Montréal, le 14 mars 1998
Numéro 2
 
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DIRECTEUR 
Martin Masse 

ÉDITEUR 
Gilles Guénette 
 
COLLABORATRICE 
Claire Joly 
 
CHRONIQUEURS 
Pierre Desrochers 
Pierre Lemieux 
 
 
POUR NOUS REJOINDRE 
 
 
  
 
 
 
Les articles publiés dans 
LE QUÉBÉCOIS LIBRE partagent une philosophie générale mais les opinions spécifiques qui y sont exprimées sont la responsabilité de leurs auteurs.   
 
 
 
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ÉDITORIAL
 
LA CRISE DE L'ÉTAT ET
L'ÉTAT DE CRISE PERMANENT
 

          Dans ce pays, l'État a depuis longtemps cessé de jouer son rôle primordial de protecteur des droits individuels et de garant de la sécurité de ses citoyens. L'essentiel de son activité consiste maintenant à tenter de régler des problèmes sociaux, économiques, culturels et moraux réels ou imaginaires, et à se donner des objectifs abstraits comme « l'épanouissement culturel » de la population.  
 
          Le gouvernement fédéral prévoit ainsi dépenser 160 millions de dollars pour fêter l'arrivée du millénaire, c'est-à-dire une date arbitraire avec trois zéros, alors même que des centaines de milliers de ses citoyens sont dans le besoin. Cent soixante millions de dollars, c'est 160 $ pour un million de gens pour qui il s'agit d'une somme importante.  
 
          Lorsqu'un gouvernement peut se laisser aller à des dépenses et des actions aussi futiles, il n'est pas difficile de comprendre pourquoi il cède à toutes les pressions lorsque les enjeux semblent le moindrement plus importants.  

Une démocratie de pleurnichage 

          De nos jours, ce que nous appelons le processus démocratique n'est en réalité qu'un forum où chaque lobby organisé tente d'attirer l'attention sur son pauvre sort et de soutirer une faveur étatique qui ira dans le sens de ses intérêts. Ceux qui pleurnichent le plus fort et qui réussissent, soit par une campagne de marketing habile, soit par des menaces de grève ou autres pressions, à convaincre l'État du sérieux de leur cas, obtiendront à coup sûr les bonbons qu'ils demandent. 
 
          C'est pour cette raison que nous avons instauré trois Prix Béquille: pour dégonfler un peu l'importance que les médias accordent à ce choeur de pleureuses que sont les lobbys. En effet, la lecture d'un quotidien ou l'écoute d'un journal télévisé se résume à peu de choses près, jour après jour, à la même sempiternelle recension des doléances et revendications des uns et des autres, suivies des négociations avec le ministre récalcitrant, et enfin de l'annonce triomphale de la remise du bonbon, ou encore de l'échec des négociations et de la reprise du processus.  
 
          Pas étonnant dans ce contexte que le sentiment que notre société, notre système politique, notre économie, sont constamment en crise soit si généralisé. Suivre l'actualité, c'est suivre pas à pas la crise de l'industrie porcine qui fait face à une chute des prix, celle des urgences bondées dans les hôpitaux, celle des pêcheurs au chômage, celle des acériculteurs sinistrés, celle des travailleurs de l'auto qui ne veulent pas de compétition, celle des nationalistes dont « l'âme collective » fout le camp, etc.  
 
Un monde incohérent et irrationnel 
 
          Le monde décrit par les médias est incohérent et irrationnel. Il est dominé par des affrontements inutiles, entretenus par un État ouvert à toutes les revendications. S'en isoler est pour plusieurs un soulagement psychologique. Dans une société libertarienne, la plupart de ces crises trouveraient un règlement dans un espace privé, celui du marché. Pour prendre quelques exemples:

–les chutes ou hausses de prix touchent à un moment ou l'autre tous les produits et services. Les producteurs et consommateurs s'y adaptent dans la plupart des cas et il n'existe aucune raison logique pour traiter les producteurs de porc de façon spéciale.  
 
–toutes les industries se transforment et traversent des périodes où l'emploi diminue. La presque totalité des individus se recyclent et trouvent du travail ailleurs. Il n'existe aucune raison logique pour traiter des groupes de chômeurs concentrés géographiquement ou dans un secteur particulier de façon spéciale.  
 
 –toutes les activités humaines sont sujettes à des catastrophes. La seule solution responsable est de s'assurer, comme le fait chacun pour ses biens et sa vie. Laisser l'État devenir l'assureur collectif systématique à la suite de chaque tragédie, c'est ouvrir la porte à l'irresponsabilité et à un marchandage constant.  
 
          Dans une société libertarienne, l'État ne ferait pas les trois quarts des choses qu'il fait en ce moment. Il y aurait peu ou pas de lobby, parce qu'aucun bonbon à distribuer. Le gouvernement ne serait l'objet d'aucun chantage, d'aucune supplication, puisqu'il se contenterait d'appliquer des règles similaires pour tous. Il n'y aurait plus de favoritisme envers ceux qui chialent le plus fort, plus de négociations à huis clos pour éviter les grèves et les moyens de pression qui paralysent des villes entières, plus de psychodrame où l'avenir de la nation est en jeu. 
 
          Il n'y aurait plus d'épanchements émotifs ni d'analyses statistiques interminables sur des aspects abstraits de notre « personnalité collective ». Chaque individu disposerait de la liberté, et assumerait la responsabilité, de définir lui-même la portée de ses attachements collectifs et de décider avec qui il veut s'associer. Une utopie? Pas du tout, c'est ainsi que se vivent les rapports entre individus dans la très complexe société qu'est le cyberespace. 
 
          Dans une société libertarienne, les médias seraient obligés de parler de choses importantes, pas des conflits artificiels comme ceux qui monopolisent toute l'attention en ce moment. Il n'y aurait plus d'État en crise, les problèmes comme les actions de l'État interventionniste seraient privatisés et réglés dans le contexte du marché libre. Les citoyens n'auraient plus besoin d'être constamment « conscientisés », « mobilisés », enrégimentés,  pour des histoires qui ne les concernent pas, ou qui n'existent que dans la tête de collectivistes utopistes qui croient savoir mieux qu'eux comment ils doivent vivre. 
 
          Dans une société libertarienne, il n'y aurait plus d'état de crise permanent. 
 
 
Martin Masse
 
L'ÉTAT, NOTRE BERGER?
 
  
Le Québec libre des 
nationalo-étatistes 
 
          « Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »  

Alexis de Tocqueville 
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE (1840)

 
 
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