Montréal, le 14 mars 1998
Numéro 2
 
 

Un regard libertarien
sur l'actualité québécoise et nord-américaine
  
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  Publié tous les samedis 
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SOMMAIRE 

LE MARCHÉ LIBRE  
La bureaucratie a une ville... 

Page 2 

ÉDITORIAL 
La crise de l'État et  
l'état de crise permanent 

Page 3 

NOUVELLES BRÈVES 
Les taxes de voyage à Montréal; un projet de loi contre les commerçants; un sondage sur les frais de scolarité; et les ambitions olympiques de Québec   

COURRIER 
DES LECTEURS 
Réaction au lancement du Québécois Libre 
  
Page 4 
 
LIVRE 
L'Ordre caché de l'économie 

Page 5 

LES PRIX BÉQUILLE 
aux chialeuses du 8 mars; aux chauffeurs et entreprises d'autobus scolaires; et aux libraires qui demandent un prix unique sur les livres 

VIVE LES 
QUÉBÉCOISES LIBRES 
Les femmes qui ne réclament pas de traitement spécial parce qu'elles sont femmes 
 
 
MOT POUR MOT 
Bourgault libertarien? 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
LE MARCHÉ LIBRE 
 
LA BUREAUCRATIE 
A UNE VILLE...

          Que les Montréalais se rassurent, nos politiciens veillent au grain et la ville retrouvera bientôt le chemin de la prospérité. Le ministre d'État à la métropole, M. Robert Perreault, annoncait ainsi récemment la mise en place d'un organisme pour agir comme levier économique du secteur des affaires du centre-ville. La nouvelle corporation Quartier international de Montréal regroupera des représentants des pouvoirs publics ainsi que les principaux propriétaires riverains du secteur et devrait au cours des prochains mois s'entendre avec la Ville de Montréal sur un nouveau plan d'aménagement. 
 
          Le ministre Perreault situait cette démarche dans le contexte du désenclavement du Vieux-Montréal, de l'agrandissement du Palais des congrès, de la construction de passages piétonniers, du réaménagement des places publiques et de l'amélioration des rues et des trottoirs. La nouvelle corporation joindra ainsi l'interminable liste des organismes para-municipaux, exercices de concertation, plans de développement, projets institutionnels et bureaucraties de toutes sortes financés par les contribuables montréalais. 
 
          Le moins qu'on puisse dire de l'initiative du ministre Perreault, c'est que la mentalité des gestionnaires publics québécois et montréalais est aussi immuable que le Stade olympique. Comme le soulignait il y a plusieurs mois le président d'Héritage Montréal et professeur de géographie urbaine à l'UQAM, M. David Hanna, « les paliers gouvernementaux n'arrivent pas à concevoir que l'espace urbain puisse être consommé par autre chose que par l'institutionnel et le tourisme ». (Le Devoir, 5 juin 1997). On continue pendant ce temps de surtaxer les résidants et les entrepreneurs tout en les enfermant dans un carcan réglementaire défiant tout bon sens. 

Des expériences urbaines novatrices  
 
          Les expériences urbaines novatrices ne manquent toutefois pas en Amérique du Nord. Il semble cependant que nos décideurs n'ont rien à apprendre des villes américaines qui, rappellons-le, ont toutes connue une meilleure performance économique que la métropole québécoise au cours des dernières décennies. On pourrait citer des dizaines d'exemples, mais nous n'en retiendrons qu'un seul, Indianapolis.  
 
          La principale ville de l'Indiana, qui compte près d'un million et demi d'habitants, a en effet été l'un des principaux foyers du remarquable renouveau urbain américain. Elle est ainsi passée du statut de « Indiana-no-place », une ville industrielle typique du Midwest américain dont l'économie était dominée par quelques grandes entreprises (Eli Lilly, Western Electric, RCA, Thomson Electronics) à celui d'une métropole régionale en pleine expansion. Son taux de chômage de 2,6% en 1997 était quatre fois moindre que celui de Montréal. 
 
          Indianapolis a évidemment bénéficié des politiques nationales américaines (baisse d'impôts, déréglementation de l'industrie aérienne et des télécommunications, absence d'entraves au commerce entre les États américains, réduction drastique des dépenses militaires, etc.) qui ont contribué à l'essor économique des États-Unis. 

          Ses résidants ont toutefois eu le bon sens supplémentaire d'élire l'un des maires les plus avant-gardistes en Amérique, Stephen Goldsmith. Le maire n'a pas dépensé l'argent des contribuables en études documentant les causes du déclin de sa ville, en opérations de marketing pour améliorer son image internationale ou en coulage de béton à la gloire de la bureaucratie municipale. Sa philosophie a été très simple: privatiser le plus grand nombre possible de services municipaux, réduire la réglementation à sa plus simple expression et alléger le fardeau des payeurs de taxes. En fait, le maire Goldsmith croit tellement aux vertus de la privatisation qu'il a tout fait pour accélérer la fermeture d'une base militaire dans sa ville, en sachant très bien que l'entreprise privée qui en ferait l'acquisition créerait plus d'emplois et rapporterait plus de taxes à la ville que l'armée américaine. 
 
          On pourrait évidemment citer bon nombre de statistiques pour illustrer le succès de l'approche du maire Goldsmith, mais une en particulier devrait faire réfléchir tout ce qui grenouille à la relance de Montréal. L'économie d'Indianapolis est tellement prospère que McDonald's a présentement de la difficulté à se trouver des employés. La « honte du monde patronal québécois », qui n'est évidemment confrontée à aucun syndicat au coeur de l'Indiana, en était rendue l'année dernière à offrir des bonis à l'embauche en plus d'un salaire de base de $6,50 US (environ 9,20 $ CAN au taux actuel) pour se trouver de nouveaux employés (The Economist, 21 juin 1997). 
 
         Les habitants d'Indianapolis n'ont nul besoin d'une campagne radiophonique pour se faire dire que leur ville compte des universités, des centres de recherche, des clochers et qu'ils sont fortunés d'y vivre. Ils se contentent de profiter d'une économie qui roule à plein régime. Indianapolis est évidemment beaucoup plus loin pour nos élus que les villes qui les inspirent habituellement, Paris ou Stockholm, mais on peut toujours rêver et espérer qu'un jour nos « forces vives » se pencheront sur des modèles ayant fait leurs preuves. 
 
 
Pierre Desrochers
 
 
N.B. Le lecteur voulant plus de détails sur les expériences récentes de privatisation et de déréglementation dans les villes américaines est invité à consulter l'ouvrage de William Egger et John O'Leary, Revolution at the Roots: Making Our Government Smaller, Better, and Closer to Home, New York, Free Press, 1995.
 
 
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