Montréal, 27 août 2006 • No 190

 

CHRONIQUE DE RÉSISTANCE

 

Marc Grunert enseigne les sciences physiques dans un lycée de Strasbourg et anime le Cercle Hayek de Strasbourg, consacré à la réflexion et à la diffusion du libéralisme. Il est également éditeur adjoint du QL pour la section européenne.

 
 

LES « DROITS DE SUCCESSION »
 SONT UN VOL QUALIFIÉ

 

par Marc Grunert

 

          Le prétendu débat sur les « droits de succession » annoncé par Le Figaro en date du 21 août ne laisse rien augurer de bon. D’ailleurs ce « débat », lancé par le président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, consiste principalement à savoir s’il faut voler un peu moins les Français ou reporter la réforme des « droits de succession » aux calendes grecques.

 

          La campagne présidentielle étant lancée, le gouvernement ne fera plus rien d’« impopulaire » si on entend par là le fait de se mettre à dos les bien-pensants de la « justice sociale ». Étant donné que le simple fait de voler un peu moins les « plus riches » est ressenti comme une injustice dans la mesure même où elle ne profiterait pas directement aux « plus pauvres », la réforme des « droits de succession » n’est pas une réforme utile, électoralement parlant évidemment.
 

L’iniquité des « droits de succession »

          Si l’impôt est, par nature, une violation des droits individuels, il peut être accepté assez facilement lorsqu’on peut se convaincre qu’il finance un service que tout le monde veut et dont on a du mal à imaginer comment il pourrait être produit autrement. Ainsi en est-il, en apparence, des services de police du droit et de la défense nationale. En fait, la situation est exactement la même que celle dans laquelle une mafia rackette sa « clientèle » en la forçant à consommer ses propres services de sécurité.

          Mais l’un des impôts les plus iniques et les plus teintés d’idéologie est bien celui que l’on appelle, de la manière la plus absurde qui soit, les « droits de succession ». Il faudrait donc s’acquitter d’un « droit » pour transmettre ce qui nous appartient à qui bon nous semble? Vous avez payé votre « droit », bienvenue au club, vous êtes autorisé maintenant à donner ce qu’il vous reste à qui vous voulez.

          Personne n’est dupe, je l’espère. Les « droits de succession » n’ont plus d’autre fonction que de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État. Leur justification repose soit sur un égalitarisme qui l’apparente au communisme le plus primaire, soit sur l’idée absurde que l’individu doit faire sa vie en commençant à zéro, niant par là que le capital, matériel et culturel, est un bien qui pour exister doit se transmettre librement de génération en génération, qu’il est créé et non pas reçu au « départ » selon une distribution au hasard (cf. chap. IV de L’arbitraire fiscal, par Pascal Salin, pour une analyse économique et morale de la taxation de l’héritage).
 

« L’un des impôts les plus iniques et les plus teintés d’idéologie est bien celui que l’on appelle, de la manière la plus absurde qui soit, les "droits de succession". »


          Les droits de succession ne sont pas économiquement efficients puisqu’ils consistent à voler aux uns pour donner à d’autres selon des critères arbitraires, ce qui crée nécessairement une insatisfaction et une destruction de valeur. Ils servent aussi à alimenter le budget de l’État pour des services dits publics qui sont en fait des services forcés où l’État s’érige en producteur monopolistique. Or un service que l’on est obligé de consommer sans en payer le véritable coût directement n’est rien d’autre que du gâchis en raison de la surconsommation et des encombrements qu’il provoque (lire à ce sujet les analyses passionnantes de Philippe Simonnot dans L’erreur économique).
 

L’envie

          En réalité, seule l’envie, cette passion anti-sociale entre toutes, explique que l’on veuille prendre à autrui ce qu’il n’aurait pas gagné mais reçu sans « mérite » préalable (selon moi, la piété filiale est un mérite bien suffisant et beaucoup plus noble que les motifs du mérite selon les pseudo-moralistes socialistes).

          Le prétexte du mérite n’est qu’une rationalisation d’une passion néfaste, l’envie. « L’envieux n’est guère intéressé par un transfert à son avantage de quelque bien appartenant à l’Autre. Il souhaite le voir volé, dépossédé, dépouillé, humilié, mis à mal », comme l’écrit Helmut Schoek dans un livre inoubliable L’envie, une histoire du mal (Les Belles lettres, 1995).

          Ainsi, les « droits de succession » sont un vol qualifié commis par la « collectivité » (en réalité par la mafia étatique), un vol aggravé par son motif et qui, parce qu’il est légal, autorise l’ingérence des envieux dans le patrimoine des familles.

          Un peu de réflexion, de logique et une saine passion pour la vraie justice peuvent remettre à l’endroit ce qui a été inspiré par des passions malsaines et rationalisées par des pseudo-moralistes socialistes.
 

 

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