Montréal,  23 oct. - 5 nov. 1999
Numéro 48
 
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MOT POUR MOT
  
PERMANENCE SYNDICALE VS QUALITÉ DE L'ÉDUCATION
 
 
          La lutte pour la liberté individuelle et la prospérité économique au Québec passe nécessairement par une remise en question des monopoles syndicaux. Le Québec est l'endroit en Amérique du Nord où la proportion de travailleurs syndiqués est la plus élevée. Le modèle corporatiste québécois – un système politique où l'État négocie le sort de l'ensemble de la population avec des élites non élues représentées par les groupes de pression – s'appuie sur le rôle indu des syndicats dans l'économie et contribue à le maintenir.  
 
 
          Réjean Breton est professeur de droit du travail à l'Université Laval. Il est l'un des rares universitaires au Québec qui ose aborder directement la question du pouvoir excessifs des syndicats. Dans un essai publié il y a quelques semaines aux Éditions Varia, Les monopoles syndicaux dans nos écoles et dans nos villes, il dénonce ces grands monopoles engendrés par le Code du travail qui ne servent plus qu'à défendre les intérêts d'une minorité de privilégiés. L'extrait qui suit en décrit les effets négatifs sur la qualité de l'éducation:  
 
 
 
          « La CEQ [Centrale de l'enseignement du Québec] croit fermement que des écoles de qualité reposent sur les principes suivants: monopole d'État en éducation, monopole syndical superposé au monopole d'État, permanence d'emploi pour les syndiqués, salaire et affectation selon l'ancienneté, et une politique de l'éducation assujettie à une large négociation avec les monopoles syndicaux à travers la négociation de conditions de travail qui débordent très largement sur la qualité elle-même de l'éducation.  
  
          Pourquoi ne pas faire reposer l'école sur des enseignants de qualité, sur les meilleurs disponibles? 
  
          Pour commencer, il faudrait savoir qui sont les bons, qui sont les meilleurs, dans quelles écoles on les trouve! Qui connaît les meilleurs profs de français dans nos écoles primaires? Très peu de gens. Comment valoriser des personnes dans un système qui empêche qu'on les connaisse?     
  
          Comment savoir qui sont les bons et les meilleurs quand n'existe aucun système d'évaluation? 
  
          Le système actuel prend pour acquis que ceux qui sont en place, permanents pour la plupart, possèdent la compétence et la motivation nécessaires à leurs fonctions. Ils ont été embauchés, donc ils avaient les qualités exigées; ils sont toujours là, donc ils répondent aux exigences. Ce système présente l'avantage considérable d'être simple, sécuritaire pour ceux qui sont en place, et peu exigeant pour tout le monde. Les profs ne subissent pas le stress de voir leur travail observé d'un peu plus près, et les responsables des écoles n'ont pas à vivre le stress d'évaluer les performances de leurs enseignants. 
  
          Prendre pour acquis la compétence des employés, ça permet de faire l'économie de beaucoup de temps, de beaucoup de travail d'évaluation difficile et ingrat, et de beaucoup de tension entre les principaux acteurs en éducation. Ne pas évaluer périodiquement les enseignants, c'est faire l'économie d'une confrontation sur l'essentiel: la direction de l'école fait comme si la compétence allait de soi en l'attribuant automatiquement à tous les permanents, et le syndicat voit là une manière de faire qui respecte les acquis des travailleurs qui sont des professionnels de l'éducation.  
  
          (...) La CEQ ne doit pas aimer les bons enseignants: elle n'en parle jamais. Ils ont le défaut de ne pas être moyens, et de faire ressortir davantage la médiocrité de ceux qu'elle maintient en poste dans nos écoles. Posons-nous la question, à défaut pour la CEQ de le faire: c'est quoi un bon prof? Les opinions divergent grandement sur cette question, mais ce débat est essentiel pour éventuellement identifier les bons enseignants, ce qui permettrait aux parents de connaître la valeur des écoles de leur quartier ou de leur région.  
  
  
« La CEQ ne doit pas aimer les bons enseignants: elle n'en parle jamais. Ils ont le défaut de ne pas être moyens, et de faire ressortir davantage la médiocrité de ceux qu'elle maintient en poste dans nos écoles. »
 
 
          Le bon prof, c'est d'abord un excellent communicateur. Qui adore la matière qu'il enseigne. Le bon prof de français est un passionné de la langue, qui ne se fatigue pas d'en parler, qui cherche par tous les moyens à faire comprendre aux jeunes qu'ils pourront d'autant mieux communiquer avec les autres qu'ils posséderont leur langue, qu'ils auront développé une forte capacité d'expression orale et écrite. Un très bon prof ne peut pas ne pas être passionné. Il ne peut pas être ennuyant. S'il l'est, ça veut dire qu'il n'est pas bon communicateur, auquel cas on ne doit pas lui permettre d'enseigner à nos jeunes du primaire qui ont le droit absolu à un départ de qualité dans l'univers des connaissances. 
  
          Les parents s'intéresseraient sans doute davantage à l'école de leurs enfants si le débat de la qualité des enseignants et des écoles avait enfin lieu au Québec. Ils s'y intéresseront si leurs opinions signifient quelque chose. La qualité de l'école passe par le pouvoir des parents: ils doivent pouvoir juger l'école et son personnel. Ils doivent pouvoir comparer pour choisir dans l'intérêt de leurs enfants. C'est pourquoi il est si important que les enseignants soient évalués, et que les bons soient reconnus et valorisés.  
  
          (...) Actuellement, les bons professeurs sont tenus cachés ou presque. Tout le système contribue à ce qu'ils ne soient pas identifiés, reconnus. Ils sont noyés dans un système d'éducation impersonnel qui ne tient aucun compte des qualités et des défauts des enseignants en chair et en os que l'on trouve dans les salles de cours. La convention collective, la loi en éducation, impose la règle du commun dénominateur, de la standardisation: tout le monde il est égal, tout le monde il est pareil. Selon cette loi qui a cours en éducation, tous les profs se valent une fois entrés dans le système. Ils sont interchangeables. Subitement, par une opération de l'esprit de la convention collective, ils n'y a plus de professeurs médiocres qui en côtoient d'excellents; miraculeusement, la règle de l'ancienneté aplanit les écarts injustes de compétence et de motivation. La convention collective vient corriger les injustices de cette vilaine mère nature qui n'a pas eu ce réflexe syndicaliste de nous faire tous égaux. » 
  
 
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