Montréal, 10 décembre 2006 • No 205

 

OPINION

 

Mathieu Bréard habite à Montréal.

 
 

LE RIDICULE DES LOIS ANTITRUST

 

par Mathieu Bréard

 

          Les succès récents de Google, cette entreprise californienne rendue célèbre pour sa technologie de recherche sur Internet, semblent perturber le sommeil d'un nombre grandissant de personnes. Au cours de la dernière année, on lui reproche d'avoir diversifié ses horizons et d'être devenue un leader dans le domaine de la publicité, de la messagerie, de la vidéo tout en offrant des solutions en ligne aux entreprises qui souhaitent améliorer leur visibilité.

 

          Pourtant, il y a moins d'une décennie, cette société fondée par deux jeunes étudiants de l'Université de Standford, Sergey Brin et Larry Page, était inconnue. Le marché de l'information sur Internet était surtout l'affaire de Yahoo, Lycos ou encore AltaVista qui, nous disait-on, avaient le vent dans les voiles. En proposant de nouvelles applications, Google a su très vite se démarquer du peloton(1). Aujourd'hui, la jalousie est si grande que certaines langues sales réclament son démantèlement en vertu des lois antitrust. Des lois qui paralysent les meilleurs entrepreneurs, les visionnaires, ceux capables de mettre au monde des projets ambitieux.
 

Quand l'innovation est brimée

          Sa croissance fulgurante, Google ne l'a pas volée; elle la doit à la satisfaction des millions de consommateurs qui lui ont préféré ses produits. Au sein d'un marché libre, lorsqu'une entreprise surclasse ses principaux compétiteurs, cela n'a rien de dramatique. Cela signifie qu'elle aura mérité sa position de tête en offrant des produits de qualité, à des prix abordables et vendus grâce à une campagne de marketing bien ficelée. Il est tout à fait normal qu'elle retire les dividendes de ses succès.

          La honte vient plutôt de tous ceux qui sont à la remorque et qui tentent d'utiliser le pouvoir coercitif de l'État pour freiner cette croissance. Incapables de reconnaître qu'ils n'ont pas su saisir la même opportunité d'affaire, ils préfèrent rattraper le temps perdu en se complaisant dans la lâcheté. C'est précisément ce qui a poussé la direction de Netscape et Novell à faire appel à la division antitrust du ministère de la Justice américain afin d'affaiblir leur principal rival Microsoft. La Commission européenne a même été jusqu'à forcer ce géant du logiciel à révéler à ses concurrents des années de recherche et de développement, qu'il avait pourtant financé à l'aide de ses propres ressources. Non seulement s'agit-il d'une violation de la propriété privée, mais faudrait-il en plus que la direction de Microsoft s'excuse d'avoir réuni une équipe de professionnels plus efficaces et dynamiques que les autres?

          Le professeur Dominick Armentano de l'Université de Hartford explique que n'importe quelle étude objective des lois antitrust démontre que, contrairement à la croyance populaire, elles ne protègent pas le consommateur(2). Ce protectionnisme déguisé sert à attaquer et détruire les compagnies les plus prospères, tout en protégeant celles qui sont inefficaces. Les nombreuses imprécisions et l'ambiguïté que l'on retrouve dans ces textes de loi permettent de faire aisément des procès à des sociétés sans avoir de véritables preuves qu'elles ont fait quoi que ce soit de mal. M. Armentano a examiné à la loupe plus de 55 cas antitrust parmi les plus célèbres de l'histoire des États-Unis. Les sociétés mises en accusation avaient toutes de grands points en commun: des produits offerts à bas prix, une production en pleine expansion et des politiques innovatrices à l'avantage des consommateurs.
 

