Montréal, le 16 mai 1998
Numéro 11
 
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Publié sur la Toile 
depuis le 21 février 1998 
 
 
 
 
DIRECTEUR 
Martin Masse 

ÉDITEUR 
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RECHERCHISTE  
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CHRONIQUEURS 
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COLLABORATEUR 
Ralph Maddocks 
 
 
 
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     Le Québécois Libre défend la liberté individuelle, l'économie de marché et la coopération spontanée comme fondement des relations sociales.    
     Il  s'oppose à l'interventionnisme étatique et aux idéologies collectivistes, de gauche comme de droite, qui visent à enrégimenter les individus.    
     Les articles publiés  partagent cette philosophie générale mais les opinions spécifiques qui y sont exprimées sont la responsabilité de leurs auteurs.    
 
 
 
 
 
 
  
 
 
 
 
 
 
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ÉDITORIAL
 
SUCRE LANTIC: 
LANDRY TUE DES EMPLOIS
 
par Martin Masse
      
 
          Les ministres des Finances sont des politiciens un peu à part. À les voir brasser de grosses affaires, s'occuper de dossiers internationaux très complexes, jongler avec des chiffres tellement gros qu'ils dépassent l'entendement, on pourrait parfois penser qu'ils ont une compréhension exceptionnelle des enjeux économiques, inaccessible pour le commun des mortels.  
 
          Et pourtant, lorsqu'on scrute des dossiers en particulier comme celui du sauvetage de Sucre Lantic (voir Béquille de bronze, p. 7), on doit se rendre à l'évidence: le ministre québécois des Finances, Bernard Landry, n'est qu'un autre petit politicien qui ne comprend rien au fonctionnement de l'économie ou qui oublie délibérément ce qu'il sait dans le but de scorer des points faciles dans l'opinion publique. 
 
          La complaisance des médias étant ce qu'elle est, un ministre est toujours bien vu lorsqu'il annonce qu'il va « sauver » 300 emplois en offrant une « aide » à une entreprise en difficulté. Mais aucun économiste — et n'oublions pas que Bernard Landry est professeur d'économie à l'UQÀM lorsqu'il n'est pas ministre — n'a jusqu'ici trouvé d'arguments logiques pour justifier ces subventions.  
 
          La manchette de La Presse (Landry: « Jamais perdre une entreprise par manque de soutien gouvernemental ») souligne l'un des commentaires les plus imbéciles et irresponsables qui puissent sortir de la bouche d'un ministre des Finances. Dans les faits, le message envoyé aux entreprises est celui-ci: ne vous gênez pas pour faire des pressions sur moi, je vais céder à tout coup, je ne veux surtout pas me faire accuser d'avoir laissé partir des emplois. 
 
          Le système de saupoudrage de subventions est néfaste pour plusieurs raisons. D'abord, au niveau des principes fondamentaux, il est injustifiable qu'un individu, élu ou pas, puisse disposer du bien d'autrui et le donner à qui bon lui semble. C'est parce qu'on a pris l'habitude d'être quotidiennement volé par nos gouvernements que l'on ne conteste plus ce fait.  
 
          Ensuite, les 20 millions $ donnés à Lantic ne tombent pas du ciel, ils ont été retirés d'autres secteurs de l'économie. À entendre le ministre, on ne se rend jamais compte que le montant vient de l'impôt et des taxes payées par des contribuables et par d'autres compagnies qui dépenseront ainsi moins, investiront moins, seront moins productives, avec le résultat que des emplois ne seront pas créés ou disparaîtront pour compenser ceux que le ministre a « sauvés ». C'est logique mais aussi longtemps que personne ne se pose la question ni ne conteste, le ministre a le beau jeu de passer pour un sauveur. 
 
