Le manifeste des pas-de-carré (Version imprimée)
par Pierre-Guy Veer*
Le Québécois Libre, 15 octobre
2012, No 304
Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/12/121015-10.html


Depuis le mouvement de boycott étudiant du printemps dernier, deux principales factions s'opposent. Il y a d'abord les carrés rouges, les plus bruyants, les collectivistes enragés, ceux pour qui tous les moyens sont bons pour atteindre leur fin, qui est soit d'annuler la hausse de 1625 $ des droits de scolarité – qui laisse malgré tout le Québec tout juste devant Terre-Neuve pour 2012-2013 –, soit d'atteindre la gratuité scolaire et ainsi prétendre avoir droit au produit d'autres humains comme les esclavagistes d'autrefois – quoique même avec la gratuité, ça ne serait pas suffisant.

Il y a ensuite les carrés verts, légèrement moins collectivistes que les carrés rouges – ils prétendent aussi que l'éducation est un droit –, qui approuvent la hausse des frais de scolarité et la bonification du programme de prêts et bourses tout en s'opposant aux boycotts, dont les votes sont peu démocratiques.

Bref, dans les deux cas, nous avons deux factions étatistes qui justifient le rôle du gouvernement dans l'éducation. Elles sont d'accord pour que les contribuables paient leur éducation – seule la proportion change –, bien que les frais semblent sans influence sur le taux de diplomation et qu'une injection massive de fonds publics n'a, au mieux, qu'une influence non significative sur les résultats. Pour utiliser la terminologie d'Ayn Rand, ce sont des altruistes, des gens qui utilisent les autres à leurs fins.

La faction de la liberté

C'est pourquoi il est plus que temps pour qu'un autre groupe voit le jour: les pas-de-carré. Qui sont-ils? Ce sont des gens qui s'opposent à toute ingérence du gouvernement dans l'éducation et qui veulent donc l'abolition du ministère de l'Éducation. Ce sont des gens qui considèrent l'éducation pour ce qu'elle est: une marchandise. Ce sont des gens qui sont conscients que la meilleure façon de décider de la répartition d'une marchandise, c'est par le marché, c'est-à-dire par les décisions des huit millions de personnes vivant sur le territoire du Québec. Ce sont, comme les carrés verts, des gens qui s'associent volontairement et n'exercent aucune coercition les uns sur les autres. Enfin, toujours comme les carrés verts, ce sont des gens qui croient que des boycotteurs n'ont aucun droit de bloquer l'accès aux cours des personnes qui veulent y assister, même si une assemblée qualifiée l'a décidé. Après tout, c'est le consommateur individuel qui choisit ou non de boycotter une marchandise; un groupe n'a aucun droit de l'empêcher de la consommer, surtout pas au nom de la « solidarité ».

Cesser de biaiser les choix

En considérant l'éducation comme une marchandise, il est facile de comprendre l'effet d'une intervention du gouvernement. En effet, comme tout prix plafond – dans ce cas-ci, les étudiants ne paient pas le prix réel de leurs études –, les consommateurs ont une forte incitation à consommer le plus possible. En « consommant » plus d'études, le marché se retrouve donc saturé de diplômés dans des domaines aux débouchés limités – sociologie, théâtre, sciences politiques. La note est évidemment refilée aux contribuables.

Si, ainsi que le prétend la CLASSE, moins d'étudiants se retrouvent sur les bancs suite à une hausse des droits de scolarité, c'est donc signe que lesdites études n'en valaient pas la peine. En d'autres mots, la dépense encourue par trois années de bac n'aurait pu être remboursé par un travail convenable. Cela a donc diminué le gaspillage encouru par des frais trop bas; gaspillage qui serait encore plus réduit si les frais étaient laissés à eux-mêmes.

