Montréal, 9 décembre 2000  /  No 73
 
 
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Martin Masse est directeur du QL. La page du directeur.
 
BILAN ET PROSPECTIVE
  
L'EXEMPLE DU PASSÉ QUÉBÉCOIS
À L'ORÉE DU 21e SIÈCLE
 
par Martin Masse
  
  
          Quelle image nous vient spontanément à l'esprit lorsqu'on parle du Canada français dit « traditionnel », celui d'avant les années 1960? Ce qu'une certaine mythologie officielle nous a mis dans la tête, c'est que nous étions alors un pauvre petit peuple de paysans et de prolétaires, opprimés d'un côté par les boss anglais et de l'autre par le clergé, peu éduqués et ignorants du monde extérieur, à la mentalité conservatrice et même réfractaire au progrès. Nos ancêtres seraient restés à l'écart des grands courants culturels et économiques du monde occidental, l'industrialisation et l'urbanisation leur auraient pratiquement été imposés de force.
 
          C'est à se demander comment il se fait qu'en 1950, cette société arriérée était malgré tout l'une des plus riches et des plus développées de la planète, et non une poche de Tiers-Monde en Amérique du Nord! 
  
          Cette vision misérabiliste est pourtant battue en brèche depuis un bon moment déjà par les historiens professionnels, qui ont découvert que le passé québécois est loin d'être aussi sombre. Mais toute une génération de journalistes, enseignants, politiciens, commentateurs, écrivains, sociologues et politologues nationalo-gauchistes s'est employée à propager ce mythe pour justifier les bouleversements qui ont eu lieu depuis la Révolution tranquille, quand nous avons enfin « accédé à la modernité » suite à l'expansion du rôle de l'État provincial et à la montée du nationalisme québécois. Cette interprétation a évidemment l'avantage de donner le beau rôle à ceux qui ont pris le contrôle des postes de commande, des « leviers de l'État », et de faire passer tout ce qui a précédé pour une période de « grande noirceur ». 
  
          Cette propagande a complètement réussi à nous couper de nos racines historiques. Pourquoi s'intéresser à un passé si dépourvu de sens, de valeur, de pertinence pour nous aujourd'hui? 
  
          Cette génération qui a dominé les années 1960 à 1990 est cependant en voie de passer elle-même à l'histoire et sa propagande n'a plus exactement le même impact sur ceux qui la suivent. Qui plus est, un intérêt grandissant pour l'histoire du Québec et du Canada semble se manifester depuis quelque temps, dont la série diffusée ces jours-ci à Radio-Canada n'est que le point culminant. Cet intérêt nouveau pourrait permettre à une nouvelle génération de jeter un regard neuf sur ce passé mal aimé et de renouer avec certains aspects dénigrés ou oubliés de l'histoire québécoise. 
  
De brèches en brèches 
  
          Une brèche est d'abord survenue dans la mythologie officielle en 1999. Pendant l'été, une série d'événements ont eu lieu à Trois-Rivières pour commémorer le 40e anniversaire du décès de Maurice Duplessis. Tous ceux qui sont nés après 1960 n'ont entendu que du mal de cet homme – habituellement réduit à une caricature de despote moyenâgeux – de son gouvernement et de l'époque pendant laquelle il a été premier ministre. Pour la première fois, on entendait pourtant un autre son de cloche. On voyait à la télé ou lisait dans les journaux des gens qui affirmaient que la « grande noirceur » était une exagération ou un mensonge, que la vie n'était pas du tout épouvantable sous le règne du « cheuf » unioniste, que le Québec connaissait même une croissance économique impressionnante et que son développement se comparait à celui des autres sociétés riches. 
  
