| Les intellectuels furent les premiers à saluer les idées de 
					Sorel: ils les rendirent populaires. Mais la teneur de son 
					idéologie était évidemment anti-intellectuelle. Elle 
					s'opposait au raisonnement froid et à la réflexion posée. Ce 
					qui comptait pour Sorel, c'était uniquement l'action, à 
					savoir l'acte de violence pour la violence. Battez-vous pour 
					un mythe, quoi qu'il puisse vouloir dire, tel était son 
					conseil. « Quand on se place sur ce terrain des mythes, on 
					est à l'abri de toute réfutation. »(1) 
					Quelle merveilleuse philosophie que de détruire pour 
					détruire. Ne parlez pas, ne raisonnez pas, tuez! Sorel 
					rejetait « l'effort intellectuel », même celui des champions 
					littéraires de la révolution. Le but essentiel du mythe est 
					de conduire « les hommes à se préparer à un combat pour 
					détruire ce qui existe »(2).
 
 Pourtant, la responsabilité de la diffusion de la 
					pseudo-philosophie destructionniste ne vient pas de Sorel ni 
					de ses disciples, Lénine, Mussolini et Rosenberg, ni encore 
					de la cohorte de littérateurs et d'artistes irresponsables. 
					La catastrophe est survenue parce que, depuis des décennies, 
					presque personne n'a essayé d'examiner de manière critique, 
					et d'éradiquer, le goût de la gâchette des desperados 
					fanatiques. Même les auteurs qui s'abstenaient d'accepter 
					sans réserve l'idée d'une violence imprudente essayaient de 
					trouver une interprétation bienveillante aux pires excès des 
					dictateurs. Les premières objections timides furent émises 
					quand – très tardivement en réalité – les instigateurs 
					intellectuels de ces politiques commencèrent à comprendre 
					que même le soutien enthousiaste à l'idéologie totalitaire 
					ne leur garantissait pas l'immunité contre la torture et 
					l'exécution.
 
 Il existe aujourd'hui un faux front anticommuniste. Ce que 
					ces individus, qui s'appellent eux-mêmes « anticommunistes 
					de gauche »(c) 
					et que les gens sérieux appellent plus correctement « 
					anti-anticommunistes », recherchent, c'est le communisme 
					sans les caractéristiques nécessaires et intrinsèques du 
					communisme qui sont encore difficiles à avaler pour les 
					Américains. Ils font une distinction illusoire entre 
					communisme et socialisme et – assez paradoxalement – 
					cherchent un appui à leur proposition d'un socialisme non 
					communiste dans un ouvrage que ses auteurs ont intitulé le 
					Manifeste communiste. Ils pensent avoir démontré le 
					bien-fondé de leur cas en employant des noms d'emprunt pour 
					le socialisme, comme planification ou État-providence. Ils 
					prétendent rejeter les aspirations révolutionnaires et 
					dictatoriales des « Rouges » et font en même temps l'éloge, 
					dans des livres et des revues, dans les écoles et les 
					universités, de Karl Marx, le champion de la révolution 
					communiste et de la dictature du prolétariat, en le saluant 
					comme l'un des plus grands économistes, philosophes et 
					sociologues et comme le bienfaiteur et le libérateur éminent 
					de l'humanité. Ils veulent nous faire croire que le 
					totalitarisme non totalitaire, sorte de carré triangulaire, 
					serait le remède miracle à tous nos maux. À chaque fois 
					qu'ils émettent la moindre réserve sur le communisme, ils 
					s'empressent d'insulter le capitalisme avec des termes 
					empruntés au vocabulaire des injures de Marx et de Lénine. 
					Ils soulignent qu'ils exècrent le capitalisme bien plus 
					fortement que le communisme et justifient tous les actes 
					répugnants des communistes en parlant des « horreurs 
					innommables » du capitalisme. Bref, ils prétendent lutter 
					contre le communisme en essayant de convertir les gens aux 
					idées du Manifeste communiste.
 
 Ce que ces soi-disant « anticommunistes de gauche » 
					combattent, ce n'est pas le communisme en tant que tel, mais 
					un système communiste dans lequel ils ne seraient pas 
					eux-mêmes au sommet. Ce qu'ils veulent, c'est un système 
					socialiste, c'est-à-dire communiste, où eux-mêmes, ou leurs 
					plus proches amis, tiendraient les rênes du gouvernement. Il 
					serait peut-être exagéré de dire qu'ils brûlent d'un désir 
					de liquider les autres. Ils ne veulent tout simplement pas 
					être liquidés. Dans une communauté socialiste, seuls 
					l'autocrate suprême et ses sbires en sont assurés.
 
 Un mouvement « anti-quelque chose » ne fait preuve que d'une 
					attitude négative. Il n'a strictement aucune chance de 
					réussir. Ses diatribes enflammées font en fait la publicité 
					du programme qu'il attaque. Les gens doivent se battre pour 
					quelque chose qu'ils veulent faire réussir, et non pas 
					simplement pour repousser un mal, aussi grand soit-il. Ils 
					doivent, sans réserve, soutenir le programme de l'économie 
					de marché.
 
 Le communisme aurait aujourd'hui, après les désillusions 
					apportées par les actions des soviétiques et le lamentable 
					échec de toutes les expériences socialistes, peu de chance 
					de succès dans l'Occident s'il n'y avait pas ce faux 
					anticommunisme.
 
 La seule chose qui puisse empêcher les nations civilisées de 
					l'Europe de l'Ouest, de l'Amérique et de l'Australie d'être 
					réduites en esclavage par la barbarie de Moscou, c'est un 
					soutien ouvert et sans réserve du capitalisme de 
					laissez-faire.
 
 
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