Montreal, 15 septembre 2001  /  No 88  
 
<< page précédente 
 
 
 
 
ÉCRIVEZ-NOUS
 
     Vous n'êtes pas d'accord avec le contenu d'un article? Vous avez une opinion à partager?
 
 
     LE QUÉBÉCOIS LIBRE publiera toutes les lettres pertinentes. N'oubliez pas d'écrire vos nom et lieu de résidence. We also accept letters in English.
 
CCOURRIER DES LECTEURS I
 
UNE MÉCONNAISSANCE PROFONDE DES PRINCIPES ÉCONOMIQUES EN FRANCE
  
 
Madame, Monsieur, 
  
          Permettez-moi de vous féliciter pour votre site. Comme vous, je suis las d’entendre les mêmes refrains qui ont l’air sérieux, qui ressemblent à de l’analyse « citoyenne »… mais qui ne sont que superstitions et reflets d’une ignorance grandissante. 
  
          Les gourous de l’association – la secte? – ATTAC sont devenus les consultants officiels de nos journalistes patentés, les nouveaux experts ès mondialisation qui s’approprient la rue et monopolisent le système éducatif et la scène médiatique. Et dire que l’on nous ressasse que l’Europe est menacée par la montée de l’extrême droite alors que ce sont les cadres de l’extrême gauche qui sévissent au plus haut niveau des institutions et des médias. Ces individus, qui se proclament éclairés, font naître des espoirs qui ne sont illusions, des aspirations qui ne peuvent que se briser sur le réel et jouent sur les peurs ancestrales de tous ceux qui abdiquent, par lassitude ou par lâcheté, devant la connaissance.
 
          Il est de plus en plus difficile de faire comprendre aux Français combien on caricature l’analyse économique en ce pays. Pourtant, ce ne sont pas les outils pédagogiques et les bons manuels qui manquent de nos jours. Mais, que faire face aux puissants flots des médias qui tombent systématiquement dans le réflexe des préjugés les plus faciles et les raccourcis les plus dogmatiques? Les questions essentielles de la théorie économique sont les causes de la croissance et de la richesse des nations, la question complexe du bien-être des gens, et non la défense des intérêts des capitalistes ou des patrons.  
  
          N’attend-t-on pas de la croissance économique le sauvetage de notre système de retraite par répartition, le retour à l’équilibre de nos comptes sociaux et la résorption de la dette publique? Mais s’interroge-t-on vraiment sur les conditions et les ressorts d’une croissance durable? La croissance n’est pas un phénomène aléatoire. Si une croissance forte et durable devait se confirmer en Europe, elle ne peut être que basée sur les efforts et les investissements des acteurs économiques eux-mêmes. L’État ne peut pas produire la croissance mais il a le devoir de garantir les conditions légales de la prospérité. 
  
          Certes, les motifs d’indignation sont nombreux: les profits et les licenciements, les brevets et la faim dans le monde, la pollution et les É.-U. Ces associations sont faciles, mais trompeuses. Danone licencie mais combien de personne fait-il vivre directement par les emplois qu’il fournit, indirectement par les produits qu’il vend? On reproche aux actionnaires de pressuriser les salariés via la bourse. 
  
          C’est un préjugé classique qui témoigne d’une méconnaissance profonde des principes économiques en général, et des mécanismes boursiers en particulier; une simple comparaison entre les masses concernées montre l’inanité de cette hypothèse: le groupe Danone a distribué, au titre de 1999, 1,7 milliard de dividendes sur 2,8 milliards de francs de bénéfices; dans le même temps il versait 13 milliards de francs de salaires. De plus, la majeure partie des bénéfices des sociétés est réinvestie dans l’entreprise. Les profits ne sont donc pas intégralement redistribués aux actionnaires; une grande partie est réinvestie dans la recherche, la modernisation de l’outil de production et la croissance externe – car c’est justement la condition de survie des entreprises à long terme dans un contexte concurrentiel. 
 
     « Peut-on mettre en péril toute une économie en se basant sur des éléments non fondés? Ceux qui l'on fait en Europe de l'Est et en Russie ne sont certainement pas des modèles à suivre. »
   
          La question difficile de la pollution atmosphérique fait l’objet d’un même traitement simplificateur. Aucun scientifique honnête et sérieux ne peut prouver que le climat de la planète se réchauffe ou qu’il se réchauffera. Toutes les études en ce domaine sont basées sur des simulations qui sont aussi efficaces que les modèles de simulation visant à anticiper l’évolution des marchés financiers. Les climatologues sont les premiers à reconnaître que la climatologie est une discipline très récente et que les facteurs intervenant dans le climat sont si nombreux et leurs interactions si complexes qu’aucune théorie ne peut à ce jour prétendre toutes les intégrer dans un modèle dûment validé.  
  
          Dans les modèles en question, les experts isolent deux gaz liés à l’activité humaine et qui contribueraient au réchauffement (si l’on admet cette hypothèse): le méthane et le dioxyde de carbone. La protestation internationale prend pour cible le dioxyde de carbone. Et pour cause: les É.-U. en produisent trois fois plus que le reste du monde. Ce que l’on oublie de dire, c’est que la totalité du dioxyde de carbone produit par l’activité humaine ne représente que 5% du total de ce gaz qui provient pour l’essentiel de la respiration de la nature. Il y a donc une pollution d’origine naturelle. S’en prendre au CO2 américain est donc une entreprise purement partisane dont l’objectif à peine caché est de stopper la croissance américaine: en effet, l’application du protocole de Kyoto pourrait conduire à une augmentation du prix de l’électricité de 85% aux É.-U. 
  
          Ces exemples illustrent une question fondamentale dans les rapports entre le politique et l’économie: peut-on mettre en péril toute une économie en se basant sur des éléments non fondés? Ceux qui l’on fait en Europe de l’Est et en Russie ne sont certainement pas des modèles à suivre: ils ont fait basculer dans la pénurie des pays potentiellement riches à force d’acharnement idéologique. À une autre échelle, on a un exemple similaire en France: personne n’a jamais prouvé que le passage aux 35 heures serait créateur d’emplois mais on passe en force, au risque de déstabiliser encore un peu plus les entreprises. 
  
          Ce qui est décourageant et rageant, c’est de voir comment toute notre presse nationale bien-pensante (Le Monde, Libé, l’Humanité) et l’ensemble des médias audiovisuels sont prompts à donner des leçons de vertus en sautant à pieds joints dans les raccourcis les plus faciles et les schémas de pensée les plus simplificateurs. Je regrette que, dans cette course à l’obscurantisme, ceux qui sont amenés à diriger ce pays et ceux qui ont pour mission d’éclairer l’opinion se laissent emporter. Je ne peux que me féliciter de votre courage dans ce contexte d’abdication intellectuelle. 
  
          Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs. 
  
  
Jean-Louis Caccomo
Économiste à l'université de Perpignan
France
 
 
 
 
<< retour au sommaire
 PRÉSENT NUMÉRO