          Quelques mois plus tôt, notre ami et collaborateur Jean-Luc Migué publiait par ailleurs Étatisme et déclin du Québec: Bilan de la Révolution tranquille (voir ÉTATISME ET DÉCLIN DU QUÉBEC, le QL, no 45), un essai qui renversait la vision conventionnelle et affirmait que la Révolution tranquille, loin d'être la période d'effervescence qui a permis au Québec d'accéder à la modernité et de rattraper ses retards, s'est au contraire soldée par une dégénérescence économique, politique et sociale suite à une croissance spectaculaire de l'État. C'est à partir de ce moment que l'écart entre le niveau de vie des Québécois et des Ontariens a commencé à s'accroître, que le déclin de Montréal s'est accéléré au profit de Toronto, que les conflits linguistiques et politiques ont empiré, que des secteurs comme la santé et l'éducation ont subi les assauts d'une bureaucratie toujours plus envahissante. Le Québec reste bien sûr une société dynamique avec un niveau de vie enviable, mais c'est notre intégration à l'économie capitaliste nord-américaine qui nous apporte ces bienfaits. Tous les secteurs contrôlés par l'État sont, eux, perpétuellement en crise. 
  
          Le livre est resté plusieurs semaines sur la liste des best-sellers et a suscité de nombreuses réactions. Il tombait juste au bon moment. Le chef libéral Jean Charest avait lui aussi suscité la controverse en affirmant pendant la campagne électorale de l'automne 1998 qu'il faudrait peut-être remettre en question certains aspects trop bureaucratiques et interventionnistes du « modèle québécois » issu de la Révolution tranquille. Le chef syndical Gérald Larose, oh surprise!, tenait des propos en apparence similaires à la même période (voir LE TESTAMENT DE GÉRALD LAROSE, le QL, no 37). À l'automne 1999 enfin, une série de quatre émissions au Point de Radio-Canada se penchait sur l'héritage de la Révolution tranquille et sa remise en question, et mettait en scène aussi bien des artisans des réformes de l'époque qui n'en disaient que du bien que des critiques, entre autres M. Migué, moi-même et mes collègues du QL, qui n'y voyaient qu'une pernicieuse poussée d'étatisme. 
  
          Alors que le gouvernement péquiste se met à dos la moitié de la province avec son projet de fusions forcées des municipalités, un projet qui devrait « compléter la Révolution tranquille en faisant en sorte que le morcellement des pouvoirs cesse », dixit le premier ministre, le climat intellectuel semble donc plus propice que jamais à une remise en question de l'évolution étatiste des quarante dernières années et à une réévaluation plus positive du Québec d'avant cette période. Ma prédiction pour le 21e siècle qui s'amorce est que ce qu'on va notamment découvrir dans ce Canada français « traditionnel », c'est une société beaucoup plus libre, dans le sens politique et légal du terme, que ce qu'on cru jusqu'ici. C'est également – et il ne s'agit bien sûr pas d'une coïncidence – une tradition anti-étatiste qui a dominé aussi bien la politique que les débats idéologiques jusqu'au milieu du 20e siècle. 
  
Le conservatisme clérico-nationaliste 
  
          L'histoire est loin d'être une discipline parfaitement objective, et même ceux qui se gargarisent de la justesse des « faits » qu'ils rapportent en proposent souvent une interprétation tellement biaisée qu'elle fausse tout à fait la compréhension du phénomène historique qu'elle entend éclairer. 
  
          Avec ses collègues Maurice Séguin et Guy Frégault, tous trois disciples de Lionel Groulx à l'Université de Montréal, l'historien ultranationaliste Michel Brunet fut sans doute celui qui a le plus influencé ce qui est devenu la version misérabiliste officielle, lui qui voyait dans la Conquête l'élément central de l'histoire du Québec et pour qui les Canadiens français ne pourraient devenir un peuple normal qu'en défaisant les effets de cette colonisation. Pour cela, une prise en charge de la société par un État fort contrôlé par des Canadiens français, en l'occurrence l'État provincial québécois, s'avérait selon lui nécessaire. M. Brunet anticipait déjà, dans les années 1950, la solution étatiste qu'allait adopter toute l'élite politique et intellectuelle à partir de 1960. 
  
