastiat.org, consacré à l'oeuvre de l'économiste libéral Frédéric Bastiat, ainsi que Le Libéralisme, le vrai.
 
OPINION
 
LE « PROBLÈME DE LA DETTE »:
UNE SOLUTION LIBÉRALE
 
par François-René Rideau
  
 
          Les collectivistes aiment à brandir comme étendard un soi-disant « problème de la dette » qui démontrerait comment « les pays pauvres » sont victimes de l'« exploitation » des « pays riches » et surtout de leurs méchants capitalistes. Ils appellent les pays riches à « annuler la dette » des pays pauvres – c'est-à-dire qu'ils veulent forcer les contribuables des pays encore relativement libres à financer les dépenses des dictateurs des pays les plus totalitaires.
 
          Pour un libéral, il n'y a pas a priori d'entité morale appelée « pays » capable de prêter ou d'emprunter. Seuls des individus peuvent accorder crédit ou s'endetter. Certes, des individus peuvent s'organiser, les uns en une banque, les autres en une entreprise, et se répartir volontairement les décisions, les charges, les risques et les bénéfices, lors d'opérations de crédit, ou toutes autres sortes d'opérations. Mais la légitimité de telles organisations tient précisément au caractère volontaire du contrat qui les noue; ce volontariat assure que la liberté-responsabilité des participants est conservée et répartie entre eux, et non pas dissociée pour être tantôt confisquée par les uns et tantôt rejetée sur les autres.  
  
          Or, dans un État, il n'y a rien de volontaire – et ce d'autant moins lorsque les États des dits « pays pauvres » n'ont même pas le prétexte d'être démocratiques. Même quand ils le sont, un libéral soutiendra que les citoyens n'avaient pas le choix de ne pas en faire partie – seule la reconnaissance du droit pour chacun de faire sécession individuellement et unilatéralement peut redonner une quelconque légitimité aux entités appelées « États ». On peut en conclure que les dettes contractées par les États, et qui servent principalement à enrichir les gouvernants et leurs amis, ne peuvent aucunement engager les citoyens opprimés par ces États, – pas plus que la dette d'un esclavagiste ne peut retomber sur ses anciens esclaves une fois affranchis.  
  
          Dès lors, la solution est simple: les dettes n'engagent que les décisionnaires qui les contractent, ainsi que leurs complices directs. Présidents, ministres, hommes politiques, hauts fonctionnaires, chefs militaires, activistes des principaux lobbies et syndicats, et autres hommes de l'État – chacun d'entre eux est responsable à hauteur de son rôle dans la décision d'emprunter. Face à un éventuel refus de payer de la part des citoyens ou d'un gouvernement suivant, les prêteurs (banques, autres États) peuvent légitimement se retourner contre ceux qui se sont personnellement engagés à la légère (les hommes de l'État précédemment cités), mais pas contre ces tiers innocents que sont les citoyens opprimés, victimes des emprunteurs. 
  
     « Les dettes n'engagent que les décisionnaires qui les contractent, ainsi que leurs complices directs. Présidents, ministres, hommes politiques, hauts fonctionnaires, chefs militaires, activistes des principaux lobbies et syndicats – chacun d'entre eux est responsable à hauteur de son rôle dans la décision d'emprunter. »
 
          Par suite, les prêteurs pourront recouvrer auprès des hommes d'État corrompus toutes les sommes détournées, moins bien sûr celles que ces spoliateurs auront dilapidées. Quant au reste non recouvrable, ces prêteurs en resteront pour leurs frais; cela leur apprendra à prêter à des irresponsables! Ainsi, une fois que le risque financier des prêts gouvernementaux retombera sur les contractants plutôt que sur les tiers innocents (les contribuables des États prêteurs et emprunteurs), on verra se tarir les sources de financement pour de telles opérations. 
  
          Plus personne ne voudra prêter aux États, et, par manque de moyens, les systèmes d'exploitation politique cesseront les uns après les autres, de par le monde. Il y aura certes des faillites – celles de tous ceux vivant directement ou indirectement de l'exploitation politique de l'homme par l'homme –, mais ces faillites, loin de correspondre à un appauvrissement global, correspondront au rétablissement de la justice, à la réappropriation par les citoyens spoliés de la liberté qui est la leur, à la restitution de biens qui sont à eux et que d'aucuns exploiteurs avaient usurpés. 
  
          La conclusion libérale est qu'il n'y a pas de « problème de la dette » – il y a un problème d'illégitimité des États. Il est clair qu'aucun dirigeant d'aucun État, ni aucun homme politique aspirant à le devenir, n'est prêt à reconnaître une telle conclusion, ni même à en discuter les fondements. La vision libérale est bien trop subversive! Les partisans de l'ordre étatiste mondial sont au contraire bien aises de s'en tenir aux arguments marxistes, de reprendre les termes qui suppose l'exploitation de pays par des capitalistes, délires qui servent à justifier toujours davantage d'institutions technocratiques internationales « régulatrices » financées à gros coups d'impôts. 
  
          Accuser des institutions archi-étatistes d'être « libérales » pour justifier davantage d'institutions étatistes, voilà l'imposture étatiste à l'oeuvre! C'est pourquoi sur ce sujet comme sur tant d'autres, nous faire entendre, arriver à faire reconnaître notre perspective comme celle qui mérite d'être discutée, ce serait déjà gagner la bataille. 
  
 
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