Montréal, le 5 décembre 1998
Numéro 26
 
(page 8) 
 
 
page précédente 
           Vos commentaires         
 
 
 
 
 
 
 
 
       LE QUÉBÉCOIS LIBRE sollicite des textes d'opinion qui défendent ou contestent le point de vue libertarien sur n'importe quel sujet d'actualité. Les textes doivent avoir entre 700 et 1200 mots. Prière d'inclure votre titre ou profession et le village ou la ville où vous habitez.  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
MOT POUR MOT
  
LA TROISIÈME VOIE
DE L'ADQ
  
 
          Les élections du 30 novembre dernier, remportées par le Parti québécois avec une large majorité de sièges mais un appui populaire décevant, ont mis un frein temporaire au projet péquiste de tenir un troisième référendum sur l'indépendance. Lucien Bouchard a affirmé avoir compris le message de la majorité de la population. Il promet de se concentrer pour le moment sur les négociations avec les autres provinces et le gouvernement fédéral concernant « l'union sociale » (voir éditorial, p. 2) et d'attendre que des « conditions gagnantes » apparaissent avant de relancer ce débat.  

          On risque donc d'entendre parler de nouveau, dans les mois qui viennent, de fédéralisme renouvelé, de décentralisation des pouvoirs, d'alternative aux deux options traditionnelles que sont le statu quo et la sécession. L'Action démocratique du Québec, qui a obtenu 12% des voix la semaine dernière, a mis de l'avant un projet de décentralisation de la fédération canadienne qui rejoint sur plusieurs points celui proposé par le Parti réformiste du Canada. L'approche adéquiste est aussi conciliable avec la vision libertarienne, qui prescrit un État minimal fortement décentralisé. 

          Le chef de l'ADQ, Mario Dumont, a promis de présenter de nouveau son projet de paix constitutionnelle lorsque les parlementaires seront rappelés en février, et a appelé à un consensus des trois partis pour appuyer les demandes de réforme du Québec envers le reste du pays. Les faits saillants de ce projet de loi, reproduit ci-dessus, sont marqués en rouge. 

  
  
PROJET DE LOI NO 399
SUR LA PROPOSITION QUÉBÉCOISE
DE PAIX CONSTITUTIONNELLE
  
  
PRÉAMBULE 
  
  
CONSIDÉRANT que les Québécoises et les Québécois constituent une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et d'assurer son développement économique, social et culturel; 
  
CONSIDÉRANT que le Québec a d'ores et déjà témoigné de son attachement aux valeurs démocratiques et aux droits et libertés de la personne; 
  
CONSIDÉRANT que le Québec a reconnu la volonté des Québécoises et des Québécois d'assurer la qualité et le rayonnement de la langue française et d'en faire la langue de l'État et de la Loi aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires; 
  
CONSIDÉRANT que le Québec entend poursuivre cet objectif dans un esprit de justice et d'ouverture, dans le respect des droits et des institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise; 
  
CONSIDÉRANT que le Québec reconnaît aux Amérindiens et aux Inuit du Québec le droit de maintenir et de développer leur identité et leur culture propre et d'assurer le progrès de leurs communautés; 
  
CONSIDÉRANT que le Québec juge primordial l'apport des communautés culturelles au développement du Québec; 
  
CONSIDÉRANT l'apport du Québec aux communautés francophones hors Québec et à la francophonie internationale; 
  
CONSIDÉRANT la maturité et la vigueur de l'économie du Québec et la volonté manifeste des Québécoises et des Québécois d'en assurer le développement et la croissance, en respectant à la fois les exigences de la mondialisation des marchés et celles de la justice sociale; 
  
CONSIDÉRANT que la Loi constitutionnelle de 1982 a été proclamée malgré l'opposition de l'Assemblée nationale; 
  
CONSIDÉRANT l'échec de l'Accord constitutionnel de 1987 visant à permettre au Québec d'adhérer à la Loi constitutionnelle de 1982; 
  
CONSIDÉRANT le rejet de l'Entente de Charlottetown de 1992 jugée insuffisante par une majorité de Québécoises et de Québécois particulièrement en ce qui a trait aux pouvoirs attribués à l'Assemblée nationale; 
  
CONSIDÉRANT le rejet de la souveraineté assortie d'une proposition de traité de partenariat économique et politique par une majorité de Québécoises et de Québécois lors du référendum du 30 octobre 1995; 
  
CONSIDÉRANT la nécessité d'effectuer des changements quant au statut politique et constitutionnel du Québec afin de régler le différend Québec-Canada; 
  
CONSIDÉRANT que l'avis de la Cour suprême du Canada du 20 août 1998 sur certaines questions ayant trait à la sécession du Québec ouvre une nouvelle voie de règlement en conférant à chaque participant de la Confédération le droit de prendre l'initiative d'une proposition de modification constitutionnelle; 
  
