15 septembre 2014 • No 324 | Archives | Faites une recherche | Newsletter

 

 

   
OPINION
La Seconde Guerre mondiale a-t-elle vraiment été une guerre bonne et nécessaire?
par Manuel Pasquale


Septembre 1939, la Seconde Guerre mondiale éclate. L'idée que cette guerre était bonne et nécessaire est probablement un des plus importants dogmes de la religion étatiste. On a vu de nombreux films où les « bons Alliés » triomphent des « méchants » et sauvent l'humanité. Dans les écoles gouvernementales, les cours d'histoire nous racontent bien sûr la même chose. Était-ce vraiment le cas?

N'oublions pas que la philosophie libertarienne repose essentiellement sur la propriété privée et le principe de non-agression. Une guerre de cette ampleur implique une gigantesque intervention de l'État. Taxes, impôts, inflation, une quasi totale planification de l'économie, des lois liberticides qui empêchent toute critique, et bien sûr une des pires agressions contre l'individu: la conscription! On ne peut pas faire abstraction du fait que ces principes ont été violés avec beaucoup d'intensité si on appuie cette guerre. On ne peut pas non plus oublier l'immoralité fondamentale de l'État, une entité responsable de la mort de centaines de millions de personnes juste au 20e siècle.

Il est clair que la soi-disant nécessité d'intervenir contre l'Allemagne nazie est en grande partie le résultat d'une autre énorme intervention étatiste qui a eu lieu de 1914 à 1918, soit l'orgie impérialiste et sanglante de la Première Guerre mondiale. Je vous réfère ici à l'excellent article qu'Adam Allouba a écrit il y a quelques mois sur le sujet dans le QL: The Great War's Legacy, a Century On. La Première Guerre mondiale s’est terminé par le Traité de Versailles qui rendait l'Allemagne entièrement responsable de la guerre. Pour être certain que l'Allemagne « accepte », un blocus naval continua de lui être imposé plusieurs mois après l'armistice et causa la mort par famine d'environ 750 000 civils allemands.

L'Allemagne a certes une grande part de responsabilité dans cette guerre, mais il est absurde de dire qu'elle est entièrement responsable puisque la guerre repose alors surtout sur des rivalités impérialistes. Ce traité injuste est donc une source de colère, de désir de vengeance, et de difficultés pour l'Allemagne qui doit payer d'énormes réparations aux vainqueurs. C'est dans ce climat d'instabilités politiques, sociales et économiques qu'Adolf Hitler devient populaire avec son discours revanchard et ultranationaliste. La crise de 1929, causée et aggravée encore une fois par l'interventionnisme économique des gouvernements et des banques centrales, donnera une autre impulsion à Hitler dans sa course vers le pouvoir.

La responsabilité des Alliés dans la montée du nazisme ne s'arrête pas là. Le régime nazi a été aidé par les Alliés. Que ce soit sous forme de dons, de prêts, de technologies, ou de production militaire, les détails sont bien documentés dans des ouvrages tels que Wall Street and the Rise of Hitler d'Antony Sutton et Big Business avec Hitler de Jacques Pauwels. On pense à Ford et GM qui ont produit pour les États-Unis et l'Allemagne, même lorsque les deux pays étaient en guerre, et qui ont poursuivi le gouvernement américain pour avoir endommagé leurs usines en Allemagne. L'idée que l'État est là pour nous protéger est absurde, c'est de loin notre pire agresseur qui excelle aussi dans l'art de nous créer des ennemis.

Puisqu'on parle de la « bonne guerre » et des « bons Alliés », on parle donc de moralité. La moralité étant universelle, si envahir un pays, l'occuper, tuer, torturer et piller est mal, c'est mal pour tout le monde. Eh bien les Alliés étaient pour la plupart des empires coloniaux, et le colonialisme est responsable d'avoir tué, torturé, humilié, exploité et privé de liberté des millions de gens sur une très longue période. Plusieurs d'entre eux feront des guerres contre leurs colonies qui se sont révoltés pour gagner leur indépendance après 1945. Il faudrait ne pas oublier que les Alliés, c'est aussi l'Union Soviétique de Staline, un des régimes les plus meurtriers de l'Histoire.



 

   

« Les conséquences de cette guerre sont énormes. Malheureusement elles ne s'arrêtent pas aux millions de morts, aux blessés, à la souffrance, à la destruction matérielle et l'énorme perte d'opportunité. »

   


On nous répète aussi que c'était une bonne guerre parce qu'elle était défensive, contre une Allemagne qui allait dominer le monde. Voyons ce qui s'est passé en septembre 1939. L'Allemagne envahit la Pologne, une action certes immorale. C'est alors que la Grande-Bretagne et la France, deux pays ayant déjà envahi et occupant alors une partie importante de l'humanité, déclarent la guerre à l'Allemagne (et non le contraire), car ils lui reprochent d'avoir violé la souveraineté de la Pologne. Ainsi une guerre régionale devient mondiale. L'hypocrisie ne s'arrêtera pas là.

Il ne fait aucun doute que l'Allemagne nazie était un régime impérialiste et brutal, ce qui n'avait rien de nouveau pour l'époque. Cependant, ses ambitions étaient surtout tournées vers l'Europe de l'Est. L'Allemagne revendiquait aussi des territoires qui avaient été donnés à la Pologne et à la Tchécoslovaquie en 1919, et où vivaient majoritairement des Allemands depuis plusieurs générations. Les vainqueurs de la Première Guerre mondiale avaient proclamé le principe du droit des peuples à l'autodétermination. Ce principe ne s'appliquait pas aux Allemands, ni aux centaines de millions de gens vivant sous le colonialisme.