  
     « L'histoire est loin d'être une discipline parfaitement objective, et même ceux qui se gargarisent de la justesse des "faits" qu'ils rapportent en proposent souvent une interprétation tellement biaisée qu'elle fausse tout à fait la compréhension du phénomène historique qu'elle entend éclairer. » 
 
 
          Qu'on soit d'accord ou non avec l'interprétation de l'historien, et même en tenant compte des exagérations inévitables dans une écriture polémique comme celle de Brunet, la lecture de son texte classique « Trois dominantes de la pensée canadienne-française: l'agriculturisme, l'anti-étatisme et le messianisme » ne laisse en tout cas aucun doute sur l'existence d'une tradition anti-étatiste au Québec, tradition qui l'horripilait au plus haut point. Voici un extrait de ce texte publié une première fois en 1957 et repris dans le recueil La présence anglaise et les Canadiens (1958): 
          La pensée canadienne-française officielle, même dans les milieux les moins touchés par les préjugés agriculturistes, demeure encore profondément anti-étatiste. Cette attitude étrange ne peut qu'étonner tout observateur qui a étudié l'histoire économique du Canada anglais et des États-Unis. En Amérique du Nord, l'État n'a jamais suivi aveuglément la doctrine du laissez faire. Où, d'ailleurs, l'économie libérale classique a-t-elle été appliquée intégralement? Quoi qu'il en soit, au Canada anglais et aux États-Unis, les gouvernements sont toujours intervenus pour promouvoir la mise en valeur de ces pays neufs. Ceux-ci ne furent pas uniquement l'oeuvre de l'entreprise privée. Même si les défenseurs de la free enterprise prétendent le contraire. [...] 
  
          Quant aux Canadiens français, ils ont longtemps pensé – et plusieurs de leurs dirigeants le pensent encore – qu'ils réussiraient à organiser leur vie économique et sociale sans l'aide d'un gouvernement mis à leur service. Depuis 1867, ils possèdent un État provincial. Cette accquisition représente leur victoire la plus importante depuis la Conquête. Beaucoup plus importante que la reconnaissance officielle de la langue française en 1848! Ce gouvernement, qu'ils ont obtenu 107 ans après avoir été privés de celui qu'ils avaient avant de tomber sous une domination étrangère, les Canadiens français ignorent encore comment s'en servir. De génération en génération, les principaux porte-parole de la société canadienne-française ont toujours cherché à restreindre l'autorité du gouvernement québécois. [...] 
  
          Vaincus et conquis, séparés de leur métropole, privés d'une classe d'entrepreneurs, pauvres et isolés, ignorants, réduits en minorité dans le pays que leurs ancêtres avaient fondé, colonisés par un capitalisme absentéiste, les Canadiens français avaient absolument besoin d'une intervention vigilante de leur État provincial. Celui-ci, par une action méthodique et éclairée, aurait pu les aider à se mériter une survivance moins anémique. Les nations riches et puissantes, jouissant de conditions favorables à leur épanouissement, ont acquis et maintenu leur force en s'appuyant sur leurs gouvernements. À plus forte raison, il est évident que l'État doit jouer un rôle primordial chez une nation faible et menacée. Tout au contraire, la pensée canadienne-française a nourri une véritable phobie de l'État. Celui-ci apparut comme un agent indigne dont il fallait se méfier. Cet anti-étatisme systématique d'un caractère purement émotif donna naissance à une doctrine quasi-anarchique selon laquelle les Canadiens français et leurs institutions devaient tendre à se libérer de toute tutelle gouvernementale. (p. 142-145)
          C'est littéralement le monde à l'envers! Il est clair que pour Brunet, l'anti-étatisme canadien-français était un signe de colonisation mentale, une caractéristique anormale qui nous distinguait du reste du continent où régnait au contraire une saine propension à l'interventionnisme. Cette description est tellement éloignée de notre réalité un demi-siècle plus tard qu'on a peine à croire qu'il s'agit de la même société. En ce sens, il faut bien admettre que la « Révolution tranquille » a bel et bien engendré une révolution dans les mentalités. 
  
          Même s'il mélange un peu les choses, ce à quoi Michel Brunet réfère dans ce texte qui traite également du messianisme religieux et de l'agriculturisme (l'idéologie qui glorifie la société rurale et s'oppose à l'urbanisation et à l'industrialisation), c'est non seulement au libéralisme classique mais aussi au conservatisme clérico-nationaliste qui constitue l'une des branches les plus importantes de la tradition intellectuelle canadienne-française. Ce courant, dans sa version ultramontaine la plus réactionnaire, peut facilement glisser vers un autoritarisme intolérant qui n'a rien de libertarien. Au Québec toutefois, malgré les interminables dénonciations du pouvoir des curés et des évêques qu'on a pu entendre, il n'a jamais dominé et a été contrebalancé par un fort courant libéral et un encadrement politique de tradition anglaise où les droits individuels étaient bien protégés(1). Les catholiques se retrouvaient de toute façon en minorité au Canada, ce qui a forcé les ultramontains et les exaltés à modérer leur ardeur et à faire des compromis lors de nombreuses crises politiques.  
  