CONSIDÉRANT que l'existence de ce droit impose aux autres participants de la Confédération l'obligation réciproque d'engager des discussions constitutionnelles pour tenir compte de l'expression démocratique d'un désir de changement; 
  
CONSIDÉRANT, dès lors, qu'il y a lieu de prendre l'initiative en soumettant une proposition de paix constitutionnelle et ce, dans un climat propice à la bonne entente; 
  
  
LE PARLEMENT DU QUÉBEC DÉCRÈTE CE QUI SUIT: 
  
  
CHAPITRE I 
  
MORATOIRE RÉFÉRENDAIRE ET PROPOSITION QUÉBÉCOISE DE PAIX CONSTITUTIONNELLE 
  
1. Jusqu'à la fin de la trente-sixième législature, le gouvernement ne peut ordonner que les électeurs soient consultés par référendum en vertu de la Loi sur la consultation populaire (L.R.Q., chapitre C-64.1) sur une question ou un projet de loi portant sur la souveraineté du Québec. 
  
2. Le gouvernement doit, en conformité avec le principe constitutionnel reconnu par les paragraphes 69 et 88 de l'avis de la Cour suprême du Canada reproduits en annexe quant au Renvoi par le Gouverneur en conseil au sujet de certaines questions ayant trait à la sécession du Québec du reste du Canada, formuler une proposition de paix constitutionnelle. 
  
3. Le gouvernement est tenu, conformément aux principes énoncés dans la présente loi, de proposer la mise en oeuvre de réformes en profondeur du cadre politique et constitutionnel qui régit la société québécoise. La conclusion d'ententes avec les autres membres de la Confédération devra reposer sur l'autonomie de l'Assemblée nationale, sur le renforcement de l'union économique canadienne et sur le réaménagement des structures politiques du Canada. 
  
  
CHAPITRE II 
  
RÉFORME CONSTITUTIONNELLE 
  
SECTION I 
  
POUVOIRS EXCLUSIFS DU PARLEMENT DU QUÉBEC 
  
4. La proposition québécoise de paix constitutionnelle devra prévoir que le Québec exercera sa pleine souveraineté dans les champs de compétence qui lui sont déjà exclusifs en vertu de la Constitution actuelle, notamment dans les domaines suivants: 
  
– les Affaires municipales;  
  
– les Affaires sociales;  
  
– la Culture;  
  
– l'Éducation;  
  
– l'Habitation;  
  
– les Loisirs et les Sports; 
– la Politique familiale;  
  
– la Politique de main-d'oeuvre;  
  
– les Ressources naturelles;  
  
– la Santé;  
  
– le Tourisme. 
  
5. La proposition québécoise de paix constitutionnelle devra prévoir que le Québec exercera également sa pleine souveraineté dans les domaines non spécifiquement énumérés dans la Constitution actuelle, à savoir, les pouvoirs résiduaires, ainsi que dans certains domaines actuellement à juridiction partagée ou à compétence fédérale exclusive, notamment dans les domaines suivants: 
  
– l'Agriculture;  
  
– l'Assurance-emploi;  
  
– les Communications;  
  
– le Développement régional;  
  
– l'Énergie;  
  
– l'Environnement; 
– l'Industrie et Commerce;  
  
– la Langue;  
  
– la Recherche et Développement;  
  
– la Sécurité publique;  
  
– la Sécurité du revenu.  
 
  
  
SECTION II 
  
POUVOIRS EXCLUSIFS DU PARLEMENT DU CANADA 
  
6. La proposition québécoise de paix constitutionnelle devra prévoir que des pouvoirs seront exercés exclusivement par le gouvernement du Canada, notamment dans les domaines suivants: 
  
– la Défense et la Sécurité du territoire; 
  
– les Douanes et Tarifs; 
  
– la Gestion de la dette commune; 
  
– la Monnaie; 
  
– la Péréquation. 
  
  
SECTION III 
  
POUVOIRS PARTAGÉS ENTRE LES PARLEMENTS 
DU QUÉBEC ET DU CANADA 
  
7. La proposition québécoise de paix constitutionnelle devra prévoir que des pouvoirs seront partagés entre les Parlements du Québec ou des provinces et le Parlement du Canada, selon les compétences respectives de chaque niveau de gouvernement, notamment dans les domaines suivants: 
  
– les Affaires autochtones;  
  
– la Fiscalité et Revenu;  
  
– l'Immigration;  
  
– les Institutions financières;  
  
– la Justice; 
– les Pêcheries;  
  
– la Politique étrangère;  
  
– les Postes et Télécommunications;  
  
– les Transports. 
  
