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			Dans Le Soleil, Jean-Marc Salvet ne se faisait pas faute de nous 
ressortir le même discours, à croire que tout le monde s'est donné le mot pour 
répéter les mêmes sottises: 
	          
			« Ces baisses serviraient bien peu à relancer la consommation, surtout si 
	elles étaient généralisées. Chacun d'entre nous est bien placé pour 
	comprendre que la plupart des personnes bénéficiant déjà de bons revenus 
	auraient le réflexe d'épargner davantage. Et que bien des citoyens aux 
	prises avec un inquiétant taux d'endettement en profiteraient pour réduire 
	leurs dettes. »           
			Et je passe sur le billet vidéo de Rudy Le Cours de La Presse cette 
même semaine, manifestement tiré du même tonneau.
 
  Cet argument contre l'efficacité des baisses d'impôt est évidemment faux: si 
l'argent de ces baisses d'impôt ne va pas à la consommation, il ira à l'épargne, 
c'est-à-dire soit à l'investissement, soit à la consommation d'un autre agent 
économique; ça ne peut qu'être bénéfique pour des secteurs comme l'immobilier ou 
même les bilans des institutions financières. D'une manière ou d'une autre, il 
s'agit d'une utilisation de la richesse plus avisée que l'engraissement de la 
bureaucratie. 
 Et cette idée que la prospérité économique ne peut provenir que de la 
consommation est elle-même absurde. Un rôle majeur de l'épargne, c'est de 
garantir le crédit. Pas d'épargne, pas de crédit. Les banques ne prêteront que 
si elles disposent des réserves suffisantes en capital, et cela, c'est justement 
l'épargne.
 
 Autrement dit, votre épargne, c'est soit la consommation de quelqu'un 
d'autre, soit un investissement qui financera cette consommation, et assurera la 
solvabilité des créances qu'elle a induites. Sans épargne, la stimulation des 
dépenses – publiques ou privées – ne peut en aucune façon restaurer la confiance 
des particuliers et des entreprises. Ce sont les particuliers et les entreprises 
qui forment l'économie: si leur solvabilité est un peu plus saine grâce aux 
réductions d'impôt, cela aidera l'économie en général.
 
 Ceux qui s'imaginent que l'emploi crée la richesse (puisqu'il donne un revenu 
à consommer) devraient, dans la même perspective, inciter l'État à embaucher 
toute personne qui ne travaille pas et la payer à faire absolument n'importe 
quoi (creuser et reboucher des trous par exemple). Augmenter les prestations 
d'assurance chômage est sans doute une mesure charitable pour les prestataires, 
mais relève de la même logique tordue. Car ce qui permet d'accroître la 
richesse, ce n'est pas l'emploi, c'est l'augmentation de la productivité, soit 
la capacité d'ajouter de la plus-value aux facteurs de production que l'on 
consomme.
 
 Or, la productivité vous la trouvez dans le secteur privé, pas dans les 
bureaucraties gouvernementales, ne serait-ce que parce qu'il n'existe aucune 
façon de mesurer la productivité d'une bureaucratie. Pour mesurer la 
productivité, il faut en effet mesurer la valeur économique de la production, ce 
qu'aucune bureaucratie ne fera jamais. D'abord parce qu'il n'existe pas, sauf 
exception, de marché libre pour la production d'une bureaucratie – quand il y en 
a un, c'est presque toujours un monopole, les prix sont donc fixés 
arbitrairement; ensuite parce que la seule chose qui compte dans ce type 
d'organisation, c'est de respecter les règles, ce qui est au fond la seule 
raison valable pour laquelle on peut vraiment avoir besoin d'une bureaucratie.
 
 Chaque dollar dépensé par l'État dans le but suicidaire de « stimuler la 
demande » provient nécessairement du secteur privé, c'est-à-dire qu'il vient 
diminuer une activité où s'accomplit quelque chose de productif, pour en 
soutenir une autre qui par définition ne peut pas l'être.
 
 Tout cela est effarant, au mieux de bêtise, au pire, de cynisme. Comment 
imaginer qu'une économie puisse se sortir d'affaire en calant les consommateurs 
sous des monceaux de dettes qu'ils ne réussiront jamais à apurer, ou encore que 
ces dépenses sans réelle exigence de rentabilité puissent faire autre chose que 
de détruire de la richesse (en comptabilité on appelle cela « faire de la 
cavalerie »)? À moins que ces commentateurs sachent fort bien qu'il s'agit d'une 
idiotie, mais qu'ils pensent que leurs lecteurs sont assez bêtes pour l'avaler 
toute crue.
 
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