Montréal, 15 février 2009 • No 264

 

Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.

 

 

OPINION

SNCF-MAMMOUTH

 

par Michel de Poncins

 

          La SNCF, qui englobe tous les chemins de fer dont Réseau ferré de France (RFF), fait partie du désastre français au même titre que la sécurité sociale ou l’éducation nationale et bien d’autres « mammouths », et explique à elle seule une partie de la paupérisation du pays.

          Il faut décrire le mammouth pour ensuite essayer de l’expliquer. Énumérons en cascade le résumé des diverses calamités.

 

Énumération en cascade

La ruine par les TGV • Monsieur Jean-Cyril Spinetta, président d’Air France, s’est mis les pieds dans les plats en 2004 d’une façon fracassante en montrant du même coup et très officiellement les méfaits de l’économie dirigée. Il a dit publiquement que « le TGV et son développement impliquent par nature des subventions »: c’est clairement indiquer que le magnifique jouet est une des causes multiples, mais à très grande échelle, de l’effet de ruine qui ravage la France depuis des décennies.

          Un rapport de la Cour des Comptes sur « la réforme ferroviaire de 1997 » a démontré que les TGV sont largement à la source de la ruine connue de la SNCF – bien qu’elle ait aussi d’autres causes comme le laxisme dans la gestion du personnel… Sous le titre anodin de « réforme ferroviaire » se situe la séparation de la SNCF en deux: d’un côté les investissements dans les infrastructures, de l’autre le fonctionnement des transports de voyageurs et de marchandises.

          La société propriétaire des infrastructures se dénomme RFF, ou Réseau ferré de France. La séparation fut réalisée pour isoler le passé représenté par des dettes abyssales en espérant que le reste, à savoir l’exploitation, repartirait du bon pied.

          Le rapport dénonce « le lourd endettement de la SNCF induit principalement par les investissements considérables effectués pour construire et équiper les lignes nouvelles à grande vitesse ». Ces investissements ont-ils été rentables? Que nenni! Les chiffres cités montrent bien que la situation de l’ensemble SNCF + RFF n’est pas du tout satisfaisant et continue d’être un vrai boulet financier pour la nation. Il en résulte, a fortiori, que l’opération TGV, dont les comptes ne seront jamais établis en vérité, est un désastre se traduisant en particulier par des frais financiers gigantesques.

          La triste confirmation de la situation globale vient plus loin: « Le taux de rentabilité financière qui mesure la rentabilité des ressources durables de l’entreprise est de 1,8% en 2002 » – c’est vraiment la déroute. Malgré cette déroute, des présentations inexactes des comptes font croire aux contribuables que l’entreprise SNCF serait bénéficiaire, ce qui lui permet de distribuer un dividende! C’est facile tant l’opacité règne dans les relations entre les deux entités SNCF et RFF.

L’activité des transports de marchandises • C’est un problème en soi car le fret est très déficitaire. Ce point est connu, les usagers potentiels se plaignant souvent du peu de confiance que l’on peut accorder aux prestations des transports ferroviaires de marchandises. L’un des multiples et scandaleux motifs des grèves dont nous allons parler plus loin vient des efforts de l’entreprise pour sauver le fret.

La pléthore du personnel • Le nombre de voyageurs transportés par agent dans les diverses compagnies de chemin de fer calculé par l’Ifrap est à la SNCF de 4 847, au Danemark de 9231 et au Japon 50 872. Le chiffre d’affaires de la SNCF est de 30 milliards d’euros et les dépenses de 90 milliards. Cet ouragan de ruine ne réalise que 4% des transports en France. La faute est principalement due à la pléthore du personnel jointe à son statut très privilégié.

Les dysfonctionnements techniques • Parmi eux les passages à niveau. Un tout récent et épouvantable accident a montré les innombrables pièges existant dans ce domaine. Il existe 15 100 carrefours où quotidiennement le trafic routier rencontre le trafic ferroviaire et en 2007 ils ont été l'occasion de 115 collisions au cours desquelles 38 personnes ont perdu la vie.
 

« La cause principale de la chaîne des calamités se situe dans la nationalisation de la SNCF, mais ne disons jamais que ces monstres sont irréformables. »


          La SNCF prétend nous consoler en remarquant que le nombre de collisions diminue grâce à ses efforts. En 1997 nous en étions à 184 accidents. Également le nombre de personnes tuées est en diminution puisqu’il y a 11 ans nous en avions 51 par an! Après les larmes de circonstances, le premier ministre François Fillon a déclaré courageusement « qu'il va falloir accélérer la suppression des passages à niveaux qui sont encore trop nombreux en France ». Les larmes ayant été versées, il est passé à autre chose.

