Montréal, 28 avril 2001  /  No 82
 
 
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COURRIER DES LECTEURS
  
UNE BOUFFÉE D'AIR FRAIS
 
 
Bonjour, 
  
          J'ai lu avec beaucoup de plaisir votre texte intitulé LA LANGUE DE L'ÉTAT dans le QL du 31 mars. Comme il est rafraîchissant de voir que ce genre d'opinion puisse s'exprimer avec autant de lucidité dans le marasme socio-politique qui prévaut actuellement au Québec. 
  
          En tant que jeune Québécois natif d'ici (mais de parents immigrés), j'ai passé les vingt dernières années à essayer de comprendre pourquoi cette mentalité nationaliste malsaine continue à accabler un peuple si dynamique et jovial. Ayant fréquenté l'école anglaise (programme d'immersion française au secondaire) jusqu'au Cégep (et ensuite diplômé de l'Université de Montréal comme vous), je n'ai jamais pu tolérer la loi 101 ni la façon dont elle est appliquée. Malgré les bonnes intentions qui les motivaient, les lois linguistiques demeurent le symbole d'un ultranationalisme répugnant et totalitaire. Un point c'est tout. 
  
          Bonne chance dans votre carrière et merci encore de m'avoir donné ce petit souffle d'air frais. 
  
  
Pierre Aslanian, M.D.
Montréal
  
  
 
 
 
 
 LE LIBERTARIANISME NE VAUT PAS UN CLOU
  
  
Mesdames, messieurs, 
  
          J'ai découvert par hasard votre webzine en m'intéressant au mouvement libertarien, par le biais du site de Pierre Lemieux, le « père » de l'anarcho-capitalisme. Il m'arrive de faire une tournée des textes dans vos archives, histoire de me faire une bonne idée de l'idéologie libertarienne. Étudiant en science politique, je me suis intéressé de près au mouvement libertarien et à l'influence qu'il peut exercer en politique et en économie. Je tient à vous faire part de quelques commentaires. Je crains de ne pas être en accord avec ce que vous proposez et dénoncez, loin de là, ni d'ailleurs sur la forme de vos propos, si vous tenez à partager au plus grand nombre les principes de votre idéologies. 
  
          D'une part, le libertarianisme est une idéologie, comme toutes les autres connues et élaborées. Le nier serait vous mentir à vous-même. Comme l'écrivait Hannah Arendt dans ses études sur le totalitarisme, l'idéologie tend à tout expliquer et à imposer sa vérité, même si elle n'est pas liée à une forme de pouvoir. À travers vos articles, on le remarque tout de suite: VOUS avez la vérité, VOUS savez ce qui ne va pas et VOUS avez une solution à tout. C'est là d'ailleurs un point faible de votre argumentation, car trop souvent vous prenez ce que vous croyez pour la vérité, voire même scientifiquement prouvée étant donné la place centrale de l'économisme de vos formations respectives. Vous avez donc fait le même chemin que vos adversaires marxistes-léninistes, eux aussi empêtrés dans le « scientifisme » de leur idéologie. Inutile de vous dire comment vos propos tranchants et absolus ont suscités chez moi une méfiance toute naturelle, même de la part des adversaires ultimes de l'autoritarisme du concept d'État. 
  
          Malgré tout le sérieux pris pour écrire vos textes, on constate qu'ils ne sont pas adressés à un public auquel on tient à convaincre, bien que ce soit tout le sens de la construction de la plupart des éditoriaux, articles, chroniques et billets. Au contraire, on dirait qu'ils sont pour les convaincus. Le tout dit « iconoclaste » est aussi désagréable et repoussant que le dogmatisme des journalistes du Marxiste-Léniniste ou des Cahiers du socialisme – ici la différence est que le parasite chez vous est l'individu qui ne produit rien qui soit quantifiable ou monnayable, alors qu'à l'opposé, c'est le bourgeois. Pour le reste, on assiste à de nombreuses diatribes qui minent la crédibilité du rédacteur. Il est difficile de prendre au sérieux autant M. Migué que Mme Pellerin, cette dernière a apparemment l'ambition d'atteindre des sommets dans la démagogie et le sophisme, en croyant cela comme étant une preuve de sa qualité de « non-conformiste ». Rush Limbaugh, ce grand conservateur américain aussi, se voit en libre-penseur. 
  
