Montréal, 15 mars 2003  /  No 121  
 
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André Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à Montréal.
 
ÉTHIQUE LIBERTARIENNE
 
LE SYSTÈME BANCAIRE: UN CHÂTEAU 
DE CARTES PRÊT À S'EFFONDRER
 
par André Dorais
  
  
          La Société d'assurance dépôts du Canada (SADC) dit garantir vos dépôts dans les institutions financières jusqu'à concurrence de 60 000 $. Or, vous assurez déjà vos meubles, maison et argent lorsque vous voyagez, alors pourquoi faut-il que le gouvernement assure votre argent lorsqu'il est déposé dans les institutions financières? Cela s'avère une assurance contre la défaillance des banques, mais il n'y a pourtant pas que les banques qui peuvent faire défaut. Alors pourquoi une protection publique pour les banques et non pour les autres industries: marchands, transporteurs, etc.? Les réponses suivantes devraient vous servir de mise en garde, car vous réaliserez que le socialisme existe également en finance. Le monde de l'« argent » n'est pas qu'affaire de capitalisme. 
 
          La SADC ment-elle? Disons que si elle ne ment pas, elle ne dit pas toute la vérité. Elle garantit effectivement, par l'entremise de son pouvoir de taxation, une partie de vos dépôts bancaires jusqu'au seuil indiqué. Toutefois, si plusieurs de ces institutions, voire une seule grosse, n'étaient plus en mesure de répondre à la demande, les taxes que le gouvernement devraient imposer pour honorer sa garantie seraient à ce point élevées qu'elles risqueraient de faire tomber l'économie au grand complet. Il en est ainsi car les banques sont déjà en faillite. Elles sont en faillite car elles n'ont plus l'argent que vous y avez déposé, l'ayant déjà prêté. Le gouvernement vous « donne » une garantie bidon simplement pour vous rassurer. 
  
Un système frauduleux 
  
          Le gouvernement sent le besoin de vous offrir cette garantie pour que vous ne vous posiez pas trop de questions. Il va même jusqu'à se faire passer pour un gouvernement rempli de compassion – comme si une telle chose existait. Imaginez, il vous prend dans une poche ce qu'il vous remet, en partie, dans l'autre. Il vous fait la leçon en disant de faire attention où vous placez votre fric, et vous considérez cela comme étant de la générosité car vous pensez qu'il vous protège de banquiers véreux ou incompétents. C'est le monde à l'envers! Plus le gouvernement joue le rôle de moralisateur, plus vous considérez que les banques sont coupables. Or, vous vous mettez un doigt dans l'oeil car la culpabilité du gouvernement est sans commune mesure avec ce que peut faire un banquier comme fraude. 
  
          Bien sûr il y a des institutions financières qui sont meilleures que d'autres pour gérer l'argent, mais dans le scénario que j'évoque, les « bonnes » finiraient par y passer également car elles s'appuient sur le même système frauduleux des réserves fractionnaires. Ce système leur permet de prêter pratiquement tout l'argent que vous leur avez confié. Les banques ont non seulement le droit mais sont encouragées, par le gouvernement, à ne maintenir qu'une fraction de l'argent que vous y déposez pour le prêter à d'autres. Cette fraction varie selon le secteur financier, mais elle est, en général, très basse. À titre indicatif, elle est de 10% pour les grandes banques. Cela signifie qu'à partir de leurs réserves, les banques peuvent gonfler jusqu'à dix fois la masse monétaire. Si vous cherchez une explication à l'inflation et aux cycles économique, elle est là. 
  
          Pour reprendre les mots de Murray N. Rothbard: assurer pareil système, c'est comme vouloir assurer le Titanic après qu'il se soit échoué. Pas une compagnie d'assurance n'entreprendrait pareille aventure, mais à l'aide de notre argent, le gouvernement, lui, en est capable! Il est effectivement capable d'entreprendre, mais il semble incapable de s'arrêter. Le gouvernement assure les banques et pas les autres industries pour l'unique raison que celle-ci est illégitime. De par les lois qui la régissent, l'industrie bancaire est incapable d'honorer ses contrats. Elle ne tient que par la confiance que vous lui accordez. Lorsque vous déposez votre argent dans un compte épargne ou un compte chèque, vous avez en théorie le droit de le retirer sur demande – sauf si vous êtes trop nombreux à vouloir le retirer en même temps. Les banques ayant prêté jusqu'à 90% de leurs dépôts ne seraient pas en mesure de rappeler du jour au lendemain leurs prêts. Plusieurs de ceux-ci seront d'ailleurs irrécupérables, alors la SADC viendrait à la rescousse. 
  