          Aucune instance juridique ne peut être engagé valablement contre les responsables, un des principes de l’économie dirigée étant: « Responsables, mais pas coupables ». Quant à la SNCF, elle continue sans encombre à ruiner la France et le programme de sécurisation va continuer son train-train, puisqu’il n’y a plus d’argent nulle part. Au même moment, en Allemagne, il n’existe pratiquement plus de passages à niveau dangereux. Maintenant nous avons aussi les chutes de caténaires.

          Il faut retrouver, dans la liste des dysfonctionnements, les TGV. Régulièrement, il se produit des arrêts en pleine campagne avec des passagers abandonnés des heures sans boisson, ni nourriture, ni médicaments. S’ajoutent les retards permanents sur le réseau secondaire qui ajoutés aux grèves ont pour résultat que personne ne saura s’il aura un train.

Le monopole abusif • Les lignes de cars de voyageurs ne sont autorisées qu’avec l’accord de la SNCF. Or, elles ont montré leur souplesse et il faut souligner leurs avantages bien connus pour l’environnement et leur rentabilité malgré la modicité de leurs prix.

Les grèves à répétition • Depuis des décennies, la vie quotidienne de millions de Français – et, en particulier, de 10 millions de banlieusards – est empoisonnée par des grèves à répétitions qui ont pour résultat que brusquement les usagers sont cloués sur le quai. Il est évident que si le droit de grève est inscrit dans la constitution, le droit de circuler librement est inscrit dans le droit des gens et devrait être très supérieur au droit de grève. Dans ces circonstances, il est exact de dire que depuis des décennies les cheminots ont déclaré une véritable guerre au peuple français.

          Le syndicat Sud Rail vient d'inventer une nouvelle forme de grève, comme d’autres inventent une nouvelle forme de guerre: c'est la grève de 59 minutes. Grâce à cette méthode, les grévistes ne perdent que 15 € par jour alors que lorsqu'ils font une grève d'une autre durée, ils peuvent perdre bien davantage. C'est pour cela que la gare Saint-Lazare, la plus grande gare de France, vient d'être fermée pendant deux jours et n'a rouvert que progressivement. Le motif invoqué pour la grève était ridicule et se limitait à contester le déménagement d’un local de repos vers la gare du nord.
 

Calamités en boucle

          Toutes ces calamités de détail, si l'on peut dire, se renforcent en boucle. Il n’y a jamais d'argent à cause des pertes gigantesques et ces pertes viennent d'une pléthore de personnel, ce personnel bénéficiant de statuts tout à fait exceptionnels. Les syndicats sont embusqués, avec comme seul objectif leur prospérité – c'est-à-dire la richesse des chefs syndicalistes –, et ajoutent ainsi à la catastrophe générale.

          La cause principale de la chaîne des calamités se situe dans la nationalisation de la SNCF, mais ne disons jamais que ces monstres sont irréformables. La Suède, pays pourtant socialiste, a réformé son appareil ferroviaire d’une façon spectaculaire par une privatisation bien conduite et même le personnel s’en félicite à présent.

          Il faut reconnaître, cependant, que la privatisation prendrait du temps en France et que les effets seraient très lents à venir. Le président de la République avait tous les moyens au cours de l'été 2007 de faire plier le mammouth sans le privatiser pour autant et il en avait le devoir. Il ne l'a pas fait. Pour réussir l'opération, il fallait dire aux Français la vérité tout entière avec les vrais chiffres – en particulier sur le personnel – et la clamer sur les ondes. Cela n'a pas eu lieu. L'on pouvait et l'on devait aussi supprimer le monopole de la SNCF sur les transports – la vérité éclaterait là aussi et il se mettrait en route une foule de transports de substitution.

          Les syndicats devaient être brisés. Tout le monde dit en France qu'il nous faudrait une Thatcher. Lady Thatcher s'est trouvée confrontée à la puissance des syndicats de mineurs anglais qui ruinaient son pays. Malgré l'importance extrême du charbon à l’époque dans le fonctionnement de l'économie, elle a trouvé le moyen de gagner la bataille. Si le nouveau pouvoir l'avait voulu, il aurait pu arriver à bout du mammouth, une grève générale de la SNCF étant au demeurant supportable avec les transports de substitution. La bataille gagnée aurait été salutaire vis-à-vis d’autres mammouths.

          Malheureusement, les prévisions sont pessimistes et il y a tout lieu de penser que rien ne bougera sauf le changement de quelques responsables, les nouveaux venant s'enrichir précisément sur la bête en la laissant répandre autour d’elle l’odeur terrifiante de l’effet de ruine habituel.
 

 

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