Montréal, 15 mai 2009 • No 267

 

Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.

 

 

OPINION

Les « vides » juridiques

 

par Michel de Poncins

 

          Il est clair que la liberté économique ne doit pas être encadrée. Dans le domaine de la vie quotidienne qui s’exprime par d’innombrables activités économiques, chacun doit être libre absolument de ses actions et de ses choix, sans que des politiques ou des tiers ne s'en occupent abusivement. La sagesse populaire toujours bien inspirée énonce depuis des siècles que « chacun doit s'occuper de ses moutons »!

 

          Un pouvoir socialiste se reconnaît à divers stigmates dont en particulier le fait d’encadrer toutes les activités. Quand une activité n’est pas encadrée, les énarques au pouvoir parlent d’un « vide juridique », expression cruelle et méprisante qui laisse entendre que nous sommes incapables de nous gérer. Le pouvoir Sarkoziste n'échappe pas à cette imposture et des faits récents nous le démontrent une fois de plus.

          Pour bien apprécier les dégâts fabuleux de cette catastrophe nationale qu’est l’interventionnisme à tout va, il faut se rappeler, une fois de plus, que l’une des causes de « l'effet de ruine » est l'inondation torrentielle des lois qui conduit aux grandes calamités nationales: la santé, les retraites, le chômage pour toutes les générations, l'endettement public, la baisse des niveaux de vie et tous les déficits.

          La France est la proie d'une véritable folie « bourreaucratique ». À l'inondation de lois s'ajoute l'augmentation permanente du nombre de pages que contient chaque loi avec, en outre, les décrets d'application et les circulaires. Personne ne peut calculer, ainsi, le nombre de pages que l’on inflige aux entreprises, aux particuliers, aux associations, aux contribuables. Le tsunami est dévastateur. Dans ce déluge, il est utile pour l’analyse de distinguer diverses catégories de lois tout aussi assassines les unes que les autres.

Lexique

          D’abord les lois contradictoires avec d’autres lois et elles sont légion. Plusieurs des 90 codes qui écrasent l’économie française sont contradictoires entre eux. Bonjour les incertitudes et les procès.

          S’ajoutent les lois inappliquées tout simplement faute de décrets d’application et de circulaires qui ne viennent pas. En effet, la galaxie d'usines à gaz législatives est tellement compliquée qu'il faut absolument des décrets d'application et des circulaires pour se mouvoir dans la forêt vierge et très souvent ils ne viennent pas. Ces lois sont des lois « mortes nées ». M. Sarkozy se vante d'avoir réformé la France depuis deux ans; en fait la statistique officielle, établie par un organisme d'État, a indiqué que seulement 8% des lois qu'il avait fait voter sont applicables aujourd'hui. Ses prétendues réformes sont donc des réformes mortes-nées.

          Il y a, plus fort encore: les lois en « coma avancé ». En effet, une foule d'organismes sont aux aguets pour détruire les lois après coup, comme le conseil d'État, le conseil constitutionnel, la CEE et, finalement, la Cour de Luxembourg. Quand le coma se réalise effectivement parfois au bout de plusieurs années, il est rétroactif – la « République Fromagère » (R.F.) a inventé la mort rétroactive ce qui, pour des partisans de la culture de mort, est finalement assez logique.

          Il existe aussi des lois pantomime. En avril 2006, le lider maximo de l’époque, un certain Jacques Chirac, avait dit devant le prompteur qu'il allait promulguer une loi au sujet du CPE [contrat première embauche] et l’avait fait sans tarder, le 2 avril. Mais il avait demandé tout aussitôt au gouvernement de mettre en chantier une nouvelle loi qui détruirait pratiquement la loi que son auguste main avait paraphée, laquelle était sans doute contradictoire avec elle-même.

          Et cela nous conduit, dans cette analyse des catégories, au chef-d’oeuvre absolu de la bourreaucratie: ce sont les lois hermétiques. En effet, le conseil constitutionnel, pourtant composé de gens supposément très malins et payés comme tels, a refoulé des lois n’étant pas arrivé à les comprendre!

          J'ai souvent énoncé les raisons qui poussent les hommes de l'État à fabriquer des lois sans interruption; ces faux motifs sont d’une force sans égale, de sorte que la fabrication des lois est la seule fabrication qui marche vraiment dans la « République Fromagère ».
 

Vide

          Parmi ces mauvaises raisons se trouve l'idée véritablement négative de prétendus « vides juridiques », dont les événements récents nous offrent plusieurs exemples. Les voici.

          D’abord les motos-taxis. L'une des pratiques habituelles des hommes de l'État est de surfer sur les innovations qui surviennent dans le cadre du marché, suite à l’action d’entrepreneurs actifs aux écoutes des besoins. Dès qu'une telle innovation apparaît, ils s’en emparent pour en faire une base de leur activité négative, ce qui conduit à davantage de fonctions, d'organismes, de règlementations, ceci pour leur propre avantage.
 