Mais le gaspillage n'est pas unidimensionnel. Il ne faut pas oublier les prêts et bourses, qui sont la prochaine bulle. La même logique que les frais minimes s'applique: quand le gouvernement change les incitations, les gens, qui sont rationnels, changent leur comportement pour en profiter. Dans le cas des prêts et bourses, des gens qui n'auraient autrement pas accès à des prêts y ont « droit », ce qui augmente leur dette et limite leur capacité future de payer (et celle des contribuables). On subventionne ainsi encore plus les études, avec des résultats mitigés.

Les demandes

Voici donc les principales demandes des pas-de-carré (elles varient d'une personne à l'autre, puisque ce n'est pas un groupe homogène):
  • Abolition du ministère de l'Éducation et congédiement de tous ses fonctionnaires (avec compensation s'il y a un contrat).
  • Abolition du programme des prêts et bourses.
  • Abolition du REÉÉ (régime enregistré d'épargne étude). On n'a pas besoin d'un autre programme d'épargne; si une personne veut étudier/veut que ses enfants étudient, l'épargne ordinaire suffit.
  • Abolition de toute forme de subvention à l'éducation à tous les niveaux, du primaire à l'université. Si l'éducation est si « payante », alors la dépense sera vue comme un investissement et se fera sans arrière-pensée.
  • Affectation de la moitié des surplus dégagés au remboursement de la dette et l'autre moitié à des réductions d'impôts.
  • Abolition de l'âge obligatoire pour les études. Ainsi, les adolescents qui n'ont pas d'aptitude pour étudier pourront intégrer le marché du travail quand bon leur semble.
  • Abolition de la syndicalisation obligatoire des enseignants, de leur sécurité d'emploi automatique et de leur ancienneté en béton. Désormais, la compétence primera avant tout, et l'État ne dictera pas ce qu'un enseignant peut ou ne peut pas donner comme note.
  • Abolition des commissions scolaires. Ces monstres bureaucratiques ont davantage leur intérêt à coeur que celui des élèves. Si des gens veulent regrouper certaines écoles pour mieux gérer les ressources, grand bien leur fasse.

Oui, ces demandes sont radicales. Oui, ces demandes provoqueraient des perturbations à court terme si elles étaient mises en oeuvre, et certaines personnes risqueraient de souffrir beaucoup. Mais malheureusement, le statu quo (avancer vers le mur au même rythme), ou pis l'accélération de la cadence vers le mur, est inacceptable. Plus on attend pour faire les réformes, comme ce fut le cas du dégel soudain des droits de scolarité, plus elles seront douloureuses. Des pays comme l'Estonie ont effectué des coupes profondes dans les dépenses publiques et s'en portent nettement mieux que la plupart des autres pays industrialisés. Ceux qui, comme la Grèce, n'ont pas réformé leur économie, s'enfoncent de plus en plus dans le marasme économique – le Japon s'y trouve depuis 20 ans. Sans le secours financier de 8G$ par année envoyé par le reste du Canada, le Québec serait exactement dans la situation de la République hellénique.

Évidemment, comme les pas-de-carré ne croient pas en la violence, vous ne les verrez pas en train de bloquer un pont, fracasser les vitrines d'une agence gouvernementale ou envoyer des sauterelles dans le local d'un groupe marxiste. Il faut plutôt changer les mentalités. C'est cette idée qui doit revenir au galop au Québec si l'on veut que la Belle Province cesse d'être dans les bas-fonds des classements économiques et sociaux et cesse de ressembler au monde d'Atlas Shrugged. C'est cette idée que les pas-de-carré veulent propager.

Amants de la liberté, antagonistes de l'étatisme et sceptiques de l'interventionnisme, unissez-vous! Propagez les idées de libertés, montrez aux gens que l'État est le problème et non la solution, lisez et parlez de Mises, Rand, Smith, Bastiat, Say et tous ces auteurs qui ont montré au monde le vrai visage de l'interventionnisme et ont expliqué pourquoi la liberté est la seule solution de rechange. Portez une simple épingle anglaise vide ou un carré d'identification vide pour montrer votre attachement à la cause de la liberté et montrer que vous refusez que l'État contrôle votre destinée.

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* Pierre-Guy Veer est étudiant au bac en économie-politique à l'Université Laval.