Montréal, le 9 mai 1998
Numéro 10
 
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Publié sur la Toile 
depuis le 21 février 1998 
 
 
 
DIRECTEUR 
Martin Masse 

ÉDITEUR 
Gilles Guénette 
 
RECHERCHISTE  
Claire Joly 
 
CHRONIQUEURS 
Pierre Desrochers 
Pierre Lemieux 
Brigitte Pellerin 

COLLABORATEUR 
Ralph Maddocks 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
     Le Québécois Libre défend la liberté individuelle, l'économie de marché et la coopération spontanée comme fondement des relations sociales.    
     Il  s'oppose à l'interventionnisme étatique et aux idéologies collectivistes, de gauche comme de droite, qui visent à enrégimenter les individus.    
     Les articles publiés  partagent cette philosophie générale mais les opinions spécifiques qui y sont exprimées sont la responsabilité de leurs auteurs.   
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
  
 
 
 
 
 
 
 
 
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ÉDITORIAL
 
POUR UNE OPPOSITION RADICALE
AU NATIONALISME
 
par Martin Masse
      
 
          On croirait rêver. Mais non, ces derniers jours, la valse constitutionnelle semble bel et bien repartie. La Presse titrait lundi: Bouchard va tallonner Charest sur la déclaration de Calgary. Le gouvernement va même tenir des consultations publiques sur l'entente pour forcer le Parti libéral du Québec et son nouveau chef à prendre position. Jusqu'ici, Jean Charest s'est contenté de dire que Calgary est un pas dans la bonne direction, mais que la constitution n'est pas sa priorité.  
 
          On va donc tenter une fois de plus de nous refaire le coup de l'accord constitutionnel qui ne répond pas aux « demandes traditionnelles » du Québec, qui ne redresse pas l'« humiliation de 1982 », qui prouve une fois pour toutes que le Canada anglais refuse de nous reconnaître et de nous accepter. Dans le passé, ce sont des crises similaires qui ont fait grimper l'appui à l'indépendance et le gouvernement péquiste, paniqué depuis l'arrivée du sauveur Charest, se rabat sur une stratégie déjà éprouvée.  
 
          Réussira-t-il? L'Accord de Calgary n'est qu'un texte politique insignifiant, qui affirme des banalités comme l'égalité des provinces et le caractère unique du Québec. Il a suscité très peu d'intérêt jusqu'ici et il sera difficile de faire du millage sur son dos.  
 
          Mais on ne sait jamais. La mentalité nationaliste est tellement enracinée dans cette société, il suffirait d'un faux pas, d'une déclaration jugée « insensible » envers le « peuple québécois » de la part de Charest, pour que les accusations fusent de toute part. Déjà, le premier ministre et la ministre de la Propagande, Louise Beaudoin, ont fait leurs choux gras de la déclaration du chef libéral selon qui la présence d'alliés au Canada anglais avait contribué à la survie du français au Québec. Celui-ci a réagi de façon prévisible en tentant d'asseoir sa réputation de défenseur des intérêts du Québec, en ressortant les vieux slogans de la Révolution tranquille comme « Maîtres chez nous » et en assurant que « le gouvernement du Québec a la responsabilité de protéger et de promouvoir la langue française... ». 
 
Meech, Charlottetown, Calgary, ZZZzzzzzzz... 
  
          On croirait rêver. Mais non, le cauchemar est bien réel, c'est ce genre de niaiseries qui va remplir les journaux et les bulletins de nouvelles dans les prochains mois et probablement jusqu'aux élections qui devraient avoir lieu dans un an. Si la stratégie fonctionne et que le PQ est réélu, c'est jusqu'au prochain référendum en 2000 que la folie se poursuivra, dans une atmosphère de crise comme celle qui a précédé celui de 1995. 
 
          Ce débat stérile se poursuit parce que toute la classe politique québécoise, fédéralistes compris, a accepté les dogmes nationalistes qui ont émergé à partir des années 1960: le Québec est une nation; notre langue nationale est le français; notre gouvernement national est celui de Québec; nous devons être reconnus comme nation distincte avec des pouvoirs spéciaux à l'intérieur de la fédération canadienne, sinon notre survie comme collectivité est menacée et il faut en sortir. La seule différence entre péquistes et libéraux est que les premiers croient que la preuve est déjà faite qu'il faut sortir de la fédération, alors que les seconds sont encore prêts à donner sa chance au reste du pays.  
 