« L'une des pratiques habituelles des hommes de l'État est de surfer sur les innovations qui surviennent dans le cadre du marché, suite à l’action d’entrepreneurs actifs aux écoutes des besoins. Dès qu'une telle innovation apparaît, ils s’en emparent pour en faire une base de leur activité négative. »


          Les motos-taxis se développent: parfait. C'est probablement une façon d'arriver plus vite là où on veut aller, bien qu'avec un moindre confort que dans un taxi habituel – chacun est libre d'arbitrer entre son confort, les risques qu'il prend, et son objectif d'arriver à telle heure à tel endroit. C'en est trop pour les hommes qui manipulent la France et qui ont parlé tout récemment de « vide juridique ». Ils se proposent donc d'encadrer cette activité. Or les lois existantes, bien trop nombreuses, comme il est dit plus haut, permettent certainement à cette activité de se développer sans lois nouvelles, chacun se couvrant des risques sur les marchés. La seule conséquence de l’encadrement sera de limiter ce nouveau business, c'est-à-dire de freiner l'enrichissement général.

          Une autre activité très différente existe depuis longtemps: ce sont les « petits chanteurs à la croix de bois ». C'est une organisation extrêmement sympathique qui depuis des décennies se renouvelle de génération en génération. De jeunes garçons chantent des chansons magnifiques et il arrive souvent qu’ils se produisent sur scène pour permettre à l’association de gagner quelques sous. Cela vaut mieux que de les voir vissés devant des jeux électroniques ou se livrer au trafic de drogue.

          Comme pour toute initiative privée qui marche, l'État veut l'écraser de sa lourde patte! Le préfet de l'Oise, où se trouve le siège social de l'institution, exige désormais que les enfants soient rémunérés quand ils se produisent sur scène. Évidemment cela va nuire gravement aux finances de l'association. En plus, les charges sociales arrachées par la force à cette occasion vont alimenter le trou immense des dépenses étatiques, ceci sans que les malheureux enfants aient quoi que ce soit lorsqu'ils auront atteint l'âge de la retraite, puisque tout va disparaître dans la marée des déficits publics. Accessoirement c'est un coup sournois que le préfet de l'Oise va porter à la famille, car ce sont les parents qui sont responsables des enfants et qui devraient pouvoir décider librement s'ils seront rémunérés ou non. Faut-il évoquer en plus la chistiannophobie? C’est plus que probable.

          Venons-en aux prêts de main-d’oeuvre. Des sociétés, en cette période de crise, commencent à s'organiser librement pour le prêt de main-d'oeuvre. Une filiale de Fiat a négocié un accord avec une société voisine filiale de Plastic Omnium. Celle-ci, en difficulté, est désireuse d'alléger ses charges de main-d'oeuvre sans perdre pour l'avenir sa structure et son organisation. La filiale de Fiat a un surcroît de travail et donc elle emprunte de la main-d'oeuvre à la voisine. Nous apprenons à cette occasion que le prêt de main-d'oeuvre entre entreprises est interdit en France s'il est utilisé à but lucratif. Voici encore un aspect peu connu du pouvoir totalitaire. Pourquoi ce prêt de la main-d'oeuvre aurait-il lieu si ce n'est pour gagner mutuellement de l'argent?

          Si les prêts de main-d’oeuvre de tous niveaux se développaient, il naîtrait très vite dans toutes les régions et tous les secteurs économiques de véritables marchés de prêts de la main-d'oeuvre, avec peut-être des bourses, et l'intérêt commun y trouverait son compte. C’est insupportable pour les députés de l’UMP, parti que l'on situe officiellement à droite alors qu'en fait il court sans cesse vers la gauche. Huit députés de cette organisation ont rédigé une proposition de loi qui sera débattue par l'Assemblée en mai et vise à encadrer le prêt de main-d’oeuvre. Le prétexte est de le faciliter. En fait, cela va créer une nouvelle usine à gaz avec un nuage de complications difficiles à comprendre et propres à décourager l'opération que l'on prétend vouloir développer.

          Pour terminer et compléter l'explication de l'inondation des lois, dont les prétendus vides juridiques ne sont qu'une des manifestations, il faut se référer d’une façon surprenante au marché publicitaire. Les publicitaires ont des méthodes de calcul de la valeur des publicités clandestines. Quand une marque arrive à faire prononcer son nom indéfiniment sans pour autant payer une vraie campagne de publicité, c’est un succès car l'économie financière est tout à fait massive.

          L'adresse suprême pour les hommes politiques est d'accrocher leur nom à une loi de sorte que le nom soit ainsi cité sans limite de temps dans les médias et c’est une des raisons du déluge des lois. Tel est le cas en particulier des lois sur l'immobilier, qui sont toutes destructrices de l'immobilier, mais dont le nom des heureux créateurs est prononcé indéfiniment jusque dans les cabinets des notaires. Le bénéfice politique dans tous les sens du terme est considérable.

          Qui nous rendra notre liberté perdue? La question est posée et c'est pour cela qu’il nous faut un véritable « pouvoir libérateur ».
 

 

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