          Malgré leurs divergences et même leur opposition radicale sur plusieurs points, ces deux courants partagent un même anti-étatisme, attitude qui s'est donc par le fait même trouvée renforcée dans une sorte de « consensus social » comme Lucien Bouchard les aime. 
  
Le libéralisme classique 
  
          Ce libéralisme classique, ce n'est d'ailleurs que tout récemment que les historiens l'ont redécouvert. La génération de Michel Brunet, obnubilée par l'influence cléricale et la vision simpliste du pauvre peuple « privé d'une classe d'entrepreneurs, pauvre et isolé, ignorant » et étranger à la vie économique et industrielle, y a peu porté attention. Et pourtant, on constate qu'en 1850, le journaliste le plus connu de l'époque, Étienne Parent, vantait les mérites du capitalisme et du libre-échange et encourageait ses compatriotes à se lancer plus nombreux dans l'industrie (voir UN LIBÉRAL CLASSIQUE CANADIEN-FRANÇAIS, le QL, no 65). 
  
          Les hommes d'affaires canadien-français, même s'ils n'avaient pas la puissance économique de leurs concurrents anglophones, ont en fait toujours formé une composante importante et influente de la société québécoise. Au tournant du siècle, comme le décrit l'historienne Fernande Roy dans Progrès, harmonie, liberté: Le libéralisme des milieux d'affaires francophones de Montréal au tournant du siècle (1988), la perspective libérale dominait la presse urbaine à grande tirage et les publications d'affaires telles que Le Moniteur du commerce. 
  
          Dans un autre petit bouquin sur l'Histoire des idéologies au Québec aux XIXe et XXe siècles (1993), qui se lit pratiquement comme une histoire du libéralisme québécois tellement Fernande Roy en conclut à son influence prédominante pendant 150 ans, l'auteure décrit le « progrès à la manière libérale » tel qu'on le conçoit à la fin du 19e siècle: 
          Mais quel est donc ce progrès? Si l'on se fie aux hommes d'affaires canadiens-français, le progrès, c'est d'abord la réussite matérielle. Comment y arriver? Une petite recette individualiste: travail, économie, intégrité, persévérance, voilà la route du succès. Fermant les yeux sur les inégalités réelles et criantes, les hommes d'affaires sont péremptoires: « c'est à chacun de faire son chemin ici-bas », et tous les individus sont également libres et responsables de leur réussite ou de leur échec, de leur bonheur ou de leur malheur. 
  
          Le bonheur, pour un individu, consiste précisément à réussir dans ses entreprises matérielles et à acquérir une fortune. Le seul moyen d'y parvenir, c'est de garantir la propriété privée et la liberté individuelle. Le XIXe siècle est acclamé comme un « siècle de progrès », parce que s'y sont développés les droits de la propriété privée et, bien sûr, ceux des propriétaires. Ce credo libéral est largement répandu dans la société québécoise de l'époque, bien au-delà des milieux d'affaires. Au XIXe siècle, clame-t-on, les hommes sont les fils de leurs oeuvres. Ce mythe est propagé à travers les success stories publiées à profusion dans la presse urbaine. [...] 
  
          Adeptes de l'économie politique libérale, les propriétaires de petites et moyennes entreprises canadiennes-françaises affirment avec beaucoup d'enthousiasme leur volonté de participer pleinement au développement et à la croissance économiques, c'est-à-dire, dans leur vocabulaire, au progrès. 
  
          C'est bien à tort que l'on a voulu restreindre l'adhésion à ce type d'idéaux à la seule communauté anglophone. On a abusivement attribué à tous les Canadiens français le point de vue des ultramontains qui, bien sûr, endossent alors une autre échelle de valeurs. (p. 56-58)
          On le constate, même si elle a le mérite de relater l'histoire du libéralisme et de le faire sur un ton relativement neutre, Fernande Roy ne présente pas nécessairement une image positive du phénomène. Être responsable de ses succès et ses échecs est non seulement un « mythe » véhiculé par les libéraux, mais on voit par exemple surgir sous sa plume les clichés socialistes habituels sur les « ravages sociaux du développement capitaliste » auxquels l'État n'a pas su remédier. 
  
