Montréal, le 1er mai 1999
Numéro 36
 
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     « We have met the enemy, and they are us. » 
 
Walt Kelly
 
 
 
 
 
 
 
 
BILLET
  
TO BE OR NOT TO BE QUÉBÉCOIS
  
par Brigitte Pellerin
   
   
          C'est tout de même mignon, ce débat non? Pas à dire, quand les gens du Bloc se mettent en tête de réfléchir, c'est ce que ça bouillonne fort, madame Chose. Attention: chantiers de réflexion à babord! Femmes et Hommes au travail, vous êtes priés de porter un casque de sécurité; les taches jaune, ça nous aide à savoir où vous êtes.  
  
          Une belle collection de gnochons, moi que je dis.  
  
          Que les bloqués ne viennent pas brailler que je leur manque de respect. C'est vrai (et j'espère bien ne pas être la seule à le faire) que je rigole solide. Mais c'est eux qui ont commencé. Z'avaient qu'à ne pas venir nous emmerder avec leurs questions à 100 $; on les aurait laissés brouter tranquille.  
  
          Bon. Toujours est-il que le débat est lancé: mais diantre, qui donc est Québécois?  
  
          (...)  
  
          Je n'y arrive juste pas. Plus j'y pense, moins je comprends l'utilité de la question. Ils n'ont vraiment rien d'autre à faire, à Ottawa? J'sais pas, moi, du vélo sur les rives du Canal, par exemple? 
 
 
Réfléchissons collectivement 
 
          Enfin, puisque la question nous est soumise, faisons un petit effort pour y réfléchir, collectivement, comme la grande famille que nous sommes (yuk). Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi j'ai eu une petite révélation l'autre matin en sirotant ma caféine-au-lait.  

          Un Québécois, c'est un tata qui paie les taxes les plus élevées en Amérique du Nord.  
  
          C'est rempli d'allure, non? Et puis c'est une définition sur laquelle tout le monde est d'accord (et 1-0 pour le consensus); y compris notre premier ministre lui-même-en-personne. Si fait, il l'a avoué, le niveau de taxation, au Québec, est « presque intolérable ». Presque, qu'il dit...  
  
          Il a même trouvé le temps d'ajouter, en pleine Assemblée nationale: « Il n'y a personne qui peut nier que le fardeau fiscal des Québécois est excessif. »  
  
          Right on 
  
          Alors voilà. Si l'interdiction de tourner à droite sur une rouge, la meilleure recette de soupe aux pois à l'ouest de la tour Eiffel et la manie d'avoir un festival TOUTES les maudites fins de semaine de l'été ne sont pas des indices suffisants pour reconnaître le vrai Québécois d'entre les morts, sachez que le taux supercalifragilistiquement élevé de taxes est un indicateur simple, rapide, et particulièrement fiable pour distinguer qui est Québécois de qui ne l'est pas.  
  
          Ça vous va, comme définition? Ah, vous m'en voyez ravie. Mais j'ai un peu peur qu'on ne la refuse, au Bloc. Parce que paraît-il que maintenant, selon l'ancien secrétaire général de la CSN qui a passé au Bloc via Télé-Québec (Pierre Paquette, pour ceux qui ne l'auraient pas reconnu) la question n'est plus de savoir qui est Québécois, mais plutôt qui VEUT être Québécois. Eh misère, il n'y a rien à faire: je serai toujours en retard sur la mode. 
  
          Allons. C'est que ça change tout. Voyons ce qui pourrait se produire si...  
  
Pas de discrimination 
  
          Admettons qu'on me donne le choix. Admettons que j'aime bien le Québec, et que je sois ravie de crécher à Montréal. Admettons aussi que j'aime bien le Canada. Bref, mettons que d'une façon générale, je suis bien heureuse d'être contente et que jusqu'à la semaine dernière, je ne m'étais jamais demandé quelle était mon identité métaphysique. Le mec du bureau de l'Étiquettage National m'appelle et me demande: « Êtes-vous-tu Québécoise, madame? »  
  
          Euh, ben... j'sais pas. Qu'est-ce que ça change?  
  
          « Voyez-vous, si vous choisissez le Québec, vous êtes officiellement Québécoise. Mais choisir le Québec a un prix – que vous considérez raisonnable j'en suis convaincu – et ce prix, c'est un taux d'imposition presque intolérable. Alors, on vous inscrit comme Québécoise? Vous allez recevoir par la poste votre écusson que vous pourrez porter au Festival Juste Pour Rire ainsi que le t-shirt officiel du CCPQ (le Club des Citrons Pressés du Québec).»  
  
          (...)  
  
          Voyez le problème? Pensez-vous que le titre de Québécois deviendrait un best-seller? Pas si on laisse les gens choisir, si vous voulez mon avis – et zut pour les conditions gagnantes. C'est peut-être bien pour cette raison que Lucien Bouchard a pris la peine de préciser, et à plusieurs reprises S.V.P., que « tout le monde est Québécois, sans exception. »  
  
          Pas de zigonnage. Tout le monde passe au cash. 
 
 
 
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