          L'élément majeur manquant à votre magazine, c'est ce que les socialistes possèdent depuis longtemps: la capacité de faire une autocritique sur soi et sur l'état de ses idées. Dans le Québécois Libre, rien de tel, uniquement l'enlisement et la répétition du même credo, la même pensée magique, le même mantra récité à des convaincus. Malgré tous les efforts déployés, ce dont on ne peut nier, vous en serez là encore à vous plaindre de l'État, alors que les « néo-gauchistes » auront fait le plein de militants convaincus et accrochés à tout ce que vous détestez, comme l'État, les subventions, l'interventionnisme, la réglementation, etc. Chez eux, le combat contre le néolibéralisme est concret; ici, le libertarianisme végète, répétant les erreurs du marxisme-léninisme. C'est à souhaiter qu'il en demeure ainsi, car malgré vos plaintes, c'est dans le sens de vos souhaits que la société évolue, par le biais des partis politiques ayant adopté le credo néolibéral. D'autres collègues me disaient d'ailleurs que vos plaintes sont loin d'être justifiées, tant l'économisme triomphant semble être le leitmotiv des gouvernements si détestés. 
  
          Finalement, l'impression de fonctionner en vase clos demeure tout au long de la lecture de vos textes. Ici, M. Masse propose un budget libertarien où il coupe tout aux parasites. Exercice de style peut-être, mais aussi peu de nuance qu'un brûlot anarchiste. Là, Mme Pellerin peste contre les HLM (et un tas d'autres choses, à croire qu'elle n'aime rien), que le CATO Institute en serait gêné. Aucun regard extérieur, aucune révision: tout le risque de l'idéologie, rongée par sa propre logique de la « vérité révélée » entraînant l'idéologie elle-même dans l'autoritarisme, aussi anti-étatique soit-elle. 
  
          Le libertarianisme, tel que véhiculé par votre magazine, ne vaut pas un clou. 
  
          Bien à vous, 
  
Alain Pérusse
 
 
Réponse de Hervé Duray: 
  
Monsieur Pérusse, 
  
          Ce n'est pas un point faible de notre argumentation que de nous appuyer sur des auteurs dont le point de départ n'est pas comme vous semblez le penser, la science, mais l'étude de l'homme. Le titre de la « bible » libertarienne dans la perspective de l'École autrichienne n'est-il pas L'action humaine de Mises? Si le raisonnement logique est scientifique, je veux bien admettre que je suis un scientiste! Mais le scientisme est l'application déplacée de la science à l'action humaine, et donc cette accusation est infondée. 
  
          « Inutile de vous dire comment vos propos tranchants et absolus ont suscités chez moi une méfiance toute naturelle. » Justement les libertariens, par la nature même de leur engagement ne cherchent pas à faire une nouvelle génération de « malgré nous » (les soldats français enrôlés de force dans l'armée allemande d'Hitler). Puisque notre principe de base est « vivez libres », nous n'allons pas chercher à imposer nos vues sur les autres. Le fait est que dans la vision biaisée des collectivistes, refuser le collectivisme équivaudrait à vouloir imposer le libertarianisme ou le libéralisme. Or, ce n'est nullement le cas. Après tout, dans le cadre de micro-États, pourquoi ne pourrait-il pas y avoir de communautés libertariennes comme il y aurait des kolkhozes? Même si je sais pertinemment qu'après quelques années, les kolkhozes fermeront tous et leurs habitants viendront rejoindre les États libéraux, il n'en reste pas moins que l'expérience sera possible et que tous seront libres d'adopter un mode de vie collectiviste. 
 
          Nous pestons contre les parasites? Vous devez ignorer que les parasites humains n'ont rien de ceux du règne animal. Les parasites animaux remplissent souvent une fonction positive: ils éliminent les déchets, ils enlèvent d'autres parasites nuisibles, etc... Les parasites humains ne font qu'une chose: ils phagocytent. Ils mangent le pain des autres. Ils sont nuisibles. 
  
