Montréal, 9 avril 2006 • No 174

 

COURRIER DES LECTEURS / READERS' CORNER

 

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CONTRE LE C–P–E:
COMMUNISME – POPULISME – ÉTATISME

 

          La loi sur le CPE justifie-t-elle le déchaînement de toutes les passions, de la part d'une jeunesse en mal de destin révolutionnaire? En réalité, ce qui se cache derrière le rejet du CPE, c'est surtout une incroyable mécompréhension de principes économiques de base.

          Les jeunes accusent la « flexibilité » du marché du travail, qu'ils résument à la facilité toujours plus grande pour les patrons de licencier leurs employés. Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que s'il est plus facile de licencier, il devient aussi plus facile d'embaucher.

          Il faut des lois qui protègent les employés, pas la peine de revenir là-dessus. Mais il y a une différence entre protection et surprotection. On pense toujours que c'est l'employé qui doit être protégé, pas ce « salaud de patron! » qui a de toute façon le fric avec lui. Seulement, en empêchant l'employeur d'envisager quelque moyen que ce soit face à un employé tire-au-flanc, on lui fait redouter le risque d'une nouvelle embauche. À trop vouloir protéger l'employé, à vouloir tout lui servir sur un plateau sans le moindre effort et sans la moindre prise de risque, on en arrive à une situation qui se retourne contre lui, et dont découle pratiquement tous les autres problèmes de notre société: le chômage.

 

          Par ailleurs, il faut aussi se dire que quand les employeurs licencient, c'est autant de postes qui se libèrent. Ce qu'on perd d'un côté, on le gagne de l'autre. En France, le problème c'est que quand les jeunes condamnent l'« instabilité », ils confondent « stabilité de l'emploi » et « fonctionnariat à vie ». Alors qu'en Angleterre, par exemple, il est courant de ne rester que deux ans dans la même entreprise. Il n'y a même pas besoin de « période d'essai », c'est l'employé qui quitte son patron avant même que celui-ci ait pensé à le licencier. Là-bas on parle de « mobilité » et de « liberté », quand ici on parle d'« instabilité » et de « précarité »… Au nom de la « stabilité », les jeunes Français voudrait une société figée, alors que dans les autres pays tout le monde a bien compris qu'une société dynamique profite bien plus à tous.

          Cela dit, le CPE introduit-il bien de la liberté et de la flexibilité dans le monde du travail, et plus spécifiquement dans la relation employeur-employé? Certes, le CPE est un contrat de plus, soit un peu plus de choix donc un peu plus de liberté; mais il n'en est pas moins une mesure dérisoire face à la nécessité d'une totale liberté de contrat entre l'employeur et l'employé. Le CPE est inutile et inefficace, inutile car inefficace. Par ailleurs il ne pourra jamais atteindre complètement son but (résoudre le problème du chômage des jeunes), dans le sens où le chômage des jeunes résulte d'un chômage plus général étendu à la société entière: une mesure catégorielle, ne concernant que les moins de 26 ans – et par là discriminante – ne peut donc être une solution satisfaisante. On s'attaque aux effets, et non aux causes.

          Ne soyons pas dupes, même du côté des défenseurs du gouvernement: le CPE n'est qu'un artifice politique, dont Villepin a voulu se servir en prévision des prochaines élections. Ça s'est retourné contre lui et c'est bien fait. Notons par ailleurs comment le fait de se focaliser sur cette petite mesure et les réactions qu'elle provoque permet d'esquiver les vrais débats sur les changements de fond nécessaires…

          Bref, même pour quelqu'un qui refuse les dérives collectivistes et les appels à la révolution communiste des syndicats qui défilent aujourd'hui dans la rue, accepter de but en blanc le CPE n'est pas forcément la solution. Je dirais même qu'il n'y a pas nécessairement de contradiction, pour le libéral que je suis par exemple, dans le fait de se joindre aux mouvances syndicales, si c'est pour s'attaquer à la droite gouvernementale. Il n'est pas incohérent pour un libéral de se prononcer en défaveur du CPE. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut se plaquer un autocollant CGT ou LCR sur le front et se fondre dans les cortèges des syndicats d'extrême gauche en levant le poing à l'écoute de « La lutte finale » qui tourne en boucle dans ce genre de manif…

          En fait, le vrai problème, ce n'est pas le rejet du CPE en tant que tel mais les amalgames qui sont faits tout autour. Il n'y a qu'à voir sur les pancartes des manifestants le détournement des initiales CPE: « Contre le C-P-E: Capitalisme – Précarité – Exploitation »… Le CPE est-il vraiment la dernière expression du « capitalisme le plus sauvage »? Et si l'on s'attaque au capitalisme, c'est donc pour prôner le communisme? Je crois que c'est sur ce point qu'il faut réagir, plus que sur les remous provoqués par une lutte politique qui est tout ce qu'il y a de plus classique entre syndicats de gauche et gouvernement de droite. D'ailleurs, autant surfer sur ces remous pour porter une voix différente, par exemple en détournant à son tour les initiales du CPE: « Contre le C-P-E: Communisme – Populisme – Étatisme = Pour le contrat libre! » Voyez à ce sujet la photo de la manif de mardi le 4 avril à Grenoble, où une pancarte plutôt atypique a fait son effet en interpellant pas mal de monde.

Valentin B.
Grenoble

 

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