Montréal, 9 avril 2006 • No 174

 

OPINION

 

Valérie Jean étudie au Collège Gérald-Godin à Sainte-Geneviève.

 
 

UNE DIFFICILE SEMAINE
DES SCIENCES HUMAINES!

 

par Valérie Jean

 

          Voici la fabuleuse saga portant sur la Semaine des sciences humaines qui a eu lieu du 27 au 31 mars au Collège Gérald-Godin. Pour tout vous avouer, c’était la première fois que j’y participais. Et avec une ardente et étonnante passion, j’ai assisté à toutes les conférences, j’ai questionné les intervenants, j’ai essayé de ne pas déraper et, parfois, de toffer jusqu’à la fin des présentations. Et ce fut difficile.

 

Citoyenneté, identité et pluriethnicité

          Dès le début de la semaine, des plaintes de la part de la communauté étudiante se sont mises à éclater de toute part. En effet, il ne suffisait que de jeter un coup d’oeil à la programmation officielle pour réaliser que les diverses conférences proposées convergeaient toutes dans le même sens. Le thème central de la semaine était « Citoyenneté, identité et pluriethnicité ». Dix-neuf conférences nous ont été présentées dont certaines mettant en scène des individus de renom… Voici donc les points chauds (sic!) de ces cinq journées… pénibles.

          La conférence d’ouverture nous était imposée, car elle marquait le lancement de la semaine, d’une nouvelle ère, d’un mouvement aux allures mondiales… Elle portait sur la crise de la citoyenneté qui frappe les 18-24 ans et était animée par nul autre que M. Michel Venne, directeur de l’Institut du Nouveau Monde (INM). Brièvement, pour ceux qui ne sont pas familiers avec l’INM, il s’agit d’un organisme qui rassemble des jeunes une fois l’an dans le cadre d’une université d’été et qui met en branle des propositions et des projets portant sur la démocratie, le gouvernement, la citoyenneté et autres sujets.

          Évidemment, M. Venne était là pour vendre sa salade, nous faire la morale et nous dire que la social-démocratie est la solution à tous les maux. À maintes reprises, il a déclaré que l’individu, à lui seul, ne pouvait accomplir de grandes réalisations dans la société et qu’il fallait nécessairement se rassembler, communiquer, rêver, pelleter des nuages et faire appel à l’aide gouvernementale pour que nos efforts ne soient pas vains. Il a donné en exemple un jeune homme qui recycle lui-même ses déchets et qui apporte une contribution personnelle parce qu’il croit aux bienfaits du recyclage, mais qui fait tout cela inutilement. En effet, il devrait être chapeauté par la communauté et par les groupes sociaux pour que ses actions aient une valeur. En dehors de la collectivité, point de salut.

          À la fin de ladite conférence, j’ai demandé le micro et questionné M. Venne. J’ai fait l’erreur de débuter ma question par une présentation personnelle et par les mots « Je ne suis pas d’accord avec vous… ». La réponse fut immédiate: il fallait me huer et me peinturer dans un coin. Ma question était légitime: « Monsieur Venne, ne croyez-vous pas que, par les moyens que vous proposez, cela en vient à infantiliser l’individu que de lui dire qu’il n’a pas de pouvoir, qu’il ne peut agir par lui-même et qu’il doive être supervisé par un syndicat, un groupe de pression ou un gouvernement? Ne faudrait-il pas plutôt laisser l’individu libre d’innover, de mettre sa créativité à profit et de démarrer des projets qui lui ressemblent et qui lui tiennent à coeur? » C’était trop tard, j’avais trop parlé.
 

« Pendant qu’on essayait de m’enlever le micro, je tenais mon bout et je répondais à ses objections. Le tout se termina par des applaudissements, mais sans savoir à qui ils étaient adressés. »


          Il me répondit avec une arrogance qui en surpris plus d’un (plusieurs enseignants m’en ont reparlé ainsi que des organisateurs et des étudiants). Je l’avais vraiment froissé. Il parla pendant plus de dix minutes, mais sans répondre à ma question. Il alla même jusqu’à dire qu’il était normal que je pense ainsi puisque j’avais beaucoup moins d’expérience que lui dans le milieu. Je n’avais pas été complaisante avec lui et sa pseudo prestance, et il n’a pas aimé se faire critiquer. Pendant qu’on essayait de m’enlever le micro, je tenais mon bout et je répondais à ses objections. Le tout se termina par des applaudissements, mais sans savoir à qui ils étaient adressés.

Kafka, Le Parti vert, Julius Grey

          Ensuite, il y eut une lecture adaptée d'une pièce de Kafka. Cela mettait en scène quatre femmes et portait sur les Certificats de sécurité émis par le SCRS (le Service canadien du renseignement de sécurité). Rien de palpitant, plutôt endormant, très biaisé. On le voit d’ailleurs dans les quotidiens depuis deux ou trois jours: tous les artistes embarquent dans la cause et cela occasionne quelques remous. Il faudrait d’ailleurs que je me penche un peu plus sur la question, même si j’ai déjà une petite idée…

          Le reste a été plutôt moche… Le Parti vert et l’UQAM étaient à l’honneur à chaque instant. On démolissait le Cirque du Soleil qui fait de l’argent et les méchants qui veulent se mêler au projet du Mont Orford et on était en faveur de la création de dizaines de milliers de logements sociaux dans la métropole. C’était difficile, très difficile de tenir en place. Et j’en avais plus qu’assez des citoyenNes, CanadienNes, FEMMES et hommes, professeurEs…

          La journée du mercredi sauva la semaine. Me Julius Grey vint parler des libertés individuelles, des droits de la personne, de l’engagement personnel et des responsabilités de chacun… au grand désarroi des organisateurs. En effet, sa présentation devait porter sur la citoyenneté et l’engagement public dans la vie des gens. Il surprit tout le monde en imposant sa ligne de conduite!

          Qu’on aime ou pas, Me Grey a remis à leur place tous ceux qui sont passés juste avant lui. Pourquoi interdire le port du kirpan? Pourquoi interdire le port d’armes alors que le premier droit de l’individu est de se protéger (celui qui garantit tous les autres, d’ailleurs)? Pourquoi fermer des stations de radio? Pourquoi bloquer à tout prix l’immigration? Pourquoi toute cette bureaucratie et toutes ces lois qui permettraient de condamner n’importe quel individu tant il est possible d’être fautif sans le savoir? Bref, tout le monde était estomaqué.

          Alors qu’on nous avait baragouiné de tout et de rien sur la citoyenneté et l’importance de la collectivité, qu’on avait mesuré chaque virgule et féminisé chaque mot, on venait nous dire que l’individu est libre, responsable de ses actes et capable d’en assumer les conséquences. J’aurais bien aimé assister à une confrontation entre lui et Michel Venne!

          Finalement, j’ai survécu. Ça peut sembler idiot, mais c’est le genre de chose qui marque. Et au fait, j’ai réussi à savoir pourquoi tout tournait autour des mêmes thèmes: les professeurs du département d’administration n’ont pas été consultés dans le choix des conférenciers…
 

 

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