Montréal, le 9 mai 1998
Numéro 10
 
 
 

Un regard libertarien
sur l'actualité québécoise et nord-américaine
  
 
numéros précédents 
  Publié tous les samedis  
  ql@quebecoislibre.org 
  
  
 
 
 
 
SOMMAIRE  
 
 
TRAVAIL DIRIGÉ 
Les syndicats chez McDo: comme un chien dans un jeu de quilles 
par Brigitte Pellerin 
  
Page 2 
 
ÉDITORIAL 
Pour une opposition radicale au nationalisme 
par Martin Masse  
  
Page 3 
 
COUP D'OEIL SUR 
L'ACTUALITÉ 
 
NOUVELLES BRÈVES 
Paul Martin et les fusions bancaires, le « nouveau » visage de Jean Doré, nos politiciens siègent de moins en moins et un projet de loi pour la réforme de l'IRS 
  
Page 4 
 
LE MARCHÉ LIBRE 
Trou de beigne 
par Pierre Desrochers 

Page 5 
  
MOT POUR MOT 
Télé-Connerie et les actions du gouvernement du Québec depuis trois ans en matière de  développement social 
 
Page 6 
 
LES PRIX BÉQUILLE 
au Travailleur inconnu du comté de Jean-Talon, au président des Expos Claude Brochu, et à la Table de concertation des groupes d'hommes de la Montérégie 
  
VIVE LES 
QUÉBÉCOIS LIBRES 
à Michael Janacek et Kelly Levis qui ont tenu tête aux bureaucrates de la Direction de l'état civil 
 
 
 
 
 
 
 

 
TRAVAIL DIRIGÉ
 
LES SYNDICATS CHEZ McDO:
COMME UN CHIEN 
DANS UN JEU DE QUILLES
 
 par Brigitte Pellerin
  
  
          Peu importe ce qu'on en pense, la bataille engagée par la FTQ contre McDo ne laisse personne indifférent. Question visibilité, on peut dire que les syndicalistes n'ont pas manqué leur coup.  
 
          Au-delà des clichés (David contre Goliath, que c'est original!) et des larmes nostalgiques versées sur le souvenir des vieilles luttes ouvrières, il faut comprendre au moins une chose, et c'est en fait la seule certitude à l'horizon: l'« affaire » McDo ne finira pas en queue de poisson.  
 
          On devrait en profiter pour prendre des notes.  
 
          D'un côté, il y a les employés qui veulent se syndiquer et les badauds qui les soutiennent. Leurs principaux arguments sont les suivants (et ce n'est pas moi qui le dit, mais Clément Godbout dans Le Devoir du 30 avril):  la protection contre L'ARBITRAIRE PATRONAL; l'amélioration des conditions de travail, notamment la santé et la sécurité au travail.  
 
          « En fait, poursuit M. Godbout, il s'agit d'abord d'une lutte pour le respect et la dignité. (...) C'est une lutte pour faire respecter la liberté d'association et l'accès au syndicalisme, en particulier pour les jeunes. »  
 
          À noter, et on comprend que les centrales soient plutôt discrètes là-dessus, que si on ne syndique pas les jeunes, l'argent finira fatalement par manquer... Mais bon, on ne va pas reprocher à la FTQ de chercher à se refaire une clientèle.  
 
          De l'autre côté, on a, pêle-mêle, les fiers défenseurs du burger libre et tous ceux qui, sans trop s'en faire, pensent que les syndicats n'ont pas tellement rapport sous les arches dorées. Ce groupe est drôlement plus important en nombre puisqu'il inclut, comme toujours, les neutres, les mous, et tous ceux qui attendent de voir où le courant s'en va pour se faire une idée.  
  
Pas une job comme les autres 
  
          La particularité de cette histoire, c'est qu'un paquet de gens, qui ne se manifestent malheureusement pas, connaissent assez bien le milieu pour rire dans leur barbe. McDo, au cas où vous l'auriez oublié, c'est un gros, très gros employeur.  
 
          Ces gens dont je suis (hon, que ça tombe bien...) rigolent parce qu'ils sont conscients qu'un syndicat « fitte » autant chez Ronald que Gilles Duceppe dans une fromagerie. Il y a toujours ce petit quelque chose, même quand on force pour prendre la photo sous le meilleur angle possible, qui cloche désespérément dans le portrait.  
 
          La raison est toute simple: ce n'est pas une job comme les autres.  
 
          On n'entre pas chez chez McDo comme au couvent; pour dire comme l'autre, ça fait un temps. Pas besoin d'être un statisticien chevronné pour se rendre compte que la plupart des employés ont entre 16 et 20 ans. Ceux qui y restent pour « faire carrière » sont archiminoritaires.  
 
          C'est déjà un argument antisyndical de taille: comment installer une convention collective qui, par définition, coule les conditions de travail dans le ciment, alors que le taux de roulement du personnel sort manifestement de l'ordinaire?  
 