« N'importe quelle étude objective des lois antitrust démontre que, contrairement à la croyance populaire, elles ne protègent pas le consommateur. Ce protectionnisme déguisé sert à attaquer et détruire les compagnies les plus prospères, tout en protégeant celles qui sont inefficaces. »


          En 1911, l'American Tobacco Company a été accusée de s'accaparer le marché alors qu'elle ne l'a jamais monopolisé. Le prix des cigarettes avait même décliné de 2,77$ en 1895 à 2,20$ en 1907. Alcoa, entreprise du secteur de l'aluminium, a été trouvée coupable en 1944, dans un jugement ridicule, d'avoir anticipé beaucoup mieux que ses concurrents l'évolution de la demande. Ses dirigeants ont été stupéfiés de constater que gagner des parts de marché en misant sur l'excellence était illégal… Pour Alan Greenspan, Alcoa a été injustement condamnée pour avoir simplement fait ce qu'elle devait faire, c'est-à-dire être productive et efficace(3).

          Standard Oil, la célèbre entreprise de John D. Rockfeller, a été accusée en 1896 d'être en situation de monopole. Pourtant, elle a fait tomber le prix du raffinage par gallon de plus de 30% tout en faisant progresser l'ensemble de l'industrie. En 1911, au moment de sa dissolution par les autorités américaines, Standard Oil voyait depuis 1890 ses parts de marché diminuer, confrontées à une concurrence féroce à la fois de Texaco, Gulf Company, Sun et de plus de 147 raffineries indépendantes.

          Jamais nous n'avons vu une entreprise demeurer en situation de monopole indéfiniment. Certes, elle peut dominer un marché pendant dix ou vingt ans, mais tôt ou tard elle se fera doubler par ses concurrents. Tant que le marché demeure libre et sans entrave, des producteurs potentiels peuvent toujours se manifester. Bill Gates lui même écrit dans son livre Road Ahead (1996): « Quand on sait que chaque fois que la technologie de l'ordinateur a fait un bond en avant, le leader de la génération précédente a été supplanté par un autre, on ne peut s'empêcher de trembler. »

          Le succès et la croissance d'une entreprise dépendent uniquement de sa capacité à anticiper le futur. Ses dirigeants doivent continuellement réfléchir à des idées innovatrices afin de séduire de nouveaux clients et fidéliser les anciens. Ceux-ci demeurent les seuls juges de la qualité et de la pertinence des produits ou des services offerts. Si à leurs yeux il y a négligence, l'entreprise verra rapidement ses parts de marché décliner. Ce fut le cas de IBM, U.S. Steel, Xerox, ou encore de Ford, cet ancien géant de l'automobile qui connaît maintenant d'immenses difficultés.

Le véritable monopole

          La seule entité capable de mettre au monde des monopoles immunisés contre la concurrence est le gouvernement. À coup de législations, il crée ses propres cartels (agriculture, alcool, transport, lait) par l'octroi de privilèges, tels des concessions ou des subventions. Ces monopoles n'ont pas d'incitation pour trouver des moyens efficaces de satisfaire leurs clients qui sont, dans les faits, de vulgaires contribuables à qui on impose des programmes.

          La solution à ce problème se situe dans l'abrogation de toutes les barrières gouvernementales de façon à libérer et ouvrir le commerce. Les changements technologiques et le renouveau incarné par toutes ces entreprises similaires à Google offrent une raison ultime de douter de l'efficacité des lois antitrust.

 

1. Lorsque Sergey Brin et Larry Page se rencontrent dans les couloirs de l'Université de Standford, les différents moteurs de recherche que l'on retrouve sur Internet comportent à leurs yeux de grandes lacunes. Faire une recherche est difficile et l'information est souvent désordonnée. Pour pallier cette lacune, ils inventent une méthode différente (le page ranking) afin de déterminer les pages les plus pertinentes par rapport au critère de recherche. Voilà ce qui distingua aussitôt Google de ses concurrents et qui fera son succès.
2. Dominick T. Armentano, Antitrust and monopoly: Anatomy of a Policy failure, Yale Brozen, 312 pages.
3. Ayn Rand, Nathaniel Branden, Alan Greenspan, Robert Hessen, Capitalism: The Unknown Ideal, Reissue Edition, 416 pages, 1986.
 

Suggestions de lecture


1. David Vise, Mark Malseed, The Google Story, Delacorte Press, 336 pages, 2005.
2. Gary Hull, The Abolition of Antitrust, Transaction Publishers, 176 pages, 2005.
 

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