          Les cinéastes téteux de subventions? Nuisibles. Ils prennent l'argent que certains auraient consacré à acheter des yaourts pour produire des films. La SNCF en France? Nuisible: 60 milliards de francs pour faire rouler des trains, c'est autant de caddies non remplis, de logements non construits ou de policiers manquant dans les rues. Les parasites sont nuisibles car ils faussent le marché. Ils détournent des ressources à leur profit, sur pression politique. 
 
          « L'élément majeur manquant à votre magazine, c'est ce que les socialistes possèdent depuis longtemps: la capacité de faire une autocritique sur soi et sur l'état de ses idées. » Hum, effectivement l'autocritique a été salutaire pour Moscou, Cuba, la Chine Populaire, le Vietnam ou la Corée du Nord. Cauecescu a dû oublié de la faire par contre.  
 
          L'autocritique pratiquée par nos socialistes n'est qu'un discours. En France, elle n'a jamais été faite ni revendiquée. Quel socialiste a répudié l'URSS et ses millions de morts? Je me souviens encore de la sortie du livre de Stéphane Courtois, Le livre noir du communisme. Tollé général dans la classe politique française! Être confronté à son passé sanglant et le dénoncer, ce n'est pas possible en France. 

          Quant aux libertariens, je ne vois pas de quoi on pourrait faire une « autocritique » sachant qu'il n'y a jamais eu d'expérience libertarienne continue dans le monde. Juste quelques bribes par ci par là, comme au Chili (sur le plan économique uniquement) ou en Nouvelle-Zélande. Par contre, le débat existe bien chez les libertariens: la peine de mort? l'avortement? l'écologie? Ce sont des sujets qui prêtent à de nombreux débats. 

          « ...vous en serez là encore à vous plaindre de l'État, alors que les "néo-gauchistes" auront fait le plein de militants convaincus et accrochés à tout ce que vous détestez, comme l'État, les subventions, l'interventionnisme, la réglementation, etc. » C'est en effet tellement plus facile d'accrocher les gens à coups de subventions qu'avec notre discours qui demande d'être responsable! 
  
          Nous accuser de ne pas être concrets est proprement ridicule: les taxes, les cartes d'identité, les permis divers, les lois et les subventions ne sont-elles pas concrètes? D'ailleurs vous écrivez ensuite: « M. Masse propose un budget libertarien où il coupe tout aux parasites. » Voilà du concret, non? D'autre part, il n'existe pas d'Internationale libertarienne qui mobilise des milliers de personnes pour ensuite saccager une ville sous le prétexte que des chefs d'État se rassemblent pour prendre un café et s'auto-légitimer en discutant de ceci ou de cela. D'ailleurs, je ne pense pas que ce soit le mode d'action choisi par des libertariens respectueux de la propriété privée. 
  
          Que la société évolue vers le libéralisme, j'en doute, au vu des milliers de lois pondues chaque année, des restrictions toujours plus nombreuses! La liberté économique progresse sur un seul plan quasiment: celui des échanges internationaux, et encore, dans un cadre hyper-réglementé, de traités et de subventions partout! 

          Pour finir: « Aucun regard extérieur, aucune révision: tout le risque de l'idéologie, rongée par sa propre logique de la "vérité révélée" entraînant l'idéologie elle-même dans l'autoritarisme. » Ce qui tourne en rond, c'est la logique gouvernementale qui légifère et légifère à tout va. Je ne fais que constater le mal et dire qu'il existe des solutions (voir à ce sujet mon article sur les médiateurs dans cette même édition du QL). 
  
          Quant à l'accusation d'autoritarisme, encore une fois, je serai humble: je ne détiens pas LA vérité. Mais laissez-moi appliquer la mienne. Faites ce que vous voulez, vous, mais faites-le sans moi. 
 
H. D. 
  
  
  

  
  
 
LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ... ET JOSÉ BOVÉ
 
 
Re: JOSÉ BOVÉ ET LES RÉFLEXES MERCANTILISTES DE LA FRANCE, le QL, no 64. 
  
          Alternative? Il n'y en a pas puisque les États-Unis décident de tout, surtout si ça leur rapportent. Violation d'un McDonald's « ILLÉGITIME »? C'est clair que nous devons changer les lois contre la prolifération de franchisés qui n'ont que pour but de nous faire manger, penser, parler américain. 