     « Assurer pareil système, c'est comme vouloir assurer le Titanic après qu'il se soit échoué. Pas une compagnie d'assurance n'entreprendrait pareille aventure, mais à l'aide de notre argent, le gouvernement, lui, en est capable! »
 
          Toutefois, dans un scénario catastrophique, mais de plus en plus probable, la SADC ne suffirait pas à corriger la situation. Il faut réaliser l'impact très déstabilisateur de la faillite de quelques institutions financières. Cela a un effet d'entraînement. Les premières à tomber ne sont pas nécessairement les plus mauvaises, mais celles qui ne sont pas couvertes par l'assurance que sont nos taxes. Les plus mauvaises tombent également et finalement les autres, car elles fonctionnent toutes avec le même système.  
  
          Dans ce scénario, le gouvernement peut faire appel à la banque centrale dans le but d'« imprimer » de nouveaux billets, mais si ceux-ci sont déposés dans les banques, comme ils le sont le plus souvent, ils seront prêtés de nouveau. Cela gonflera d'autant plus la masse monétaire et l'inflation deviendra hyperinflation. Bref, on vous taxe au maximum et ce qui vous reste perd de son pouvoir d'achat à la minute. Il est également possible que le gouvernement décide, comme en Argentine, de limiter les retraits que vous pouvez faire en temps normal tout en prenant soin de laisser ces institutions libres de récupérer les dettes que vous auriez contractées avec elles... Peu importe la méthode choisie, la seule garantie de celles-ci est qu'elles vous ruineront. Vous disiez générosité? 
  
          Saviez-vous que les produits assurés par la SADC constituent à peine 1% de l'argent investi? Or, si le système s'écroule, vous aurez beau réclamer la portion assurée, il en reste quand même pas mal à risque. Prendre des risques est le lot de tout investisseur, mais aviez-vous envisagé celui-là? La SADC a été établie en 1967 et son équivalent, aux États-Unis, a été établi en 1933 lors de la Grande dépression. Les politiciens voulaient absolument répondre à la demande d'individus fatigués et stressés d'avoir à faire la queue pour retirer leur argent. C'est que lorsque les gens perdaient confiance en leur banque, ils s'y précipitaient pour sortir leur argent et si elle en avait prêté plus qu'elle en possédait, alors elle faisait faillite sur le champ. 
 
Qui est responsable? 
 
          Malgré son caractère exigeant, le système qui prévalait auparavant avait des avantages qu'on ne retrouve plus aujourd'hui, notamment celui d'empêcher la majorité des banques de s'aventurer dans cette voie et de contenir l'inflation qui la caractérise. Aujourd'hui, au contraire, de par la règle des réserves fractionnaires, non seulement on accepte l'irresponsabilité, mais on l'encourage. Les banques ne peuvent pratiquement plus faire faillite bien qu'elles le soient en réalité. Au lieu que ce soit elles et leurs clients qui écopent, ce sont tous les payeurs de taxes qui paient – « solidarité » oblige. De plus, les politiciens et bon nombre d'économistes encouragent les banques à prêter au-delà de leur capacité car, d'une part, ils ne connaissent pas l'utilité de maintenir des réserves appuyées entièrement par de l'argent liquide et, d'autre part, ils ne font plus de différence entre consommation et richesse. On peut bien blâmer certains gestionnaires bancaires d'irresponsabilité, mais ils ne sont pas les seuls coupables et surtout pas les plus importants. 
  
          Les politiciens sont toujours venus à l'aide de tout le monde et sur ce point, donnons-leur crédit. Toutefois, à la différence des entrepreneurs qui servent tout autant, les moyens qu'ils utilisent pour aider sont illégitimes, car ils s'approprient votre propriété sans votre permission. Ils y réussissent à l'aide de sophismes et d'une croyance populaire démesurée en la démocratie. Ce faisant, ils font toujours plus de tort que de bien. Vous avez également une part de responsabilité car vous ne cessez de leur demander d'intervenir pour corriger une situation qui vous apparaît injuste. Cela développe chez eux le sentiment d'être indispensable, ce qui est pourtant faux. 
  
          Protéger les banques entraîne plus de taxes et plus d'inflation, cette dernière également une forme de taxe puisque l'effet est le même, voire pire car personne ne reçoit quelque chose en retour. Celle-ci est d'autant plus grave qu'elle passe relativement inaperçue. Maintenir ce système, c'est appauvrir la majorité et c'est prendre le risque de tout perdre. Ce n'est pas parce qu'il est en place depuis quelque 70 ans qu'il se maintiendra encore longtemps. Il n'a de fondation que taxes et inflation. C'est un véritable château de cartes. Ce système est injuste et le maintenir l'est tout autant. Il n'assure qu'une chose: l'irresponsabilité et ses conséquences. 
  
          Une société publique d'assurance dépôts est inutile lorsqu'existe un système de réserves pleines et entières, ce qui surviendra en abrogeant la loi établissant la légalité des réserves fractionnaires. Cela devrait être accompagné d'une privatisation de la monnaie qui ne tarderait pas à rétablir l'or comme moyen d'échange. La banque centrale perdrait alors son utilité et les politiciens beaucoup d'influence. Or, c'est justement parce que ces derniers, ainsi que les banquiers privilégiés du système, ont tout à perdre qu'ils vous disent de ne pas vous inquiéter. 
 
 
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