Montréal, 15 mai 2005 • No 154

 

OPINION

 

Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.

 
 

CONTROVERSE SUR LES
INDEMNITÉS DE DÉPART

 

par Michel de Poncins

 

          Le gouvernement français a fait part de son émotion devant les indemnités de départ de certains chefs d'entreprise. Bien entendu cela parait très élevé dans certains cas, mais il faut relativiser. La majorité immense des patrons ne dispose pas de telles sommes. C'est comme pour les sportifs: on ne peut juger de leurs gains moyens au vu de quelques cas d'exception qui pèsent évidemment sur le prix des billets.

 

          Mais, surtout, personne ne parle du fabuleux scandale des indemnités de départ des politiques en tous genres, seules indemnités qui devraient relever de la compétence de ces politiques, celles des autres devant appartenir exclusivement au domaine privé. Avec les premières, nous nous trouvons devant l'unique et vrai scandale.
 

Le droit à l'emploi à vie

          L'omerta officielle étant, et pour cause, totale, ce que l'on sait ne représente que des bribes. Les députés européens ont droit à six mois de salaire après leur départ. Les commissaires européens ont droit à trois ans, même quand ils partent sous les huées après avoir été accusés des pires forfaits, sans que l'on sache d'ailleurs encore maintenant si les accusations sont fondées.

          Personne ne connaît les vrais indemnités de départ des ministres, qui, dans l'esprit de la « République Fromagère », prennent de multiples formes plus ou moins apparentes. Quelques faits cependant sont publics.

          Ces anciens ministres sont reclassés très vite dans des fonctions fastueuses: le droit à l'emploi à vie est une grande richesse. Ainsi que les journaux le révèlent sans aucune gêne, ces fonctions, avec l'organisme ad hoc, sont parfois créées seulement pour la « juste compensation (!) » due à l'ancien. Un journal vient d'énoncer les formidables avantages de départ d'un président du Sénat et l'on connaît plus ou moins le statut mirifique des anciens premiers ministres; au nombre de ceux qui restent en circulation, l'effet de ruine est massif!

          Pour les retraites des dirigeants privés, la critique officielle a fusé sur les retraites dénommées « retraites chapeau » de certains patrons. Personne à cette occasion n'a évoqué les retraites scandaleuses des politiques. L'opacité sur ce sujet est également totale.
 

« Toutes ces pratiques illustrent un des principes de la République Fromagère qui s'énonce ainsi: les hommes de l'État échappent toujours aux calamités qu'ils imposent aux autres et plus ils approchent du centre du pouvoir, plus ils y échappent. »


          Les fonctionnaires sont déjà très favorisés par rapport aux privés: un euro de cotisation de fonctionnaire rapporte quatre fois plus que dans le privé et, encore, ce ne sont pas de vrais cotisations payées par l'intéressé mais une simple ligne ajoutée à la feuille de paie. Pour un député, c'est bien plus magnifique: la prétendue cotisation rapporte sept fois plus. L'on sait aussi, à la lumière d'exemples célèbres, que l'on peut très bien cumuler des retraites pour des fonctions que l'on n'a jamais remplies!

          Toutes ces pratiques illustrent un des principes de la République Fromagère qui s'énonce ainsi: les hommes de l'État échappent toujours aux calamités qu'ils imposent aux autres et plus ils approchent du centre du pouvoir, plus ils y échappent.
 

Deux différences

          Très probablement et, tous comptes faits, le total des indemnités de départ et des retraites de certains politiques est tout à fait comparable au total qu'ils dénoncent injustement chez les autres. Mais il y a deux différences majeures.

          Chez les dirigeants privés, les chiffres sont plus ou moins connus et de plus en plus, car inscrits dans des comptabilités exactes sauf exception. Chez les politiques, personne ne sait et ne cherche à savoir, dans le désordre permanent de la comptabilité publique. Les plus hauts « fromagers » n'ont aucun intérêt à ce que l'on sache, ni aucune envie de savoir: malgré la destruction de la morale au sommet de l'État depuis des décennies, il reste certainement un lambeau de conscience quelque part qu'il serait imprudent de réveiller.

          En outre, pour faire le total des avantages, il faudrait des calculs et raisonnements formidablement compliqués. Que vaut la jouissance d'un appartement de luxe pendant un nombre d'années incertain? J'ai créé le terme « d'enrichissement furtif » pour décrire ce phénomène incroyable; le « fromager » peut dire à bon droit qu'il ignore le chiffre de son enrichissement. Mais, au moins, dans les avions furtifs, le pilote voit l'avion et ne refuse pas de le voir!

          Il est une autre différence importante. Les privés rendent service dans le cadre du marché libre. Les indemnités et retraites privées sont contractuelles et c'est aux actionnaires à surveiller et nous constatons que les actionnaires se réveillent de plus en plus. Tant mieux! Les avantages des politiques reposent quant à eux sur la force publique et l'impuissance des citoyens-victimes est totale. Impôts et réglementations nécessaires répandent l'effet de ruine comme une tornade dans tout le corps social. C'est une des causes, parmi d'autres, du chômage qui tire tant de larmes à ces « fromagers » responsables, quand sortent comme aujourd'hui des statistiques meurtrières.
 

 

SOMMAIRE NO 154QU'EST-CE QUE LE LIBERTARIANISME?ARCHIVESRECHERCHEAUTRES ARTICLES DE M. de PONCINS

ABONNEZ-VOUS AU QLQUI SOMMES-NOUS? LE BLOGUE DU QL POLITIQUE DE REPRODUCTIONÉCRIVEZ-NOUS