Redonner vie à la perspective anti-étatiste 
  
          Il faut chercher longtemps pour trouver des textes qui présentent de façon positive l'état de la société canadienne-française au 19e siècle et au début du 20e, et qui attribuent cette situation à la présence d'un État minimal et à la grande liberté dont jouissaient les Canadiens. On ne connaît actuellement aucun historien québécois professant une perspective libertarienne qui pourrait interpréter les faits du passé d'une façon qui ne soit pas déformée par les préjugés socialistes et nationalistes. Cela viendra peut-être dans un avenir prochain mais, pour le moment, ce sont les amateurs comme votre serviteur qui défrichent ce terrain. 
  
           Ces rares textes sont difficiles à trouver mais on peut au moins maintenant les diffuser facilement sur internet. Ceux qui les ont écrits sont des hommes de cette époque, qui ont pu relater l'histoire sans les déformations de l'idéologie anticapitaliste et antilibérale qui a commencé à balayer les milieux intellectuels dès les années 1930. Ils n'étaient pas non plus des historiens professionnels spécialisés dans l'histoire canadienne – un champ d'étude universitaire qui n'existait pas ici jusqu'à ce que le chanoine Groulx obtienne un premier poste à l'Université de Montréal en 1915 –, ce qui diminue d'autant leur crédibilité chez les historiens contemporains. Leurs écrits permettent malgré tout d'entrevoir une réalité qui ne demande qu'à être redécouverte. Les courts extraits de livres d'Alfred DeCelles publiés il y a quelques mois et dans le présent numéro (voir LE BON VIEUX TEMPS... DANS LE BAS-CANADA LIBERTARIEN) sont à cet égard des témoignages précieux et étonnants. 
  
          Ceux qui veulent influencer le présent doivent avoir une interprétation du passé qui justifie et s'accorde avec leur vision de l'avenir. La mythologie misérabiliste mettant en scène un petit peuple opprimé qui doit se libérer des méchants Anglais et des capitalistes a jusqu'ici bien servi les nationalo-étatistes. Le défi pour les prochaines années sera de profiter de la remise en question des « acquis » de la Révolution tranquille, de l'intérêt croissant qui se manifeste pour l'histoire du Québec et du Canada et des recherches les plus récentes des historiens pour redonner vie à cette perspective libertarienne et anti-étatiste. 
  
  
1. Il est indéniable que l'Église catholique a toujours eu des privilèges immenses comme institution en Nouvelle-France et au Québec. Sauf qu'il y a tout de même une distinction importante à faire entre pression sociale et coercition légale, distinction que les anticléricaux militants qui prétendent que les curés dominaient tout et que les évêques n'étaient que de petits dictateurs ont intérêt à brouiller. Dans une société où la majorité est composée de fervents catholiques et où la religion exerce une très forte influence intellectuelle, culturelle, morale, sociale et même politique, ceux qui refusent de suivre le troupeau vont se faire dénoncer le dimanche à l'église et ostraciser par la bonne société. Sauf qu'il n'y a pas un homme armé de l'État, comme mon ami Pierre Lemieux se plaît à le dire, au bout du processus de « répression », comme lorsqu'il s'agit de faire respecter les lois du gouvernement. Il y a simplement des excommunications, des dénonciations, des airs bêtes de voisins et de parents, des dénis d'inhumation en terre consacrée, des contrats perdus, etc. D'un point de vue libertarien, la différence est cruciale et devrait être faite.
Ceux qui ont subi cet ostracisme n'arrêtent pas de nous parler du Québec traditionnel comme d'une société totalitaire, sauf que dans la loi, les gens étaient plus libres que nous et pouvaient tout de même décider de ne pas suivre le troupeau et les mandements s'ils étaient prêts à en payer les coûts social et économique. Cette exagération du pouvoir de l'Église – et la confusion qui en découle – est à la source de bien des problèmes d'interprétation historique.  >>
  
  
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