          La devise de notre pays est bien liberté, égalité, fraternité? Pour ma part j'entends bien défendre ces valeurs qui n'ont rien à voir avec le protectionnisme. 

          Liberté? Alors que nous ne sommes même plus en droit de décider pour nous-mêmes au nom de l'économie mondiale. C'est la faute à nos dirigeants qui sont, tout comme vous, les clebards dociles de l'administration américaine à la solde des multinationales. 

          Égalité? Alors qu'une poignée de personnes peuvent décider que tel site de production ne rapporte pas assez au nom des fonds de pension, rayent d'un coup de stylo la vie entière de milliers de personnes.  

          Fraternité? Un pays qui ne soigne pas gratuitement ses malades a franchement des questions à se poser. Vous vous faites le défenseur acharné de ce nouvel ordre mondial dirigé par, je le rappelle, une poignée de personnes. 

          Même si selon vous, Bové et ses nanards ne sont que le reflet de la monarchie de juillet, il n'attend pas qu'on lui donne un os à ronger. Mon pauvre ami, vous qui écrivez dans le Québécois libre, vous allez avoir fort à faire pour vous libérer si vous soutenez ce genre de propos. Québec une étoile de plus sur le drapeau américain? 
  
          La France est loin d'être parfaite, loin de là. Je ne partage pas tout ce que dit Bové. En attendant, vous critiquez, mais que faites vous? Peut-être avez-vous nombre d'actions? 
  

Yad
 
 Réponse d'Olivier Golinvaux: 
  
Monsieur Yad, 
  
          Je prends bonne note et vous remercie pour vos réflexions, qui nous éclairent sur deux points. Elles nous montrent tout d'abord que vous avez fort mal lu les articles publiés dans ce journal: je vous défie en effet d'en trouver un qui fasse l'apologie de l'État américain comme vous le suggérez. Mais je vous excuse, tant il est normal qu'en bon Français, vous preniez l'économie de marché pour une sécrétion de l'administration américaine; oubliant par là même que cette administration étouffe le marché là-bas comme les autres administrations publiques le font partout ailleurs. 
  
          Vos remarques nous montrent ensuite combien il est facile de s'embourber dans un marécage de contradictions lorsqu'on « réfléchit » à partir des lieux communs à la mode chez nous. Je pense que la lecture de votre lettre se suffit à elle-même et qu'il n'est nul besoin d'en faire une analyse au scalpel pour se rendre compte que vous défendez un protectionnisme pur et dur tout en en refusant l'étiquette. 
  
          Eh oui! Dans la culture politique et juridique française que vous affectionnez, fuir une étiquette que l'on condamne sur un fondement émotionnel – Beurk! Pas bô! – tout en avalant goulument le contenu du paquet est, il est vrai, une figure de style pratiquement incontournable... Cocorico! Vous voulez des réponses à vos arguments protectionnistes? Relisez mon article, ainsi que tant d'autres certainement beaucoup mieux écrits qui traitent du sujet. (Voir À BAS L'OMC, VIVE LE LIBRE ÉCHANGE! de Martin Masse.) 
  
          Vous êtes partisan d'un monde statique, figé à coups de gourdin législatif dans la pose du monde parfait de vos rêves? Vous êtes prêt à abdiquer votre liberté de choix à quelques énarques dans l'espoir qu'ils interdisent à vos semblables de manger des hamburgers, d'écouter Mariah Carey, de boire du Coke et de se précipiter au cinoche pour voir le dernier Ridley Scott? Assumez-le! 
  
          Bien cordialement, 
  
O. G.
 
 
 
ATTENTION!
          Si vous en avez marre de vivre dans une société où l'hystérie nationaliste domine tous les débats; dans un pays où les taxes, les réglementations omniprésentes et le paternalisme des gouvernements briment la liberté individuelle et restreignent le dynamisme économique; dans une culture où le moutonnisme et l'égalité dans la médiocrité sont plus valorisés que l'individualisme et la compétition; dans un monde intellectuel où les soi-disant « consensus nationaux » promus par une élite déconnectée servent de prétexte pour éviter les débats rationnels; 
   
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