          Lorsqu'on a concédé 90% d'un argument, il est bien difficile de rester sur ses positions pour le 10% qui suit en toute logique. Ce n'est pas pour rien si les séparatistes se rabattent sur cette stratégie, c'est parce qu'ils ne peuvent que compter des points sur ce qui est essentiellement leur terrain. Sur la base des prémisses nationalistes, tout ce qui ne correspond pas à une « reconnaissance pleine et entière de la personnalité distincte du Québec » peut être interprété comme un recul, une rebuffade, une humiliation. Il suffit de mettre la barre un peu plus haut, et hop, voilà qu'on se fait humilier de nouveau. Et pourquoi mettre la barre plus bas lorsqu'on peut la mettre plus haut? Pourquoi risquer de se faire traiter de traître ou de vendu lorsqu'on peut faire de beaux discours qui plairont aux médias et aux « partenaires sociaux » nationalo-étatistes? 
 
          Les libéraux, avec leur stratégie de couteaux sur la gorge du reste du Canada, jouent ce jeu depuis des décennies et se surprennent que les séparatistes en sortent toujours plus forts. Vues à travers le prisme des dogmes nationalistes, les réponses de Jean Charest ne sont que de piètres tentatives de temporisation dans l'espérance que le peuple, fatigué des querelles constitutionnelles, ne se laissera pas mobiliser une nouvelle fois par les discours démagogiques. 
  
Rejeter les dogmes nationalistes 
  
          Il n'y a qu'une façon de briser ce cercle infernal de pleurnichage et de revendications qui justifie, il faut le rappeler, tout le dirigisme social, culturel et linguistique que nous fait subir le gouvernement provincial: rejeter radicalement et en bloc tous les dogmes nationalistes. Nier la validité même du concept de nation, qui n'a aucun fondement scientifique et n'est finalement qu'un mot d'ordre idéologique dont le but est de mythifier une collectivité particulière en transformant des caractéristiques et des frontières arbitraires en attributs essentiels et absolus. 
 
          Dans une perspective non nationaliste, il n'y a que des réalités sociologiques complexes — l'existence de langues majoritaire et minoritaire par exemple — qui doivent être accomodées avec le moins d'intrusion possible dans la vie des individus par les pouvoirs étatiques. Mais toute la mythologie qui sous-tend l'hystérie nationaliste n'a plus de raison d'être. Il n'y a plus de peuple québécois avec sa personnalité distincte qui parle d'une seule voix collective, qui a besoin de reconnaissance pour être respecté et avoir sa dignité, qui revendique des pouvoirs spéciaux pour promouvoir son identité propre, qui se sent humilié et lésé lorsque d'autres prétendues entités collectives le maltraitent.  
 
          Il n'y a que des citoyens qui partagent des caractéristiques collectives et des identités à de multiples niveaux (Québécois, Canadiens-français, Montréalais, anglophones, Canadiens, Canadiens-anglais, autochtones, immigrants d'origines variées, etc.). Des individus qu'on ne peut tous mettre dans le même panier sous une seule identité « nationale », définie par quelques idéologues patentés, et dont des porte-parole autoproclamés prétendent défendre les intérêts.  
 
          Ce n'est sûrement pas demain la veille que les libéraux provinciaux vont adopter ce genre de discours. En ce moment, il n'y a en fait que de petits groupes fédéralistes d'inspiration trudeauiste qui osent le faire, comme la revue Cité libre et le Parti Égalité. Mais ces gens nous offrent cependant la même salade nationaliste dans une version canadienne plutôt que québécoise, avec les mêmes mythes et les mêmes travers collectivistes appliqués à Ottawa plutôt qu'à Québec.  
 
          Une vision non nationaliste cohérente ne pourra se développer qu'à partir d'une seul fondement, celui qu'offre le libertarianisme.
 
 
 
L'ÉTAT, NOTRE BERGER?
 
  
Le Québec libre des 
nationalo-étatistes 
 
          « Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »  

Alexis de Tocqueville 
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE (1840)

 
 
 
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