          McDonald's ne s'en cache pas, soit dit en passant. L'idée est de recruter des jeunes qui en sont à leur premier emploi, les entraîner comme il se doit, pour les voir partir après quelques années quand ils vieillissent et se trouvent autre chose de plus payant et de moins fatiguant. 
          En fait, c'est une école. Plusieurs s'amusent à faire la comparaison avec l'armée; et ce n'est pas tout à fait faux. On n'y apprend pas à exécuter un travail, on apprend à TRAVAILLER TOUT COURT. Une entreprise qui donne le meilleur entraînement à un nombre incalculable de jeunes et qui les paient pour ça. Beaucoup pensent qu'ils pourraient payer plus, c'est chacun son avis. Moi je considère que l'expérience acquise chez cet employeur vaut, à elle seule, son pesant d'or.  
 
          Ceux qui « graduent » sauront toujours se débrouiller dans le futur. Parce qu'ils auront appris que la réussite ne vient qu'après les efforts, pas avant. Ils auront sué un bon coup pour le savoir, mais l'investissement leur rapportera toute leur vie.  
          Et puis à 17 ans, courir un peu ne fait jamais de tort. 
  
La grande école du Big Mac 
            
         Amusez-vous à demander aux gens dont je suis s'ils ont eu de la misère à se trouver du travail par la suite. De la misère? Jamais de la vie! McDo, c'est la meilleure référence à inscrire sur un CV, LA chose sur laquelle on doit insister en entrevue.  
 
          Il faut voir la tête de l'employeur potentiel quand il voit les mots magiques... Il les traduit ainsi: il n'aura pas à passer des heures interminables à faire comprendre à sa recrue le b-a-ba du travail en équipe, l'importance de la polyvalence et la plus élémentaire des disciplines qui fait que les employés arrivent à l'heure et pensent à prévenir à l'avance, dans la mesure du possible, quand ils sont grippés ou quand ils doivent prendre congé.  
 
          Parce que les McDiplômés savent que quand les autres comptent sur eux, ils ne peuvent pas simplement décider que ça ne leur tente pas ce matin-là. Au lieu de se dire que ce n'est pas grave et que quelqu'un d'autre n'aura qu'à s'arranger avec le surplus de travail, ils prennent leurs responsabilités et ne laissent pas les autres pédaler comme des malades.  
 
          Ça peut avoir l'air insignifiant, mais un trop grand nombre de jeunes et inexpérimentés travailleurs perdent leur emploi pour des causes aussi banales que les retards injustifiés, une mauvaise capacité d'adaptation ou encore simplement parce qu'ils sont négligents et qu'ils ne se souviennent pas toujours de leur horaire.  
 
          Rien de plus sacrant, quand on est patron (ça aussi, je connais bien...), que de se faire appeler trois fois par semaine par le même employé qui ne se souvient plus de ses heures.  
 
          « Écris-le, ton maudit horaire! Penses-tu qu'on a rien que ça à faire, s'occuper de toi? » C'est pas long qu'il reçoit son quatre pour cent, celui-là. 
  
L'art de virer sur un 10 cents en gardant le sourire 
  
          S'il fallait résumer ce qu'on apprend chez McDo en une seule phrase, je dirais ceci: on y maîtrise l'art difficile de virer sur un 10 cents tout en gardant bonne humeur et sourire. C'est l'équivalent un peu graisseux de la patineuse artistique qui affiche toute ses dents en tournoyant comme une toupie. On les regarde et on se dit que ç'a l'air facile... 
 
          Mais c'est beaucoup plus. On s'y forme un caractère, on apprend à devenir responsables et autonomes au milieu d'une équipe qui ne peut marcher si l'un des membres clopine. On apprend à remplir la tâche qui nous revient, sans chercher d'excuses ni de faux-fuyants. 
 
          D'accord, ce n'est pas tout le monde qui s'y trouve à l'aise. On ne peut pas tous être de bons équipiers, de la même façon qu'on n'est pas tous faits pour vendre des assurances ou pour jouer de la cuillère. C'est vrai aussi que ce n'est pas dans tous les restaurants de cette chaîne qu'on trouve des gérants et autres patrons qui ont de l'allure. 
 
          Il y a plein de gens qui y travaillent et qui n'ont pas d'affaire là, comme partout ailleurs. Mais ça ne change rien au fait qu'un syndicat avec ses gros sabots n'a pas sa place dans un environnement aussi grouillant et dynamique, dans un environnement d'adolescents. 
 
          McDo réussit à promouvoir à la fois la réussite des individus et la fierté d'appartenir à une équipe gagnante. L'entreprise place ses meilleurs éléments sur un mur du restaurant et met des tonnes d'efforts à tirer vers le haut ceux qui espèrent un jour y voir leur photo. 
 
          Vous avez le droit de touver tout cela ridicule. Peut-être que ça l'est, je ne sais pas. Mais il y a une chose que je sais: j'étais fière en titi, après six mois d'efforts, de faire partie du club et d'avoir mon petit trophée. 
 
          À 16 ans, une gratification comme celle-là, ce n'est pas rien. 
  
  
 
 PRÉSENT NUMÉRO
page suivante