          Qui plus est, les subventions créent des distorsions dans le marché et désavantagent les concurrents de ceux qui en bénéficient, à moins que ceux-ci n'en reçoivent à leur tour. On se retrouve donc dans un cercle vicieux où des entrepreneurs et des gestionnaires doivent consacrer beaucoup d'énergie et de temps à remplir de la paperasse et à faire du lobbying pour obtenir les mêmes cadeaux ou mieux que leurs concurrents, au risque d'être désavantagés. Mais qui paiera en bout de ligne lorsque le gouvernement devra augmenter les taxes pour financer cette orgie de programmes d'aide? Les contribuables mais aussi les mêmes compagnies, évidemment, qui chialent toujours contre les taxes trop élevées. 
 
          Il n'y a bien sûr pas de fin au cercle vicieux lorsqu'un gouvernement a fait savoir qu'il est susceptible de céder au moindre chantage, comme le ministre Landry l'a naïvement annoncé. Dans le cas présent, Lantic a décidé de moderniser son usine de Montréal et de fermer celle de St-Jean parce que les gouvernements ici (la Ville de Montréal y a mis aussi son grain de sel) ont été plus généreux que celui du Nouveau-Brunswick. Pourquoi faire du chantage à un seul gouvernement lorsqu'on peut le faire à deux et faire ainsi monter les enchères? 
 
          Peut-on croire que la compagnie utilisera cet argent public à bon escient, comme elle le ferait avec celui de ses propriétaires, actionnaires ou prêteurs? Évidemment pas. Pour les mêmes raisons que l'argent coule comme de l'eau dans les mains des bureaucrates, l'aide gouvernementale est dépensée avec beaucoup moins de retenue et de jugement par des gestionnaires privés. Pourquoi appliquer les mêmes critères lorsqu'il s'agit de l'argent des autres et que personne ne nous demandera de comptes?  
 
          Ce n'est pas pour rien si on entend souvent dire que telle ou telle compagnie a finalement décidé de fermer quand même ses portes, quelques années après avoir reçu une subvention. Si Lantic perd des contrats à sa rivale Redpath, c'est parce qu'elle a de mauvais gestionnaires qui n'ont pas su comment la relancer et la moderniser avant d'arriver au bord de la fermeture.  
 
          Les subventions, prêts garantis, ou autres babioles financières de l'État ne sont jamais justifiés et ce pour deux raisons très simples: si le projet de la compagnie mérite d'aller de l'avant — c'est-à-dire si les attentes de profits à venir contrebalancent les risques associés à l'investissement — il se trouvera un investisseur privé quelque part pour risquer son propre argent dans l'affaire. L'argent public ne fait que se substituer à celui du privé, avec toutes les conséquences négatives mentionnées plus haut. 
 
          Si par contre la situation du marché ne justifie pas l'investissement, le gouvernement prend des risques énormes en y mettant notre argent. Non seulement il perpétue tous les effets négatifs du système de saupoudrage, mais il y perdra peut-être aussi sa mise sans obtenir les effets bénéfiques auxquels il s'attendait. 
 
          Les bureaucrates — qu'il s'agisse de ceux du ministère des Finances, de la Caisse de dépôt et de placement, de la SDI, d'Investissement Québec, ou des dizaines d'autres organismes et programmes d'aide gouvernementale — étant... des bureaucrates, on doit s'attendre à ce qu'ils se trompent plus souvent que la moyenne. Ainsi, au bout du compte, si on additionne les investissements ratés et les effets négatifs, la soi-disant « aide » de l'État tue certainement plus d'emplois qu'elle ne permet d'en sauvegarder et d'en créer.  
 
          Un ministre des Finances intègre et responsable nous expliquerait ceci au lieu de jouer au casino constamment avec notre argent. Et des médias moins complaisants feraient des manchettes comme la nôtre au lieu de simplement régurgiter la propagande du ministre.
 
 
L'ÉTAT, NOTRE BERGER?
 
  
Le Québec libre des 
nationalo-étatistes 
 
          « Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »  

Alexis de Tocqueville 
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE (1840)

 
 
 
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