Un autre aspect moins connu de cette guerre, est que l'Allemagne a fait plusieurs offres de paix aux Alliés et a renoncé à des avantages importants pour cela. Dans Mein Kampf, Hitler reprochait au Kaiser d'avoir eu une flotte de guerre et des colonies outre-mer, ce qui créait une rivalité avec la Grande-Bretagne qu'il voyait comme une alliée. Il a par exemple ordonné l'arrêt de l'offensive à Dunkerque et laissé ainsi fuir plusieurs centaines de milliers de soldats franco-britanniques qui seront disponibles pour le combattre plus tard. Il va aussi renoncer à saisir la flotte française, mais les Alliés refusent la paix. La Grande-Bretagne bombarda des villes allemandes bien avant que les bombardiers allemands attaquent les villes britanniques. Après s'être résignée à combattre la Grande-Bretagne devant son refus de faire la paix, l'Allemagne n'a même pas été capable de vaincre la RAF et de traverser la Manche. On nous dit ensuite qu'elle aurait traversé l'Atlantique pour conquérir l'Amérique si on n'était pas intervenu. Vraiment?

Certes l'Allemagne a envahi la Belgique, la Hollande, le Danemark, la Norvège et la Grèce, des actions tout à fait immorales. Cependant en déclarant la guerre à l'Allemagne, en refusant la paix et en demeurant hostiles, est-ce que les Alliés n'incitaient pas l'Allemagne à envahir et occuper ces pays neutres avant qu'ils ne le fassent eux-mêmes et menacent directement l'Allemagne? Je voudrais que ce soit clair que le but ici n'est pas de défendre le nazisme, mais de montrer que l'interventionnisme est plein de conséquences inattendues, ainsi que l'hypocrisie, la mauvaise foi, et le caractère impérialiste des Alliés.

Les conséquences de cette guerre sont énormes. Malheureusement elles ne s'arrêtent pas aux millions de morts, aux blessés, à la souffrance, à la destruction matérielle et l'énorme perte d'opportunité. Le grand vainqueur de cette guerre est l'État qui va grossir considérablement. Dans les pays occidentaux c'est l'État-providence, le keynésianisme et le complexe militaro-industriel qui entraîneront d'autres guerres et interventions aux conséquences fâcheuses. La guerre a légitimé l'État qui devient la solution à tous les problèmes.

La guerre a aussi contribué à répandre le communisme, un système horrible, produisant de la misère et responsable de la mort de millions de personnes. Les Alliés vont aider le communisme et signer des traités pour l'imposer à l'Europe de l'Est là où ils prétendaient vouloir défendre la Pologne. Une triste ironie. Le communisme va aussi se répandre dans les colonies où les gens cherchant à se libérer de l'oppression sont séduits par le discours anticolonial de cette idéologie. C'est la Guerre froide.



La non-intervention ne signifie pas de rien faire, mais plutôt que l'État s'abstienne d'agresser. D'abord ne pas provoquer l'émergence de régimes tyranniques et ne pas les aider ensuite. Le colonialisme est une intervention immorale qui a créé de la haine envers l'Occident et favorisé la propagation d'idéologies violentes comme solutions de rechange. L'Holocauste aurait pu être évité par la non-intervention qui implique la libre immigration des opprimés. Les Alliés ont plutôt bloqué cette immigration.

La non-intervention signifie aussi de laisser aux citoyens le droit d'avoir des armes pour se défendre. La Suisse est un bel exemple de non-intervention. Sans véritable armée, ni ambitions impériales, avec une population armée qui est certainement mieux protégée.

Le libre marché est de loin le système qui crée le plus de richesse, laquelle peut et doit servir à prévenir l’agression et à se défendre. Lorsqu'un État fait la conquête d'un autre État, il saisit toute sa structure d'oppression et en bénéficie. Qu'en est-il de ces structures à saisir si l'État n'existe pas? Finalement, comment des guerres aussi horribles pourraient-elles avoir lieu sans l'État, un monopole de pouvoir et de violence qui attire inévitablement les gens les plus mal intentionnés, et qui a le droit moral d'initier la force contre des individus paisibles pour les endoctriner, les taxer et les enrôler?

 

Bibliographie, références et lectures suggérées

- Jim Powell, Wilson's War : How Woodrow Wilson's Great Blunder led to Hitler, Lenin, Stalin & World War II, Crown Forum, 2005.
- Pat Buchanan, Churchill, Hitler and the Unnecessary War, Three Rivers Press, 2008.
- Nicholson Baker, Human Smoke, Simon & Schuster, 2008.
- John V. Denson, The Costs of War, Transaction Publishers, 2003.
- Antony Sutton, Wall Street and the Rise of Hitler, Buccaneer Books, 1976.
- Jacques R. Pauwels, Le Mythe de la bonne guerre: Les États-Unis et la Seconde Guerre mondiale, Éditions Aden, 2005.
- Jacques R. Pauwels, Big Business avec Hitler, Éditions Aden, 2013.
- Stefan Molyneux, Practical Anarchy.
- Marc Ferro, Le Livre noir du colonialisme, Robert Lafond, 2003.
- Adolf Hitler, Mein Kampf, Nouvelles Éditions Latines, 1934.

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Manuel Pasquale est technicien aéronautique et termine un bacc en histoire à temps partiel. Il était anciennement d'orientation marxiste avant de s'intéresser aux idées libertariennes et d'y adhérer pleinement.

   
 
Ama-gi

Première représentation écrite du mot « liberté » en Mésopotamie, environ 2300 av. J.-C.

   


Le Québécois Libre
En faveur de la liberté individuelle, de l'économie de marché et de la coopération volontaire depuis 1998.

   
 

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