  
CHAPITRE III 
  
OBJECTIFS DE LA RÉFORME CONSTITUTIONNELLE 
  
  
SECTION I 
  
RENFORCEMENT DE L'UNION ÉCONOMIQUE 
  
  
8. La proposition québécoise de paix constitutionnelle devra avoir pour objectif le renforcement de l'union économique canadienne en fonction de lignes directrices précises que sont: 
  
1° la libre circulation des biens, des personnes et des capitaux; 
  
2° l'union douanière et monétaire ainsi que le rétablissement de l'équilibre des finances publiques canadiennes par le biais d'une réduction de la taille de l'État central et de l'introduction de contraintes constitutionnelles visant notamment l'établissement de règles pour limiter les déficits et pour encadrer le pouvoir de taxation de l'État central. 
  
  
SECTION II 
  
NOUVEL ORDRE POLITIQUE ET CONSTITUTIONNEL 
  
9. La nouvelle Constitution canadienne devra prévoir l'élimination du pouvoir de dépenser du gouvernement du Canada dans les champs de compétence exclusifs du Québec. 
  
10. La nouvelle Constitution canadienne devra prévoir l'élimination des chevauchements de juridiction. 
  
11. La nouvelle Constitution canadienne devra contenir une nouvelle formule d'amendement prévoyant que toute modification constitutionnelle est sujette à l'approbation d'une majorité substantielle de provinces, incluant le Québec, devant représenter ensemble au moins 50 % de la population du Canada. 
  
  
SECTION III 
  
INSTITUTIONS CENTRALES 
  
12. La proposition québécoise de paix constitutionnelle devra prévoir l'abolition du Sénat sous sa forme actuelle et le maintien d'un parlement commun, élu au suffrage universel, dont les pouvoirs législatifs seront restreints aux champs de compétence décrits au chapitre II. 
  
Elle devra proposer également une réforme de la Banque centrale du Canada afin d'y assurer la présence des provinces selon une représentation régionale, tout en assurant son indépendance des pouvoirs politiques. 
  
13. En cas de vacance à la Cour suprême du Canada, le gouvernement de chaque province pourra proposer au ministre fédéral de la Justice, pour la charge devenue vacante, des personnes qui sont membres du barreau ou juges d'un tribunal de cette province. 
  
Au moins un tiers des juges formant cette cour devront être choisis parmi les personnes qui sont membres du barreau ou juges d'un tribunal au Québec. 
  
  
CHAPITRE IV 
  
NÉGOCIATION DE LA PROPOSITION QUÉBÉCOISE 
DE PAIX CONSTITUTIONNELLE 
  
14. Dans les quatre-vingt-dix jours de l'entrée en vigueur de la présente loi, le gouvernement est tenu de saisir le Premier ministre du Canada et les premiers ministres des autres provinces de la Proposition québécoise de paix constitutionnelle. 
  
Aux fins de la négociation de la Proposition québécoise de paix constitutionnelle, le gouvernement devra, dans les 12 mois de l'entrée en vigueur de la présente loi, demander la convocation d'une conférence des premiers ministres du Canada et des provinces. 
  
  
CHAPITRE V 
  
ENTRÉE EN VIGUEUR 
  
15. La présente loi entre en vigueur le (indiquer ici la date de la sanction de la présente loi). 
  
  
ANNEXE 
  
EXTRAITS DE L'AVIS DE LA COUR SUPRÊME CONCERNANT LE RENVOI PAR LE GOUVERNEUR EN CONSEIL AU SUJET DE CERTAINES QUESTIONS AYANT TRAIT À LA SÉCESSION DU QUÉBEC DU RESTE DU CANADA 
  
(Ottawa, le 20 août 1998) 
  
« 69 La Loi constitutionnelle de 1982 exprime ce principe en conférant à chaque participant de la Confédération le droit de prendre l'initiative d'une proposition de modification constitutionnelle. À notre avis, l'existence de ce droit impose aux autres participants de la Confédération l'obligation réciproque d'engager des discussions constitutionnelles pour tenir compte de l'expression démocratique d'un désir de changement dans d'autres provinces et d'y répondre. Cette obligation est inhérente au principe démocratique qui est un précepte fondamental de notre système de gouvernement. »; 
  
« 88 (...). Au Canada, l'initiative en matière de modification constitutionnelle relève de la responsabilité des représentants démocratiquement élus des participants à la Confédération. Pour ces représentants, le signal peut être donné par un référendum mais, en termes juridiques, le pouvoir constituant au Canada, comme dans bien d'autres pays, appartient aux représentants du peuple élus démocratiquement. La tentative légitime, par un participant de la Confédération, de modifier la Constitution a pour corollaire l'obligation faite à toutes les parties de venir à la table des négociations. (...) ». 
  
 
 
sommaire
 PRÉSENT NUMÉRO
page suivante