Montréal, 27 septembre 2003  /  No 129  
 
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André Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à Montréal
 
ÉTHIQUE LIBERTARIENNE
 
LA SUPRÉMATIE DU DOLLAR 
TIRE-T-ELLE À SA FIN? 
 
par André Dorais
  
  
          Le dollar américain a chuté par rapport aux principales monnaies des autres pays industrialisés au cours des dernières semaines, atteignant même son plus bas point en trois ans vis-à-vis du yen. Est-ce la fin des illusions pour une monnaie surévaluée?
 
          On sait que le dollar constitue la principale réserve mondiale, c'est-à-dire qu'il sert de référence aux autres monnaies, qui jouent un rôle moins important dans l'échange international. Si la confiance des investisseurs étrangers envers le dollar américain diminue, le statut de celui-ci pourrait être remis en question, ce qui, à son tour, conduirait à une dévaluation profonde et générale des actifs américains, voire des actifs mondiaux. C'est que la monnaie est à la base de l'économie et lorsque sa valeur est remise en question, ce sont tous les actifs qui sont affectés.  
  
          Les diverses monnaies du monde ne tirent plus leur valeur de l'or et de l'argent métallique, pour lesquels elles se substituaient autrefois, mais de la confiance exigée des individus par sanction gouvernementale. On ne parle plus aujourd'hui que de papier-monnaie ou monnaie fiduciaire, c'est-à-dire une monnaie qui n'a aucune valeur physique autre que le papier sur laquelle elle est imprimée, mais à laquelle l'État confère « cours légal » 
  
          Le problème, c'est que la confiance ne se transmet pas par voie légale. La valeur économique d'une monnaie ne provient pas de sa légalité, mais de son rattachement à un bien tangible et désiré par plusieurs. Parce qu'ils sont désirés pour leur valeur intrinsèque, leur transportabilité, leur durabilité et leur divisibilité en pièces homogènes, l'or et l'argent métallique ont traditionnellement servi de monnaie. 
  
De l'argent à la tonne 
  
          Parce que les Américains ont été de grands créateurs de richesses, ils en ont fait profiter les étrangers qui ont accumulé des sommes importantes de billets verts. Dans le même temps, cependant, le gouvernement américain, à l'instar des autres gouvernements du monde, imprimait de la monnaie à la tonne sans se soucier d'appuyer cette masse monétaire croissante sur une contrepartie métallique. Aussi longtemps que la demande pour le dollar reste forte à l'étranger, les Américains peuvent se permettre d'importer beaucoup plus de biens et services qu'ils n'en exportent (en « exportant » des dollars), et à des prix avantageux pour eux. Mais cette inflation a eu pour effet de créer toutes sortes de distorsions dans l'économie américaine, notamment les bulles financières.  
  
          Les dirigeants gouvernementaux de par le monde attribuent au dollar américain une plus grande valeur à cause de la domination des États-Unis sur les plans politique et économique. Pourtant, la valeur du dollar diminue de la même manière que la monnaie des autres pays, soit à mesure qu'il y a création de monnaie et de crédit sans contrepartie réelle. Et lorsque la puissance d'un pays tient davantage à la politique qu'à l'économie, ce n'est qu'une question de temps avant que celle-ci dépérisse. 
  
          Le gouvernement américain n'est pas plus coupable parce qu'il imprime et crée davantage de crédit que les autres gouvernements. Au contraire, je dirais que les dirigeants de ces pays sont stupides d'attribuer une plus grande valeur au dollar américain alors qu'il se déprécie comme leurs propres monnaies.  
  
     « La valeur du dollar diminue de la même manière que la monnaie des autres pays, soit à mesure qu'il y a création de monnaie et de crédit sans contrepartie réelle. »
 
          Les investisseurs étrangers, y compris des gouvernements, financent une portion importante de la dette américaine. Lorsqu'ils jugeront qu'il y a mieux à faire de leur argent que de l'investir aux États-Unis, cela sonnera le glas du dollar américain comme référence et réserve mondiales. La dette du gouvernement américain de près de 7 billions (sept mille milliards) de dollars et les programmes sociaux à court de financement pour un montant de 44 billions de dollar rendent cette conclusion inéluctable. 
  
          Suite à l'abandon de la réserve américaine il n'est pas du tout sûr que les gouvernements du monde choisissent l'or ou l'argent métallique pour la remplacer, mais ces derniers pourraient néanmoins profiter de la situation pour s'apprécier en valeur. Le mouvement à la hausse de ces métaux depuis peu de temps pourrait se prolonger sur des années si un tel scénario se concrétisait. 
  
Référence métallique 
  
          Si les politiciens avaient vraiment à coeur notre bien, ils adopteraient dans les plus brefs délais une référence métallique, préférablement l'or, car la dette publique accumulée dans la plupart des démocraties occidentales est, en général, proportionnelle à celle du gouvernement américain. La seule différence est que celle-ci est plus médiatisée. Plus les politiciens attendent pour ce faire, plus nous en paierons la note. Il est dans l'intérêt de tous d'adopter une monnaie qui maintient sa valeur.  
  
          Les politiciens et banquiers qui profitent du système actuel peuvent bien tenter de nous charmer et nous implorer de garder confiance en la monnaie actuelle, car celle-ci n'a effectivement de valeur que dans la mesure où nous lui accordons notre confiance. Malheureusement, il s'agit d'une confiance mal placée puisqu'elle est à l'origine des cycles économiques qui nous appauvrissent et qu'elle permet le financement des aventures militaires comme celle en Irak.  
  
          La fin de la suprématie du dollar américain aura probablement un effet domino sur une majorité des pays du monde. Cela ne se fera pas sans heurt et c'est pourquoi la mise en place d'un moyen d'échange honnête, qui s'exerce en parallèle à la monnaie actuelle, est souhaitable dès maintenant pour adoucir la transition.  
 
 
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