Montréal, 15 mars 2003  /  No 121  
 
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Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de Thatcher à l'Elysée (éditions Odilon Média).
 
OPINION
 
RAFFARIN À LA RÉUNION: LE DÉSASTRE DE L'EXCEPTION FRANÇAISE
 
par Michel de Poncins
  
  
          Le premier ministre Jean-Pierre Raffarin se trouvait le 21 février dernier à la Réunion. Cette île lointaine vit pratiquement en totalité de l'aide publique de la « métropole ». Sur 750 000 habitants, 124 000 sont à l'Anpe (Agence nationale pour l'emploi) et 325 000 à la CMU (Couverture maladie universelle); cela fait 40% de la population qui compte parmi les pauvres. Le reste évidemment vit aussi indirectement de cette manne publique, les commerçants et bien d'autres en recevant les effluves. Cela n'a pas empêché les manifestations, car la logique interne à toute aide publique est que les bénéficiaires en redemandent sans cesse et que d'autres arrivent sur leurs traces pour revendiquer une part du gâteau. 
 
          Bien entendu, le bonhomme Raffarin a lâché une miette en annonçant le relèvement du plafond d'accès à la CMU: C'est la stratégie des miettes utilisée par tous les pouvoirs crypto socialistes depuis des décennies et qui joue un rôle majeur dans l'effet de ruine. L'aide française en faveur de l'île est prélevée dans les conditions contraignantes que l'on sait sur les capitalistes et les travailleurs français; elle ravage à due concurrence et comme un cyclone l'économie française et à l'autre bout de l'océan indien entretient le cyclone de la misère.  
  
          Personne n'a parlé à cette occasion de l'île voisine: l'île Maurice indépendante depuis 1969. Or, c'est la même région, le même territoire et la même population. C'est aussi la même histoire, fortement liée à l'histoire de France, avec une parenthèse britannique pour l'île Maurice.  
  
          Maurice n'ayant pas à sa disposition, lors de son indépendance, des contribuables européens agenouillés et consentants, elle a dû se débrouiller toute seule et a choisi la voie de la libre entreprise. Le gouvernement, bien que travailliste, a volontairement tourné le dos au socialisme et à l'État-providence. Ainsi, les forces vives de ce pays ont pu, à tous les niveaux de responsabilité, se mobiliser pour créer tout un réseau de petites et moyennes industries exportatrices. Une coopération industrielle d'entreprises européennes et surtout françaises a pu s'organiser; plus de cent entreprises franco-mauriciennes ont été ainsi créées dans les dix premières années. 
  
          Le résultat a été spectaculaire. La comparaison avec l'île voisine de la Réunion est significative. Souffrant de l'aide française, celle-ci se traîne depuis des décennies avec une proportion incroyable de chômeurs et de rmistes (personnes qui touchent le revenu minimum d'insertion) et cela ne s'arrête pas. 
  
          Voici des signes de la prospérité de l'Ile Maurice: quasi disparition du chômage et hausse des salaires les plus bas. La prospérité est obtenue malgré une très forte densité et malgré le manque de ressources naturelles, sauf la canne à sucre. Elle confirme que la prospérité peut se construire sans ressources naturelles et uniquement sur la base de bonnes ressources humaines jouant dans la liberté.  
  
     « Les prélèvements obligatoires à l'île Maurice ne dépassaient pas il y a quelques années 10%, ce qui est l'une des causes évidentes de la prospérité. »
 
          Au départ du développement, il n'y avait pas de smic (salaire minimum). Cela explique que tout le monde s'est mis à travailler; une conséquence est, justement, que maintenant les salaires, notamment les plus faibles, ont beaucoup progressé comme ils le font dans les pays où il n'y a pas de smic ou un smic très faible: voir la Suisse.  
  
          Depuis peu, apparaît un nouveau et excellent phénomène qui est la nécessité de délocaliser. En France, beaucoup critiquent les délocalisations en accusant les industriels. Cette accusation est injuste, car ce sont les hommes de l'État qui, par leurs dépenses incroyables et les charges qui s'ensuivent, poussent les usines dehors. Les nouveaux pouvoirs publics en 2002 ont déjà contribué à détruire, en quelques mois, par la poursuite des dépenses anciennes et la création de dépenses nouvelles, un grand nombre d'industries, d'où tous les plans sociaux sur lesquels les mêmes pouvoirs publics ne manquent pas de venir pleurer publiquement, non sans injurier parfois les patrons.  
  
          En revanche, quand la qualification de la main-d'oeuvre augmente et que la gestion des affaires se perfectionne, un cercle vertueux s'amorce. Les salaires progressent et il faut délocaliser certaines productions. Mais la main-d'oeuvre locale, précisément, est mieux payée et en outre elle peut bénéficier de produits moins coûteux venant de pays où cette même main-d'oeuvre est moins chère. Ce type de délocalisation malgré les problèmes ponctuels est un de bon augure.  
  
          Les prélèvements obligatoires à l'île Maurice ne dépassaient pas il y a quelques années 10%, ce qui est l'une des causes évidentes de la prospérité. 
  
          Si on avait voulu faire une expérience pratique de la liberté, on n'aurait pas pu faire mieux que de juxtaposer ces deux îles. L'Océan indien va devenir un pôle de prospérité dans les années à venir et l'île Maurice a l'ambition de jouer pour l'Océan indien le rôle que joue Singapour pour l'Asie du sud et du sud-est.  
  
          L'île de la Réunion est appelée à continuer à sombrer dans les bras vermoulus de l'aide publique française. 
  
 
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