Montréal,  25 sept. – 8 oct. 1999
Numéro 46
 
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            Vos réactions        
 
 
 
 
 
 
     « You run the unions. We run the government. » 
  
Tony Blair
aux chefs syndicaux réunis à la conférence du Trade Union Congress tenue à Brighton à la mi-septembre
 
 
 
 
BILLET
  
IRRELEVANT, QU'IL DISAIT
  
par Brigitte Pellerin
   
   
          Les météorologues et chefs syndicaux nous avaient prévenus: l'automne sera chaud. Eh ben, pour une fois que la météo a raison...  
  
          Attention! Attachez vos tuques, ça va barder tantôt. Quoi? Vous dites? Ah, je sais, c'est déjà commencé. Mais vous n'avez encore rien vu. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi, je trouve que les leaders du sempiternel Front commun (c'est fatiguant, à la fin... pourraient pas se trouver un autre nom, des fois?) ont l'air particulièrement décidés à nous faire – encore une fois – réciter notre chapelet.  
  
          Trouvez pas qu'ils commencent à faire chier?  
  
          S'il y a un truc dont les jeunes se contre-balancent joyeusement, avec les [soupirs] valses-hésitations séparatwistes et les fonds de pension, c'est bien les syndicats. Sans blague, pour la grande majorité des moins de 35 ans – surtout ceux qui sont bilingues et bardés de diplômes – le mouvement syndical est aussi utile qu'un cancer des amygdales. 
 
 
          Les travailleurs qui sont 1) excellents, 2) bilingues et, 3) mobiles n'ont absolument pas besoin de payer des cotisations syndicales pour se faire imposer des échelles de salaires qui font en sorte que les vieux croûtons qui sèchent sur leur chaise gagnent plus cher qu'eux. Et quant à la soi-disant protection contre les licenciements abusifs, parlez-en aux jeunes qui ont dû sauter because c'est l'ancienneté qui mène dans la baraque...  
  
          Et pour ce qui est de la protection des emplois, sachez qu'à force d'imposer des contraintes aux employeurs, ceux-ci finissent par sacrer leur camp à Toronto, ou par cesser d'embaucher. Et devinez à qui ça nuit?  
  
          C'est, grosso modo, ce que certains syndicats britanniques sont en train de réaliser. Namely, que les jeunes ne sont pas du tout, mais alors là pas pantoute, intéressés à se syndiquer. Dans ce pays où seulement 3 travailleurs sur 10 sont syndiqués, et où les syndicats ne sont présents que dans la moitié des entreprises, il est urgent que les syndicats s'auto-examinent et, surtout, changent leur image.  
  
Simple problème d'image? 
 
          C'est bien simple, le syndicalisme n'attire plus de nouveaux employés. À part les vieillissants travailleurs manuels – des hommes, pour la plupart – le syndicalisme laisse la plupart des cotisants potentiels, surtout les jeunes, complètement froids.  
  
          Pourquoi? Parce qu'aujourd'hui, les syndicats sont « irrelevant » et que demain, ils pourraient bien être morts. C'est, à tout le moins, l'opinion d'un leader syndical anglais qui s'exprimait il y a deux semaines dans les pages éditoriales du quotidien The Independent. Les jeunes perçoivent les syndicats comme des organisations conservatrices, inflexibles, chères et peu productives. Les jeunes joindraient peut-être les rangs syndicaux, si seulement ils y voyaient un avantage et s'ils en retiraient des bénéfices. Comme c'est là...  
  
  
  
« Les jeunes joindraient peut-être les rangs
syndicaux, si seulement ils y voyaient un avantage et
s'ils en retiraient des bénéfices. Comme c'est là... »
 
 
 
          C'est fou comme tout ça sonne familier à mes petites oreilles! C'est bien normal: rien ne ressemble plus à un syndicat qu'un autre syndicat. Ce qui expliquerait peut-être pourquoi la nouvelle présidente de la CEQ me rappelle étrangement Lorraine – mais je divague.  
  
          Tout ça juste au moment où l'État (qui jouit d'un monopole sur la production des services tels la santé et l'éducation) rencontre à huis clos la bande des chefs syndicaux (qui jouissent d'un monopole sur les jobs de ceux qui fournissent les services gouvernementaux) pour décider, entre eux, de la meilleure façon de nous sucer au maximum tout en nous laissant l'impression qu'on est toujours vaguement en vie.  
  
          Pendant ce temps en France, le gouvernement est aux prises avec sa part de problèmes syndicaux. C'est le Hibou Ébahi, a.k.a. Lionel Jospin (ben quoi, on a bien Belette Vibrante), qui blablatait l'autre jour, sur les ondes de France 2, à propos de la compagnie Michelin qui a décidé tout récemment de licencier quelque 7500 travailleurs. Imaginez-vous donc que ça chiâle. Et comme d'habitude en France, les travailleurs se tournent vers le gouvernement et l'implorent de faire « quelque chose ». N'importe quoi. Ce à quoi Jospin répond: organizez-vous autrement, il ne faut pas toujours s'attendre à ce que l'État intervienne. Il faudrait cesser de tout attendre du gouvernement.  
  
          Allôôô? Lucien, vous entendez?  
  
En attendant le changement  
  
          Ensemble, ça fait trois pays (so to speak) gouvernés par des sociaux-démocrates qui tentent de remettre un peu d'ordre dans le tiroir « relations de travail » et qui cherchent à tâtons le boutte par lequel régler le problème des mafias syndicales que tout le monde a laissé pourrir trop longtemps.  
  
          Pourrir, si, si.  
  
          Évidemment, l'histoire de Michelin est loin d'être terminée. Tout comme celle, d'ailleurs, des agriculteurs français qui réclament toujours plus de protection contre les géants multinationaux (lire: américains). Ne rêvons pas en couleurs, le gouvernement Jospin n'a pas encore dit son dernier mot.  
  
          Nous autres non plus, on n'a pas fini. Les syndicats menacent de foutre le bordel un peu partout (comme si ça n'allait pas déjà assez mal) en essayant de nous convaincre que c'est dans « l'intérêt public » 
  
          Pêêêrdon?  
  
          Tout ce qu'on sait, c'est qu'ils mettent la pagaille dans les hôpitaux, mettent les adoles en rogne en leur coupant leurs sorties extra-curriculaires, prennent des risques inconsidérés avec la santé et la vie du bon monde ordinaire, tout en nous coûtant, collectivement, une jolie fortune.  
  
          Et ils font ça pour qui? Sûrement pas pour les jeunes, leurs futurs « clients », ceux qu'ils devront, un jour, essayer d'enrôler.  
  
          Peut-être que Landry avait un point, finalement. Il y a de l'espoir pour les anti-monopoles-syndicaux de ma race: les vieux travailleurs fatigués, ils vont bien finir un jour par disparaître... 
 
 
 
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