Montréal, 6 mars 2004  /  No 139  
 
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Jasmin Guénette est étudiant à la maîtrise à l'Université du Québec à Montréal.
 
OPINION
  
TRAVAIL AU NOIR: UNE RÉPONSE À L'APPÉTIT VORACE DU LÉGISLATEUR
 
par Jasmin Guénette
  
  
          Depuis quelques semaines, il est beaucoup question du travail au noir au Québec. Des sommes d’argent considérables sont dépensées annuellement par les autorités publiques pour contrer ce «fléau» sans pour autant qu’il se résorbe. La raison est que le travail au noir, ici comme ailleurs, est une réaction à l’appétit vorace des législateurs.
 
Qu’est-ce qui pousse les gens vers l’économie souterraine? 
  
          Les travailleurs, tout comme les entrepreneurs, sont surtaxés et surimposés. Inévitablement certains d’entre eux se tournent vers l’économie souterraine pour conserver une part plus importante du fruit de leur travail. De plus, les coûts de transaction, c’est-à-dire les efforts nécessaires préalables à la réalisation des échanges économiques, sont très élevés. Plutôt que de se plier à une multitude de règlements, les agents économiques vont décider «d’alléger volontairement les procédures» et ne pas déclarer toutes les transactions. 
  
          Des questions d’ordre politique sont également en cause. Les gouvernements provincial et fédéral gèrent mal leurs recettes. Par exemple, les nombreux dépassements de coût dans la construction d’édifice (la Caisse de dépôt et placement), dans la construction d’infrastructure (le métro de Laval) et dans la gestion des programmes gouvernementaux (le registre des armes à feu, le programme des commandites, etc.) minent considérablement la confiance des contribuables.  
  
          On peut affirmer sans trop se tromper que bien des gens sont prêts à payer de l’impôt pour financer certains services, tel que l’armée et les services de justice par exemple. Sauf qu’il y a des limites. Quand les gens voient que les bureaucrates et les politiciens agissent de manières irresponsables, ils sont enclins naturellement à vouloir conserver leur argent et le dépenser de la façon qu'eux jugent appropriée et responsable. 
  
La répression n’est pas le remède  
  
          Ce n’est pas la répression qui est la solution à long terme. À court terme, le gouvernement récupérera peut-être quelques sous ici et là, mais à long terme, c’est tout à fait inefficace, puisque toujours à recommencer.  
  
          Les mesures coercitives de toute nature, telles que les règles sur l’embauche et sur les salaires, diminuent les possibilités d’emplois, allongent les délais et compromettent même la réalisation des projets. En bout de ligne tout le monde perd et ce sont souvent les salariés moyens, ceux de la restauration et de la construction par exemple, qui subissent les contrecoups les plus importants de cette répression.  
  
     «Quand les gens voient que les bureaucrates et les politiciens agissent de manières irresponsables, ils sont enclins naturellement à vouloir conserver leur argent et le dépenser de la façon qu'eux jugent appropriée et responsable.»
 
          Si on admet que l’État doit assurer certains services, ce qui n’est pas nécessairement le cas, il faut toutefois se demander jusqu’où il doit étendre ses tentacules. L’État ne devrait-il pas se limiter à la protection de la liberté individuelle? Pour les travailleurs et les entrepreneurs qui s’activent au noir, il est clair cependant que les tentacules de l’État fouillent là où elles ne devraient pas.  
  
Les véritables solutions 
  
          Il faut trouver des solutions constructives pour remédier à cette situation et les seules valables à long terme sont de baisser les impôts et les taxes, d’assouplir de manière considérable les réglementations de nature économique et de créer un cadre légal où les politiciens ne pourront pas au gré de leurs fantaisies dépenser l’argent des contribuables à gauche et à droite. 
  
          Non seulement la réduction des impôts stimule-t-elle la croissance économique, puisque cela libère les forces productives, mais les gens auront alors plus d'incitations à travailler en toute légalité. On peut ainsi diminuer l’évasion fiscale et le recours à l’économie souterraine en plus d’augmenter les recettes de l’État.  
  
          Les pressions sont trop fortes actuellement sur les contribuables et ceux-ci ont l’impression d’être étouffés. Un impôt raisonnable peut suffire à l’État pour accomplir ses tâches essentielles, mais il faut avouer que se seuil est depuis longtemps dépassé. À titre d’exemple, les 15% des contribuables les plus riches au Québec contribuent pour plus de 70% des recettes totales de l'impôt sur le revenu. Pire, ceux qu’ont appellent les «riches» sont dans les faits des salariés de la classe moyenne qui ont déclarés des revenus annuels de 40 000 $ et plus. En pratique, comme le soulignait Jean-Luc Migué dans son article JOUR DE LIBÉRATION FISCALE (le QL, no 128), les gens qui ont un boulot de 9 à 5 doivent travailler jusqu’à une heure de l’après-midi pour s’acquitter des charges fiscales qui pèsent sur eux. Dans ce contexte, peut-on en vouloir aux gens qui veulent améliorer leur sort par le travail au noir? 
  
          L’État et ses représentants soutiennent que les impôts non payés en raison du travail au noir constituent un vol, que ce «manque à gagner» doit être transféré sur ceux qui s’acquittent en toute légalité des charges fiscales qui sont imposées.  
  
          En réalité, les échanges volontaires entre les individus ne sont certainement pas des crimes et le vol s’apparente bien plus avec la méthode étatique d’acquisition des ressources. En effet, les gens ne donnent pas volontairement au trésor public, ils se voient obligés de le faire. Dans ce cas, le travail au noir est, pour certains travailleurs et entrepreneurs, une réponse légitime à l’empiètement étatique. 
 
 
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