Montréal, 16 avril 2006 • No 175

 

OPINION

 

Mathieu Bréard habite à Montréal.

 
 

CUBA: LES DÉLIRES DU PROF LAUZON

 

par Mathieu Bréard

 

          Lors de son passage en décembre dernier à l’émission Tout le monde en parle sur les ondes de Radio-Canada, Léo-Paul Lauzon, professeur de comptabilité à l’UQAM, y est allé de son plaidoyer habituel en faveur de Cuba. Nous sommes victimes, a-t-il dit, de désinformation sur les réalités de cette île qui en fait est un Eldorado bien dissimulé derrière les palmiers. Un paradis dont le Québec aurait tout intérêt à s’inspirer. Quiconque ose coller l’étiquette de dictateur à Fidel Castro fait preuve d’ignorance. Si l’homme aux cigares vêtu de son uniforme militaire est au pouvoir depuis plus de 40 ans, c’est simplement parce qu’il est apprécié de son peuple qui lui voue une profonde fidélité…

 

          Le professeur Lauzon demeure fidèle à lui-même, toujours aussi habile à manipuler ce genre de chimères. D’autant plus qu’il existe depuis quelques années un auditoire pour entendre ce discours. Une sorte de mouvement de réhabilitation que l’on peut associer sans difficulté à de l’infantilisme sociétal. Même le chef du NPD Jack Layton lors de la dernière campagne fédérale a fermé les yeux devant les écarts de conduite de son coloré candidat, qui véhicule des idées à faire rougir les idéologues néo-démocrates. Comment peut-on se faire le porte-parole de la démocratie et des libertés individuelles lorsqu’on cautionne les politiques du régime en place à Cuba?

Dites-moi de quelle île parlons-nous?

          C’est bien connu, Léo-Paul Lauzon prend un malin plaisir à nous inonder de chiffres et de graphiques pour fustiger la libre entreprise et promouvoir la monopolisation de l’État sur nos vies. Nous devrions peut-être lui rappeler que s’il a la chance de diffuser aussi largement ses idées, c’est parce que nous vivons dans une société où la liberté d’expression est un droit reconnu. Quelle serait la place accordée sur l’île de Cuba au méchant libertarien que je suis et aux autres collaborateurs du Québécois Libre qui osent dénoncer la coercition exercée par l’État? La réponse est simple, nous serions probablement envoyés en prison ou dans un camp de réforme.

          Non, la liberté d’expression n’existe pas à Cuba. Parler sur la place publique où écrire est un privilège que l’on accorde uniquement à de bons soldats, ceux qui défendent les principes de la révolution et l’idéologie de José Marti. L’État exerce un contrôle absolu sur tout ce qui concerne la production et la diffusion de l’information. Il n’existe aucune diversité dans les médias. Ne pensez surtout pas débarquer dans l’île pour y fonder un journal indépendant de type libéral classique, car vous pourriez vous retrouver comme des milliers de journalistes les menottes aux mains. La répression et la violence sont les armes du régime pour faire taire les dissidents et les libres penseurs.
 

« Nous devrions peut-être lui rappeler que s'il a la chance de diffuser aussi largement ses idées, c'est parce que nous vivons dans une société où la liberté d'expression est un droit reconnu. »


          Le 25 décembre 2001, cinq journalistes ont été battus par la police pendant l’inauguration d’une bibliothèque privée dans la province centrale de Camaguey. Les livres que l’on retrouvait sur les étagères n’étaient pas conformes à ceux autorisés par le gouvernement. Le 4 mars 2002, Jesús Álvarez Castillo, correspondant de CubaPress, fut admis à l’hôpital inconscient, un os du coup craqué. Son crime? Avoir participé à un événement organisé par une fondation de défense des droits de l’homme non reconnue par l’État. Le 20 février 2006, les autorités ont adopté un projet de loi pour interdire la vente de journaux étrangers tels Mecanica Popular, Muy Interesante et El Pais, tous considérés comme potentiellement dangereux, capables d’aliéner l’opinion publique et surtout la jeunesse cubaine. Tout ce qui est moralement acceptable est la propagande en continu de La Novela, le bulletin de nouvelles national. Le régime se sert de sa propagande contre l’embargo américain pour nourrir le nationalisme de la population et entretenir la méfiance envers les interventions extérieures.

Le cyberespace sous l’oeil de Castro

          L’apparition de l’Internet fut très vite perçue comme une menace potentielle à ce contrôle exercé depuis des décennies par Fidel Castro. Ces nouvelles technologies de l’information offrent à des individus disposant de peu de moyen la possibilité de se faire entendre et d’accéder à une panoplie de nouvelles idées, en provenance des quatre coins de la planète. Jamais dans toute l’histoire de l’humanité avons-nous assisté à une telle démocratisation de l’information. De quoi déranger et faire peur à ceux qui tirent les ficelles du pouvoir à la Havane.

          À peine les modems et autres fournitures informatiques venaient-ils de faire leur apparition dans l’île qu’ils furent sévèrement réglementés et réservés à une élite. Pour accéder à Internet, il faut avoir une bonne raison qui doit être entérinée par le ministère des Affaires intérieures, qui inscrira votre nom dans un registre. L’utilisation de la messagerie électronique est soumise à des mesures strictes où l’on vérifie le contenu de tout message envoyé ainsi que l’identité de son destinataire. Sur le Web, seul des sites autorisés par le gouvernement peuvent être visités. Il s’agit d’un Intranet du nom de Tu Isla (ton île) qui comprend notamment les portails de la télévision et des radios d’État qui diffusent leurs programmations en ligne. Tout accès à des sites extérieurs est prohibé sous peine d’emprisonnement. En agissant de la sorte, la police peut mieux contrecarrer les plans de tous dissidents au régime.

Apprenez gratuitement la seule idéologie autorisée par l’État

          Si vous me posez la question, chaque parent devrait être libre de choisir le genre d’éducation qu’il souhaite donner à son enfant en fonction de ses valeurs et de ses aspirations. Aucune forme de pédagogie ne devrait être imposée, car nous sommes tous différents. Les tenants de la révolution cubaine ont le culot de nous dire que l’éducation dans l’île est un droit pour tous et que si Castro était un vrai dictateur, jamais il ne permettrait à sa population de s’instruire. Est-il nécessaire de rappeler que Hitler faisait de l’éducation du peuple allemand une grande propriété? Que ce soit par l’apprentissage de l’histoire, de la littérature, de l’économie ou des sciences, l’objectif était de construire une culture de loyauté envers le führer et de fidéliser le peuple à son message.

          À Cuba, le prix à payer pour recevoir une éducation gratuite est de se faire patriote et reconnaître les principes socialistes défendus par l’État. Pour accéder à l’université, il faut obtenir une lettre de référence du Comité de défense de la révolution qui se porte garant des connaissances morales et politiques de tout futur candidat. Aucune raison ou aspiration personnelle ne peut être invoquée pour la poursuite d’étude supérieure. En d’autres mots, le choix pour les individus n’existe pas, car le seul salut possible est celui dicté par l’État.

          Quoi de plus agréable pour un fervent communiste que de pouvoir dicter les versets de sa bible, sans rencontrer la moindre opposition? Quel rôle jouerait le professeur Lauzon si nous adoptions un tel modèle au Québec? Il faut s’interroger sur les motivations réelles de cet homme qui cherche encore à nous faire croire qu’il défend la dignité et les valeurs humanistes.
 

 

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